Inféconde tu seras

Les chiffres, parfois, ça décoche des flèches. Ainsi l'autre jour. J'assistais à une conférence de presse. Au micro, un émminent et sémillant monsieur INSEE. Sujet du jour : une étude statistique réalisée sur les modes de garde de l'enfant dans le département. Des courbes, des colonnes, des cartes s'ajoutent aux analyses du scientifique. On apprend plein des choses. C'est placide. Quand soudain, un frémissement tenaille l'assemblée, crispe les stylos qui notaient gentillement, fait se lever au plafond quelques paires d'yeux. Jusque là paisiblement suspendue aux lèvres mathématiques de cet ancien du ministère des finances, l'assemblée pique du nez. Tout de go, l'homme chiffres vient de déclarer comme ça en passant sans prévenir personne que les femmes de ce département sont plus infécondes qu'ailleurs dans la région. Et peut-être bien qu'ailleurs dans le pays. Et peut-être bien, soyons fous, ailleurs dans le monde. Le mot est évidemment juste mais la réalité douloureuse. Pas très poétique, la phrase noie dans un nuage de mystère le propos. Car pour le coup, le chiffre est sans voix. Chsais pas pourquoi, semble dire le blanc du docte, parole suspendue, rupture totale avec le flot de phrases qui avait jusque là laissé des miettes au silence. Les mots se font froids comme de banquises. C'est effectivement une singularité, glisse l'empereur de la calculette pendant que chacun roule des yeux de merlan frit pour essayer de comprendre. Chacun cherche une explication. N'en trouve évidemment pas. Et dire qu'en Bourgogne, la maternité ayant fermé ses portes parce que d'aucun s'efforce de penser que service public peut rimer avec rentable, un élu a pris un arrêté demandant aux femmes de ne pas procréer…Bientôt une étude sur le sujet ?