Le danger Juppé

Publié le 29 septembre 2016 par H16

Les primaires de la droite étatiste se rapprochent tous les jours et, à voir le nombre d’affaires qui se sont brutalement accumulées aux basques du candidat Sarkozy, on sent que d’ici au 20 novembre, tout peut arriver, y compris l’imprévisible. En tout cas, tout indique que ces primaires ne seront pas un parcours de santé pour l’ex-président.

Il faut dire qu’on lui en veut, et pas seulement la Justice.

Certes, cela fait un moment que Médiapart, qui a toujours trouvé en Sarkozy un ennemi à abattre, cherche par tous les moyens à prouver que Khadafi aurait financé sa campagne présidentielle en 2007. Or, sa dernière trouvaille, un carnet appartenant à Choukri Ghanem, ancien ministre du pétrole du président libyen, recenserait plusieurs montants de versements pour la campagne présidentielle du candidat Sarkozy. La justice française s’est emparée de l’affaire qui pourrait donc faire vaciller le Républicain.

À cette affaire, on doit ajouter les révélations embarrassantes contenues dans le livre de Buisson, son conseiller présidentiel, et qui brossent de l’actuel candidat un portrait peu flatteur.

Enfin, on ne pourra pas écarter les manœuvres que certains sympathisants et militants de gauche sont d’ores et déjà en train de mettre en place pour s’assurer que le vote, lors de la primaire de droite, ne favorisera en rien l’ex-président. Leur but : tout faire pour que Sarkozy ne soit pas désigné vainqueur.

Cette accumulation d’embûches laisse songeur, à tel point qu’on se demande si, en éliminant ainsi Nicolas Sarkozy du tableau du premier tour de la présidentielle en avril 2017, ce n’est pas François Hollande qui est ainsi visé, faisant ainsi d’une pierre deux coups. En effet, les caciques du Parti Socialiste ont bien compris que la seule chance crédible pour Hollande de remporter la présidentielle est de se retrouver au second tour face à Nicolas Sarkozy ou Marine Le Pen. Or, si Sarkozy n’est pas même présent au premier tour, ces espoirs s’envolent, laissant Hollande face à un candidat comme Juppé qui, pour autant que les sondages l’indiquent, aurait une opportunité de lui infliger une véritable humiliation. Dans ce dernier cas, il serait alors prudent pour Hollande de ne pas se représenter du tout.

Cette théorie a le mérite d’expliquer à la fois pourquoi Hollande attend patiemment avant de se déclarer candidat (probablement après les primaires de la droite) et pourquoi, d’un autre côté, tant de socialistes (caciques et militants) se liguent pour faire tomber Sarkozy : l’éliminer signifie aussi éviter, par ricochet, la déroute probablement cataclysmique d’un Hollande candidat à sa propre réélection.

Ceci posé, cela nous force à examiner l’hypothèse où la primaire ne serait donc pas gagnée par Sarkozy. Que les manœuvres socialistes aient réussi ou que Sarkozy ait échoué à convaincre, ou, pire encore, que les éventuelles manipulations de scrutin et d’urnes n’aient pas fonctionné, peu importe ici : Sarkozy éliminé, le seul candidat crédible en passe de se présenter pour le premier tour de la présidentielle en 2017 serait alors Juppé.

Dans cette hypothèse, Hollande renoncerait peut-être à être candidat. En tout état de cause, et compte tenu des sondages actuels (qu’il faudra prendre avec les pincettes d’usage tant ces derniers sont peu fiables en général), on pourrait alors raisonnablement tabler sur un second tour duquel le ou les candidats socialistes de gauche seraient éliminés et où seule Marine Le Pen pourrait espérer se maintenir. Dans ce cas de figure, Juppé serait alors élu.

Mon opinion est que cette perspective serait pire que les trois autres grandes possibilités qui s’offrent encore à nous à l’heure actuelle, à savoir la réélection de Nicolas Sarkozy, la réélection de François Hollande, ou l’élection inattendue de Marine Le Pen.

