L’impression de bricolage de ce plan conçu à la va-vite nous donne un sentiment de médiocrité et de sauvetage temporaire, comme si l’urgence électorale constituait l’unique boussole. Alstom Belfort respire… pour quelques mois. Disons, jusqu’aux élections du printemps prochain, peut-être jusqu’en 2018, date initiale à laquelle la direction souhaitait sacrifier le site. Prenons acte: cette fois, personne ne pourra reprocher à François Hollande d’avoir lâché son constructeur national, comme il l’avait fait à Florange avec les ArcelorMittal. Accordons un minimum de crédit à l’initiative gouvernementale – comme quoi, cela se peut! – pour remplir les carnets de commandes d’Alstom et maintenir la production de Belfort, sauvant 480 emplois et bloquant pour l’heure la dévitalisation programmée du territoire. Notons au passage que rien ne serait arrivé – ni les quelques reculs des dirigeants du groupe ni ces annonces – sans la forte mobilisation des salariés, de leurs représentants syndicaux, ainsi que de la population, ce qui permit de transformer le dossier en emblème stratégique national. Et c’est bien le cas. Voilà pourquoi l’impression de bricolage de ce plan conçu à la va-vite nous donne un sentiment de médiocrité et de sauvetage temporaire, comme si l’urgence électorale constituait l’unique boussole, comme si l’État actionnaire, qui n’a soi-disant rien vu venir, cédait au chantage à l’emploi honteusement pratiqué par une entreprise roulant sur l’or. L’État est loin du compte. Non seulement il refuse d’utiliser la puissance de son bras séculier, mais ce rafistolage à court terme, qui vise à sauver les apparences, ne constitue en rien une réelle stratégie industrielle.
Chacun aura évidemment compris que le problème ne pouvait être circonscrit à Belfort, qui a juste révélé l’ampleur de la crise du ferroviaire. Pour affronter la mobilité de demain et le changement climatique, la France doit avoir une vision stratégique au minimum décennale. Un site de production de locomotives et de motrices du XXIe siècle est ainsi indispensable. Y parvenir nécessite que l’État monte au capital d’Alstom, afin d’acquérir au moins une minorité de blocage, et de tenter de se prémunir des appétits du privé dans la perspective de l’ouverture à la concurrence des lignes à grande vitesse. À force de sacrifier l’essentiel pour l’urgence, nous finissons toujours par oublier l’urgence de l’essentiel. [EDITORIAL publié dans l’Humanité du 5 octobre 2016.]