En ce premier weekend d’octobre, il est temps de faire un petit bilan sur les nouveautés manga de la rentrée : avec 15-20 tomes 1 en août et le double en septembre, c’est une cinquantaine de nouveautés qui ont inondé les librairies. J’en retiens 5 pour le moment. J’ai totalement flashé sur Golden Kamui et j’ai tenté de vous convaincre de l’essayer dans les colonnes de Journal du Japon, mais d’autres titres méritent aussi votre attention et je vous présente aujourd’hui les 4 plus convaincants : Springald chez Ki-oon, Rouge Eclipse chez Akata, Wizard’s Soul chez Doki-Doki et SK8R’S chez Kana.
En route pour ces chroniques… Bonnes lectures à toutes et tous !
Voici donc un seinen, one-shot de 248 pages, inspiré d’un personnage célèbre de la littérature anglaise, Spring-Heeled Jack alias Jack Talons-à-Ressort. Nous sommes à Londres dans sa célèbre époque victorienne, dans la première moitié du XIXe pour être plus précis. L’essor économique et la révolution industrielle en sont à leurs débuts et les 2 millions d’habitants de la capitale ne connaissent pas encore des nuits paisibles : éclairage public pas vraiment efficace voire absent, police municipale naissante et centre ville qui fourmille de différentes populations issues d’un exode rural forcé et synonyme de misère. Un terreau pour le crime, la boisson et des nuits qui ne sont donc pas vraiment sûres.
C’est justement un soir de novembre 1837 que le fameux Jack fait son apparition, arrachant les vêtements d’une jeune serveuse mais finissant par s’enfuir dans un rire sardonique. La légende naît ainsi et Kazuhiro FUJITA a visiblement pris beaucoup de plaisir à nous la raconter. Son Jack est un personnage aussi farceur que terrifiant, imprévisible et fantasque, bondissant d’un toit de tuiles à l’autre, crachant des flammes bleues et rigolant de ses propres mauvais tours. C’est un méchant qu’on aime tout de suite, un monstre-qui-n’en-est-pas-vraiment-un, celui qui peut effrayer les plus petits mais dont on aimerait revêtir le costume une fois plus âgé, car il est synonyme de liberté et d’amusement sans conséquence.
Evidemment, Jack se découvre rapidement un adversaire à sa hauteur en la personne de l’inspecteur James Rockenfield, impulsif mais observateur, qui comprend rapidement qui se cache derrière le célèbre Jack. Néanmoins le véritable ennemi de notre monstre à ressort, dans l’histoire de FUJITA, pourrait bien être une troisième personne. Après trois ans sans méfait, la légende est en effet de retour mais elle ne se contente plus de dénuder les femmes : elle les tue !
Pourquoi ? Comment ? Qui ? L’enquête et les courses poursuites sont passionnantes à suivre et trimbalent avec elle des rivalités et des amours qui donnent beaucoup de sel à l’histoire. Le trait de FUJITA prend les allures d’un conte de Burton pour sa folie sans conséquence, tandis que la gouvernante évoquera des souvenirs aux fans d’Emma. Cerise sur le gâteau : les interludes entre chapitres vont ravir les plus curieux et amateurs d’histoire car Katsuo JINKA, spécialiste des légendes urbaines londoniennes dont le livre London no Kaiki Densetsu est à l’origine de Springald, a accepté d’écrire des notices explicatives pour placer le contexte historique, social et culturel de notre fameux Jack, de l’essor du Londres industriel aux débuts de Scotland Yard…
Cette Histoire dans l’histoire est passionnante et finit d’enrichir ce one-shot qui était déjà réussi, pour en faire une petite pépite. Pépite sur le fond comme dans la forme d’ailleurs, puisque les éditions Ki-oon publient l’ouvrage avec une belle couverture, dans un papier agréable à manipuler, et qu’ils ont confié la traduction à Sébastien Ludmann dont on a pu apprécier le travail sur Cesare, Kasane, Ad Astra, … Le traducteur aligne ici le langage sur l’ambiance vieillotte du titre (tant par l’époque que par son visuel) en utilisant par petites touches quelques termes ou expressions françaises désuètes. Le soucis du détail qui fait plaisir à la lecture.
J’aurais pu faire un article complet sur ce manga mais je pense – j’espère ! – que j’en ai assez dit pour vous convaincre de vous faire un petit plaisir en vous offrant Springald, premier opus d’une nouvelle collection dark fantasy, développée avec les éditions Kodansha sous le nom de « Black Museum », dont on attend des nouvelles le plus rapidement possible !