En effet, dans chacun de ces trois cas de figures, la France sera confrontée à une situation inédite où le président sera élu par défaut, viscéralement détesté par une majorité de Français, et dont la probabilité de rassembler suffisamment dans son propre camp pour obtenir un gouvernement stable sera à peu près nulle.

Hollande devra composer avec une droite, une extrême-droite et une gauche opposée à lui. Former un gouvernement relèvera de la gageure. Si on ne se retrouve pas directement en cohabitation, la composition de l’Assemblée sera suffisamment fragmentée pour que toute tentative un peu vigoureuse de la moindre réforme, du moindre mouvement politique un tantinet couillu se solde par un échec cuisant. La France serait alors immobilisée, peu ou prou.

Sarkozy se retrouvera dans une situation similaire. S’il disposera peut-être d’une Assemblée tout juste majoritaire, il n’est pas non plus à exclure que ce ne soit pas le cas, à quelques poignées d’élus près, tombés au profit du Front National. Là encore, former un gouvernement s’avérerait complexe et pourrait bien signifier de nombreux blocages et des compromis politiciens qui aboutiront, in fine, à une France là encore immobilisée ou aux mouvements législatifs et gouvernementaux particulièrement ralentis.

Enfin, dans l’hypothèse improbable ou Marine Le Pen parvient à se faire élire, la composition de l’Assemblée sera probablement d’un tiers pour la gauche, d’un tiers pour la droite et d’un tiers pour le Front National. Difficile là encore de composer un gouvernement offensif. De surcroît, l’administration, comme sous Sarkozy, ne fera rien pour arrondir les angles (on peut parier sur des merguez-parties à chaque aspérité législative, par exemple). Là encore, la France sera, peu ou prou, à l’arrêt.

Pour un pays qui a plus que besoin de réformes, cet arrêt à peu près complet peut constituer un véritable danger. Cependant, un gouvernement inutile et inopérant, voire pas de gouvernement du tout, ça a déjà été tenté par différents pays (Belgique, Espagne par exemple), avec des effets finalement plutôt bénéfiques : stabilité fiscale accrue, peu d’affaires politiques dans la vie économique du pays, une administration qui fonctionne en « affaires courantes » sans pouvoir augmenter ses dépenses inconsidérément, etc…

Peut-on vraiment s’en plaindre ?

A contrario, Juppé élu président, c’est l’arrivée au pouvoir d’un candidat qui sera quasiment porté par la ferveur populaire (ou au moins, une ferveur construite et relayée par les médias enamourés). C’est l’assurance d’un gouvernement « d’union nationale », synonyme de compromis voire de gloubiboulga infâme, sans la moindre colonne vertébrale idéologique, avec comme plus petit dénominateur commun entre les différents étatistes de droite et de gauche, … l’étatisme. Youpi.

Autrement dit, on se retrouvera avec à la tête du pays un septuagénaire revanchard de toutes ces années passées en exil et dans le désert politique, flanqué d’un gouvernement qui aura de larges marges de manœuvres pour toutes les bêtises sociétales et non-réformes médiatiques turbulentes qui lui passeront par la tête. Les médias seront tendrement bienveillants, Juppé incarnant l’idée même de consensus mou sans aucune aspérité, capable d’adouber aussi bien les abrutissantes niaiseries écolos que les délétères lubies collectivistes de tous bords.

Arrivé au pouvoir alors qu’il n’aura plus rien à prouver et seulement des claques à distribuer, qu’il aura même des risques non nuls de claboter en exercice, Juppé n’aura strictement aucun intérêt à se démener, et ce d’autant plus que personne ne lui en voudra d’avoir pris le bébé obèse et malade avec l’eau trouble du bain.

Non seulement, la France ne sera pas à l’arrêt, mais tout indique qu’elle foncera, tête baissée, dans les directions impulsées par Hollande et Sarkozy d’un État toujours plus présent et toujours plus envahissant. Autrement dit, Juppé risque bien d’être pire que Hollande et Sarkozy réunis et ce alors même que la situation en Europe (depuis le Brexit jusqu’aux déboires de la Deutsche Bank) n’aura jamais été aussi tendue, et la situation économique française, aussi mauvaise.

Décidément, ce pays est foutu.

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