Publié le 27/09/2016 par Blandine Philippon
© AFP ODD ANDERSEN
Le fondateur de la Sea Shepherd Conservation Society, considéré comme l’un des héros écologistes du XXe siècle par les uns, comme un bandit par les autres, s'accommode de figurer sur la liste rouge d'Interpol.
Toute petite déjà, l'espèce humaine se divise en deux espèces. Ceux qui arrachent la queue des lézards et ceux qui fondent en larmes quand on écrase une araignée. Paul Watson appartient à une troisième : celle qui arrête le bras vengeur lorsqu'il va s'abattre sur l'arachnide. Chez ce grand gaillard sexagénaire à la barbe blanche, bombardé « l'un des vingt plus grands héros écologistes du XXe siècle » par le « Times Magazine », le sursaut fondateur de l'activisme remonte à cinquante années en arrière.Sauver les castors
Parce que les trappeurs dégomment ses copains les castors, le petit garçon décide d'écumer les alentours de son village canadien du Nouveau-Brunswick et détruit tous les pièges qu'il trouve.Printemps 2016, posé sur un canapé du Xe arrondissement de Paris, sa quatrième et très jeune épouse à ses côtés, celui qui figure sur la liste rouge d'Interpol remarque qu'un demi-siècle plus tard, il fait toujours exactement la même chose. À cela près que phoques, requins et baleines ont remplacé les castors, et que l'entreprise vengeresse solitaire contre les trappeurs s'est muée en une petite armée de soldats écolos tout acquis à la cause de leur mentor et prêts à risquer leur vie pour celle d'un cétacé.Dans le regard du cachalot
Guère enclins à toute forme d'allégeance, le capitaine Paul Watson et ses émules préfèrent se voir comme des pirates. Le Canadien a hissé un drapeau noir orné d'une tête de mort sur chacun des bateaux de sa flotte qui s'acharnent à traquer les baleiniers outrepassant les réglementations internationales sur la conservation et la protection des espèces marines.Peu après l'époque des castors, le jeune Paul perd sa mère, la première supportrice des élans écolos de son fils. Restent ses six frères et sœurs cadets, un père dont il renâcle à parler, mais dont il évoque à demi-mot la violence. Comme une jeune Américaine du fin fond du Wisconsin fuguerait de son trou paumé pour tenter sa chance à L.A, Paul Watson prend la mer. Il intègre les garde-côtes canadiens puis rejoint un temps la marine marchande. Il a 21 ans lorsqu'il adhère à l'association qui deviendra Greenpeace. Vingt-cinq lorsqu'il croise le regard d'un cachalot harponné lors d'une campagne contre les baleiniers soviétiques. Il fait vœu de défendre sa vie durant les créatures marines.
En 1977, jugeant les méthodes de Greenpeace trop molles, il quitte l'organisation et fonde la Sea Shepherd Conservation Society, qui traquera sans relâche braconniers et pêcheurs sans scrupules, quitte à couler des bateaux.Peut-on pour autant devenir un militant écolo convaincu sans avoir eu le loisir d'un tête-à-tête avec un cachalot condamné à mort ? « Naturellement », rétorque Paul Watson qui veut croire que le salut viendra des jeunes générations, même s'il n'a guère d'affection pour la race humaine en général, ces arrogants « anthropocentriques qui s'imaginent que tout a été créé pour l'homme, alors que devrait régner la loi de l'interdépendance ».
La pomme et le lapin
Sur le divan du showroom de Fair Fibers, une boîte de textile bio et d'accessoires éco-conçus parmi lesquels figurent en bonne place, entre un mug en fibres de blé et des crayons en coton organique, un gobelet recyclable aux couleurs de Sea Sheperd, Yana Rusinovich-Watson, 100 % vegan et militante de la cause animale, comme son mari, déplie ses interminables jambes pour appuyer la théorie de son homme et dénoncer le drame originel qui consiste à apprendre aux enfants " à faire des choses qui sont contre-intuitives et contre-naturelles.""Pourtant, si vous mettez un enfant dans une pièce avec un lapin et une pomme, il va naturellement caresser le lapin et manger la pomme "
La pomme et le lapin. Pour un peu, on se croirait dans une fable de La Fontaine. Yana a été à bonne école. Paul Watson emploie volontiers l'image lors des conférences qu'il donne un peu partout en France, maintenant qu'il est assigné à terre. Le vieux loup de mer qui n'a plus mis un pied sur l'eau depuis juillet 2015, après un séjour en prison en Allemagne, une fuite en catimini par la Hollande, et quinze mois d'exil en mer, fustige les religions en tous genres qui prônent peu ou prou que tout a été créé pour l'homme, cette sale bête.
« On s'est séparé de la nature »
Bien qu'il ne mange ni viandes, ni poissons, ni œufs, ni même laitages, Paul Watson se porte bien. Dans son sweat-shirt noir XXXL floqué Sea Sheperd, il déploie la seule théorie qui vaille selon lui : le biocentrisme.« On est une partie du tout. Avec l'invention de l'agriculture, nous sommes devenus anthropocentriques. On s'est séparé de la nature en inventant des fantasmes dans lesquels on croit : la religion, où l'humain qui serait un être supérieur… »
Paul Watson est-il un authentique misanthrope ? « Non, rétorque-t-il aussitôt. Un misanthrope, c'est quelqu'un qui déteste l'humanité. Je reconnais simplement la réalité écologique. La vie est là depuis trois milliards et demi d'années, nous depuis 1,2 million d'années ». Le capitaine ne nie cependant pas qu'il préfère nettement les baleines aux êtres humains et dégaine des pourcentages qui font froid dans le dos : « Si l'océan meurt, on meurt. Depuis 1950, on a perdu 40 % de notre population de phytoplancton, or c'est lui qui produit entre 50 et 80 % de l'oxygène qu'on respire. Tout ça parce qu'au XXe siècle, on a tué 90 % des baleines. Les baleines, ce sont les fermiers de l'océan. Une baleine bleue ramène à elle toute seule trois tonnes de phytoplancton. Tout est interconnecté… »
1968 Paul Watson intègre le corps des gardes-côtes canadiens et embarque sur le navire météorologique « CCGS Vancouver ».
1969 Début de l’engagement de Paul Watson, à la frontière américano-canadienne, lors d’une manifestation contre les essais nucléaires réalisés par la Commission de l’énergie atomique américaine sur l’île d’Amchitka.
1971 Cosigne l’acte de création de Greenpeace avec 14 autres militants écologistes.
Juin 1977 Il quitte Greenpeace, qu’il juge « trop bureaucratique », et fonde la Sea Shepherds Conservation Society.
1979 Premier voyage du navire « Sea Sheperds ». Premières actions contre la chasse au phoque et sabotage d’un baleinier.
http://www.sudouest.fr/2016/09/27/paul-watson-heros-ecolo-ou-bandit-des-oceans-2515582-6040.php