Alors que la situation sécuritaire se dégrade, que les besoins humanitaires augmentent et que l’accès se réduit, la conférence reproduira-t-elle les erreurs du passé ? L’aide sera-t-elle enfin dépolitisée, centrée sur les besoins des Afghans et évaluée sur l’impact et la qualité ?
La conférence de Bruxelles doit évaluer les efforts réalisés conjointement par la communauté internationale et le gouvernement Afghan pour accroître l'efficacité de l'aide et des fonds fournis. En effet, malgré les niveaux massifs d’aide, la situation des Afghans continue de se dégrader. L’aide au développement en Afghanistan se concentre en priorité sur la gouvernance, le secteur économique et sécuritaire. L’objectif principal est de permettre au gouvernement afghan d’installer un Etat et une administration, qui indirectement soutiendrait la population plutôt que d’aider directement la population. Lorsque l’on analyse l’évolution des besoins, force est de constater que ce système et ces choix stratégiques n’ont pas eu les effets escomptés.
Des besoins immenses
Malgré les objectifs de stabilisation du pays annoncés par la communauté internationale, la situation sécuritaire ne cesse de se dégrader. L’année 2016 a d’ailleurs été une année particulièrement sanglante. Les civils ont payé un lourd tribut, de même que les structures de santé et les humanitaires. Les plus vulnérables sont encore une fois les premières victimes : une victime civile sur 4 est un enfant tandis que le nombre de femmes touchées a augmenté de 37% par rapport à 2014.
Au cours de l’année 2015 on a constaté une augmentation de 96% du nombre de personnes déplacées par rapport à l’année précédente. Ce sont 1.2 million de personnes déplacées qui vivent dans une grande précarité à travers tout le pays. Pourtant l’aide est de plus en plus difficile à délivrer. L’année 2015 a été une année record en termes de nombre d’attaques contre les services de santé (125 ont été rapportés en 2015, contre 59 en 2014 et 33 en 2013). 2016 ne s’annonce guère moins violente puisqu’on comptait déjà 64 attaques visant les services de soins et de santé durant le premier semestre, faisant 11 victimes civiles. Ils sont également nombreux à fuir dans les pays voisins ou plus lointains. Les Afghans sont la 3ème nationalité arrivant en Europe.
Les taux de malnutrition aiguë sévère sont particulièrement élevés en Afghanistan et sont la cause sous-jacente d’un tiers des décès des enfants de moins de cinq ans. « Le nombre d'enfants tués par le conflit en 2015 représente moins de 1% du nombre d’enfants qui meurent de la malnutrition chaque année en Afghanistan. On sait aussi que le pays compte le 2ème taux de mortalité infantile le plus élevé au monde, ce qui représente des milliers de décès d'enfants.» explique Jovita Sandaite, responsable du plaidoyer d’Action contre la Faim à Kaboul qui a enquêté sur l’impact de l’aide en Afghanistan. « Pourtant le gouvernement afghan n’a toujours pas fait de la prévention et de la lutte contre cette maladie une priorité.»
Des aides inadaptées
Action contre la Faim publie un rapport réactualisé décrivant la réalité actuelle des besoins en Afghanistan et présentant les défis du système de santé. Réalisé à partir de l’expérience tirée de plus de 20 ans de présence dans le pays et d’observations réalisées sur ses programmes, le rapport met en lumière le décalage entre les besoins humanitaires des Afghans et les réponses apportées par le gouvernement et de la communauté internationale.
En décembre 2014, lors de la précédente conférence qui avait lieu à Londres, ce décalage n’avait pas été pris en compte dans la résolution finale. Pour Jovita Sandaite, « la conférence de Bruxelles doit être l’occasion d’une remise en question du système de l’aide. Elle doit permettre de redéfinir les priorités et de s’attaquer aux besoins et aux défis quotidiens des Afghans. Même si cette conférence a avant tout pour objet le développement à long terme du pays, ACF appelle à ce que des engagements financiers réalistes soient pris et répondent aux urgences qui frappent de façon récurrente le pays. En outre, la déclaration finale de Bruxelles devra explicitement reconnaître que le but de l'aide est de répondre aux besoins de la population afghane, et non aux intérêts internationaux ou à la seule stabilisation de l'État ».
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Photo : © ACF, Sandra Calligaro - Afghanistan