Rituel typiquement français. S’il n’existait pas, il faudrait l’inventer, je n’en démords pas, malgré l’idée reçue selon laquelle il convient de toujours s’en plaindre, de la décrier et de la dénoncer. Que celui qui l’a inventée s’avance afin que nous lui tressions une couronne de lauriers.Il pose, dans ce texte, une question que je me suis souvent posée aussi: à quand remonte l'invention de la rentrée littéraire? Je ne prétend pas y apporter une réponse définitive, mais quelques incursions dans la presse française au papier jauni par le temps apporteront des éléments à ceux qui se demandent aussi de quand date cette histoire. On remonte assez loin, en 1890, et on s'arrêtera avant la Seconde Guerre mondiale. La « rentrée » des romans Les romans reviennent – avec les marchands de marrons et les ramoneurs. Et déjà une vigie pourrait signaler à l’horizon leur troupe qui s’approche, précédée par une compagnie d’avant-garde. Encore un peu de temps et le gros du bataillon va faire irruption, tout à coup. Paul Ginisty, Gil Blas, 12 octobre 1890. La librairie, comme le théâtre, a ses vacances. Mais la rentrée littéraire s’annonce bien puisqu’au seuil nous trouvons cette année l’œuvre admirable que l’Aurore a publiée en feuilleton : Fécondité, d’Emile Zola. C. Aubert, L’Aurore, 23 octobre 1899. D’autres auteurs, d’autres volumes, me sollicitent en cette semaine de rentrée littéraire très chargée d’œuvres. Edouard Petit, Le Journal du dimanche, 26 octobre 1902. La « rentrée » littéraire suit de peu la rentrée des tribunaux et précède habituellement de deux semaines la rentrée parlementaire. Robert de Saint Jean, La Revue hebdomadaire, 1er novembre 1930. La rentrée littéraire est encore imprécise. Nous ne manquerons pas de lecture, assurément. Mais faut-il attendre quelque révélation, quelque chef-d’œuvre, quelque génie nouveau ? Il est encore trop tôt pour le présumer. André Rousseaux, Le Figaro, 29 septembre 1929. Est-ce déjà la rentrée littéraire ? Les critiques ont reçu, la semaine dernière, le nouveau roman de M. Henri Duvernois, « La Maison Camille ». Une charmante artiste, voisine du romancier, au cap d’Antibes, lui en faisait compliment : — Voilà que vous imitez les Anglais… lui dit-elle. — Comment cela ? — Hé oui ! vous tirez le premier ! — Espérons, fit en souriant M. Henri Duvernois, que mes lecteurs ne se plaindront pas du coup de fusil ! Les Nouvelles littéraires, 31 août 1935. On parle de la rentrée littéraire des nouveaux livres : notre ami Roger Vercel est des premiers à ouvrir la saison avec un roman, Remorques, auquel il songeait déjà lorsqu’il reçut le prix Goncourt. A.-V. de Walle, L’Ouest-Eclair, 24 septembre 1935. M. François de Roux fait ce soir, à 17 heures, une conférence sur « la rentrée littéraire » au Cercle des chambres syndicales de France, 16, rue Volney. Le Journal, 29 octobre 1935. La rentrée littéraire d’octobre s’accompagne, chaque année, de rumeurs plus ou moins fantaisistes, plus ou moins tendancieuses. D., Le Journal, 5 octobre 1938. La rentrée littéraire d’octobre 1938 nous a rapporté un nombre considérable de romans écrits par des femmes. Georges Poupet, cité par Lucienne Simmer, L’Homme libre, 15 novembre 1938. Voilà qui situe, dans la version ancienne de la rentrée littéraire, son temps fort en octobre. On n'en est plus là, et l'entrefilet, cité ci-dessus, des Nouvelles littéraires paru le 31 août 1935 laissait déjà prévoir une rentrée précoce. On sait ce que c'est devenu, avec une déferlante dès la mi-août.
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Je reviendrai, au moins ailleurs (dans Le Soir), sur le Dictionnaire amoureux des écrivains et de la littérature, que Pierre Assouline a récemment publié dans une collection devenue célèbre. Pour dire, d'abord et surtout, le plaisir que j'ai pris à le lire - et non à le feuilleter, comme on imagine qu'un dictionnaire invite plutôt à le faire. Et un tas d'autres choses, piquées dans les différentes entrées d'un livre très excitant par les horizons qu'il ouvre.
Je ne m'arrêterai aujourd'hui que sur un aspect de la vie du livre évoqué sous le titre "Rentrée littéraire". On y est en plein, le moment est idéal. Pierre Assouline est résolument favorable à ce phénomène pourtant décrié d'abondance (en raison, précisément, de l'abondance qu'elle provoque).