La prépa de court métrage c’est tout un art. Ca bouffe du temps, c’est excitant et frustrant à la fois… mais surtout ca empêche d’avoir du temps pour aller au cinoche. Du coup, en ce vendredi, je vais chroniquer un petit film que j’avais loupé lors de sa sortie. Le fantastique ibérique étant plutôt punchy, intéressons nous à un des précurseurs de cette nouvelle vague.
Fausto 5.0 – Damnation 2.0
Le docteur Faust est un brillant médecin intervenant auprès des malades en phase terminale. Il rencontre par hasard un certain Santos Villa, qui se dit être un de ses anciens patients à qui il aurait enlevé une partie de l’estomac. Faust, ne le reconnaissant pas discute quelques instants puis s’en va. Mais Santos va s’immiscer petit à petit dans sa vie et lui proposer d’exaucer tous ses souhaits, tous ses désirs, même les plus pervers. Un peu paumé, Faust va se laisser tenter.
Comme dit plus haut, Faust 5.0 fait partie de cette nouvelle vague de fantastique espagnol. Cette vague cherche avant tout à prendre des sujets devenus courants et à les moderniser en y apposant un traitement brut, des personnages forts et une certaine mélancolie catalane. En résulte une série de films relativement saisissants et qu’on peut tous qualifier d’œuvres majeures (La Secte sans Nom, l’Echine du diable, Fragile, L’Orphelinat, ou le tout récent [REC]…), décrivant via le prisme fantastique les travers d’une société souvent vue comme déliquescente.
Faust 5.0 a été un des premiers films de cette vague et possède du coup un style très particulier. Déjà, fait rare, le film est réalisé par trois personnes, ce qui permet de mêler styles et influences et de proposer quelque chose d’à la fois original et étonnant. A commencer par leur vision de Barcelone, quelque peu différente de la réalité. La ville semble avoir souffert et présenter un visage ou la corruption guette à tous les étages. L’ambiance y est à la fois onirique, sale, décadente… et pourtant sensuelle. Je vous avoue qu’il est un petit peu difficile de donner des termes précis pour décrire une ville aperçue dans un film, mais on sent vraiment un mélange de perversion et de séduction relativement attirant.
Autre point permettant de tordre le cou aux clichés : la façon dont est traité ce fameux concept de la Damnation de Faust. Ici, Santos Villa n’est jamais présenté comme le diable. C’est un personnage étrange, certes, mais le film laisse planer le doute jusqu’au bout sur son identité. Est-ce un démon à visage humain ou tout simplement quelqu’un de particulièrement dérangé ? Les faits étranges qui se déroulent sont-ils des coïncidences ou une habile manipulation ?
Dur à dire, tellement le film bascule habilement entre les codes, situant toujours ses scènes entre l’onirisme et la réalité, avec des transitions brutales de l’un vers l’autre brouillant sans cesse les cartes. Finalement c’est cette volonté de donner des pistes de réflexion et de laisser le spectateur faire sa propre interprétation qui donne sa force au film. Loin des films américains cherchant à donner une explication à tout, au risque de désacraliser leur propos en ne permettant pas à l’imaginaire de combler les trous, Faust joue habilement de ses ellipses narratives pour entretenir une ambiance assez Lynchienne.
Le film est également porté par deux acteurs solides, dont Eduard Fernandez qui a même obtenu le Goya (césar espagnol) du meilleur acteur pour son rôle de Santos. On le reverra bientôt dans Che de Soderbergh. L’acteur argentin Miguel Angel Sola, qui joue Faust, n’a par contre à ma connaissance pas fait de film notable depuis. Faust 5.0 est donc un agréable film fantastique, qui prend ses spectateurs pour des gens intelligents, et qui vaut le coup d’être regardé ne serait-ce que pour ca.