Les romans de Christian Oster possèdent un charme singulier.
On court un risque à le décrire. Chaque argument peut se retourner contre lui,
nombre de lecteurs ne comprenant pas, à moins d’y aller voir, quelles sont les
qualités propres à, par exemple et pour citer le livre qui vient de reparaître
au format de poche, Le cœur du problème.
L’ambiguïté tient à la faiblesse du commentaire face à la force de l’écriture
romanesque. Mais aussi à une évidence : ce qui plaît à l’un peut ennuyer
l’autre.
Prenons le risque. Les silhouettes des personnages de
Christian Oster sont floues, leur caractère, indécis, leur parcours, hasardeux.
Simon, comme d’autres dans les romans précédents, est placé devant une
situation qu’il ne maîtrise pas, qu’il fait mine de dominer mais dont la suite
des événements prouvera qu’elle était trop complexe pour lui. L’ouverture en
fournit les principaux éléments : en rentrant chez lui, Simon trouve dans
son salon le cadavre d’un homme, selon toute vraisemblance tombé de la mezzanine
dont la balustrade est brisée. Diane, la compagne de Simon, est dans la maison,
mais elle ne veut pas parler et s’en va.
Malgré le caractère improbable d’une scène à laquelle il se
dit qu’il ne sera jamais confronté, le lecteur sent poindre une question :
si j’étais à la place de Simon, comment réagirais-je ? Puis, heureusement
pour sa tranquillité d’esprit, la question s’efface derrière les improvisations
de Simon : placer le cadavre dans le coffre de la voiture, trouver de la
glace pour éviter les odeurs, l’enterrer dans le jardin, vendre la maison après
avoir fait réparer la balustrade… Chaque acte est pesé, mais à l’aune
d’arguments peu solides.
Intervient un gendarme, Henri, à qui Simon est venu
déclarer, histoire de paraître logique, la disparition de Diane. Henri est trop
amical pour n’être pas soupçonneux. Passe l’épouse de l’homme dont le cadavre
était dans le salon, et qui se demande ce que faisait le numéro de Diane dans
le portable de son mari. Apparaissent quelques autres protagonistes d’une partie
que, néanmoins, Simon joue seul, contre-lui-même.
Dans ce polar sans énigme, c’est l’état d’esprit de Simon qui devient le
fil du récit, tout le reste étant anecdotique. Troublant.