Zenko ne meurt pas, mais la jolie devient donc la moche, et vice versa. Rien de nouveau ? Et bien si, car on comprend rapidement que rien ne va se dérouler comme prévu pour le lecteur. La mangaka va marcher sur les codes narratifs habituels et déjouer les attentes, en faisant de ses personnages des gens beaucoup moins naïfs et prévisibles que d’habitude. Zenko, l’ancienne impopulaire, devient la pire des pestes dans la peau d’Ayumi : comme si ce qu’elle vient de faire ne suffisait pas – ça à la limite on comprend pourquoi elle veut changer de corps et de vie – elle va chercher à détruire psychologiquement la nouvelle occupante de son ancien corps, lui faire subir ce qu’elle a vécu dans son ancienne vie. Elle veut qu’elle souffre.
Mais l’entourage fini par avoir des doutes et ne se laisse pas si facilement manipuler par la nouvelle Ayumi. Mais il s’en faut de peu : comme dans la réalité, nous basons souvent notre jugement sur les apparences et les vraisemblances les plus simples, et en découle les drames parfois longuets des shôjos habituels. Heureusement pour le lecteur dans Rouge Eclipse il y a Kaga, amoureux en secret d’Ayumi. Ce dernier comprend que celle qu’il aime a changé du jour au lendemain tandis que la fameuse Zenko lui rappelle fortement quelqu’un. Kaga étant un garçon respecté, il met les pieds dans le plat pour empêcher que les amies d’Ayumi accusent à tort la nouvelle Zenko qui, seule, a bien du mal à digérer et gérer sa nouvelle vie. La vengeance de la nouvelle Ayumi, qui a pourtant toutes les cartes en main, n’est finalement pas jouée d’avance. Elle se retourne même, par moment, contre elle…
Mais les rebondissements viennent aussi d’autres personnages, notamment du fameux petit ami que j’évoquais au tout début, et c’est un véritable bal de dupes qui se tient dans ce premier volume, enveloppé dans un chara-design qui joue justement sur ces transformations des âmes, sur ces révélations de la noirceur humaine derrière un écrin pourtant charmant. Les twists et les changements d’ambiance en deviennent d’autant plus saisissants et font souvent mouche. La série compte seulement quatre volumes et ce premier opus se lit d’une traite, donc rendez-vous en tout cas le 13 octobre pour le second tome, ou allez faire un tour sur le site d’Akata pour y lire la preview !
Wizard’s Soul #1 & 2 de aki eda chez Doki-Doki : lui c’est la surprise du lot. À mi-parcours du premier tome j’ai même failli lâcher la lecture, car on ne sait pas trop où l’on va et le tramage / encrage de la mangaka n’est pas du tout ma tasse de thé et donne un rendu cheap (ou alors c’est un mauvais choix de papier, j’avoue que je botte en touche là dessus). Bref, c’était donc mal engagé. Pourtant, deux jours plus tard, je refermais le tome deux en ayant envie de lire la suite de cette série qui en compte quatre. L’héroïne et son histoire des plus déprimantes, la pauvre, m’ont séduit.
Le récit évolue dans un monde semblable au notre mais où un jeu de cartes du nom de Wizard’s Soul est omniprésent.. Toutes les générations y jouent et le jeu peut même faire évoluer votre valeur aux yeux des autres : un bon niveau pourra vous aider à entrer dans un lycée réputé ou à devenir riche par exemple.
Malheureusement la jeune Manaka a un rapport des plus compliqués avec ce jeu. Son père sans emploi a perdu énormément d’argent après plusieurs défaites et le petit boulot de notre lycéenne ne sera pas suffisant pour éponger les dettes. Elle se retrouve obligée de dévoiler son véritable talent à Wizard’s Soul, la replongeant dans un passé des plus tristes : sa mère aujourd’hui décédée d’une longue maladie a été obsédée par ce jeu durant des années, et possédait un deck des plus morbides. Sa fille, obligée de jouer contre sa mère à chacune de ses visites à l’hôpital, s’était persuadée au fur et à mesure des années qu’elle devait à tout prix vaincre ce jeu funeste et que, si elle y parvenait, la mort qui rodait de plus en plus près de sa mère finirait par partir… qu’elle retrouverait la santé.
Ainsi Manaka est devenue une adversaire redoutable mais elle a développé une façon de jouer des plus antipathiques, car seule la victoire comptait. Malheureusement elle n’a jamais réussi à gagner contre sa mère, aujourd’hui décédée, et c’est avec ce jeu qui la rend totalement impopulaire qu’elle va devoir remporter des compétitions, pour solder les erreurs de son père.
Wizard’s Soul reprend donc le concept du manga – jeu de cartes qu’on a pu connaître dans Yu Gi Ô mais avec un angle seinen beaucoup plus sombre, sans pour autant mettre de coté tout l’intérêt que peut avoir la complexité d’un jeu de carte. En plus du contexte qui nous lie progressivement à l’héroïne par compassion, on suit avec intérêt les différents types de stratégies développées par Manaka et ses adversaires : il y a les les fans d’elfes, de vampires ou de divinités, les bourrins, les défensifs, les attentifs qui savent s’adapter, ceux qui tentent de jouer avec panache, etc. Le tout se mixe avec quelques soucis typiques de l’adolescence comme une histoire d’amour et quelques jalousies, et on se prend, c’est le cas de le dire, au jeu ! A essayer, en lisant la preview au moins, vous serez peut-être agréablement surpris comme votre serviteur !
À la base, on suit l’histoire du jeune Akio, 10 ans, qui habite dans une petite ville anonyme, quelque part au Japon. Un jour, alors qu’il rentre de l’école, il tombe sur un virtuose du skateboard au look unique : l’homme semble flotter dans les airs… Akio veut faire pareil ! Baptisé « Prof« , notre inconnu va lui apprendre les bases du skate pendant quelques jours, avant de devoir quitter le Japon. Mais maintenant qu’Akio a appris à se libérer de la pesanteur, impossible d’abandonner et il va s’entraîner sans relâche, tout en cachant sa nouvelle passion à sa mère et sa sœur, qui voient d’un mauvais œil ce sport dangereux et les personnes au look étrange qui s’y adonnent.
Le temps passe et Akio, qui pratiquait le skate en solitaire, fait la connaissance de Fukusuke, qui vient de rentrer au Japon après avoir vécu à San Francisco. Fan de skate et doté d’une sacré culture en la matière, Fukusuke devient rapidement pote avec Akio et c’est le début d’une longue amitié entre les deux garçons, qui nous emmène encore quelques années plus tard, au lycée. Akio est devenu plutôt doué et lorsque Fukusuke commence à filmer ses performances pour les poster en ligne, c’est là que commence une nouvelle aventure et de nouvelles rencontres.
Ce manga commence donc par la naissance d’une passion, qui prend dés le début racine dans les tripes et dans les rêves du petit Akio. Mais cette passion est en dehors des modes : le jeune homme ne s’amourache pas d’un jeu populaire, il ne part pas à l’aventure pour sauver le monde ou son prochain… Il fait le truc qu’il kiffe, dans son coin, et ça lui suffit. Il voit dès le départ son sport favori comme un art à part entière, avec une poésie assez cool qui contamine rapidement le lecteur. Il faut dire que Prof, immense baraque hyper classe avec ses dreadlocks en impose avec son talent, et sa joie de vivre séduirait n’importe qui. Enfin Akio n’est pas un simple fan des grands skaters : il a sa petite fierté et veut un jour rivaliser avec son mentor, lui promettant d’être un jour, lui aussi, en couverture d’un magasine spécialisé sur le sujet. Moi qui suit plus souvent attiré par les personnages secondaires j’apprécie donc pour une fois celui qui est au centre de l’histoire autant que les autres. Un bon point.
Ainsi cette rencontre avec le skate, qui tient un peu de la destinée pour Akio, est des plus séduisantes. La mangaka fait tout ce qu’il faut pour que le lecteur reste ébahi par les figures qui défilent : on comprend que chacune a été étudiée et décortiquée avec soin, du positionnement sur la planche à l’angle de caméra choisi pour donner l’amplitude optimale au mouvement… quitte à ajouter un petit effet de style en jouant avec les perspectives. Ajoutez-y des superbes lignes de force qui dynamise le tout avec brio, et voilà donc des tricks et des rides qui en jettent ! Je n’ai pas encore eu de retour de skaters sur ce premier volume mais je peux vous dire que sur un néophyte comme moi, ça a un effet bœuf.
Je pourrais continuer de vous parler de SK8R’S mais j’en garde sous le coude pour les prochains volumes : la série compte actuellement 3 tomes au Japon et le second volume sort chez nous début décembre… On en reparlera à coup sûr !
Et voilà pour ces lectures… De tous ces titres et d’autres, il en est question, en images et commentaires, sur les réseaux sociaux comme Instagram, Facebook ou Twitter pour des impressions post-lecture à chaud. Rendez-vous au prochain épisode !