J’ai lu. Puis j’ai écouté Franklin Boukaka. Différemment. La plupart des morceaux qui ont inspiré les auteurs de l’ouvrage collectif Franklin l’insoumis, initié par Marien Fauney Ngombé, font écho quand je fais une recherche sur You Tube. Je ne connaissais pas forcément les titres de ces chansons. Je n’ai pas peur d’être ridicule. Le bûcheron par exemple. Mais dès que la mélopée est lancée, l’époque de la voix de la Révolution congolaise (autrement dit la radio nationale du Congo populaire) me revient. Les oeuvres survivent à leur artiste. Les belles oeuvres. Ngombé d’ailleurs a choisi d’ailleurs ouvrir le bal de ces écrivains voulant écrire sur le rythme de rumbas édifiantes. Aujourd’hui cela semble tellement invraisemblable quand on entend les grands artistes célébrés à tour de bras les potentats qui enchainent les peuples congolais. Les oeuvres de Boukaka étant militantes, les nouvelles des 14 auteurs reflètent l’esprit du chanteur congolais. Exister dans le Congo nouvellement indépendant. La femme dans la révolution marxiste. Antoinette Mwanga. Le pont symbolique sur le Congo, dynamité par l’opération « Mbata ya ba nkolo » consistant en une expulsion massive par les autorités brazzavilloises de ressortissants de la RDC. Les immortels pour se souvenir du panafricanisme visionnaire de Franklin Boukaka. La question de l’identité et de la dignité face au phénomène de décapage ou de dépigmentation de nombreux africains. Oser - La capacité de faire.
Je vous donne des impressions après lecture et donc une vision globale des choses. Il faut cependant souligner le caractère très inégal des contributions apportées. Tous ces auteurs n’ont pas été la hauteur de l’hommage souhaité. Parfois le morceau choisi était un prétexte pour aborder un sujet déconnecté du propos de Boukaka. Tantôt, le genre utilisé n’était pas maîtrisé ou inapproprié pour un ouvrage collectif. Ou simplement, on ne retrouve pas la virulence de l’artiste musicien dans la narration de l’artiste (je suis généreux) écrivain. Et pour être très honnête, procédant à une lecture linéaire de cet ouvrage, j’ai plusieurs fois envie de laisser tomber la lecture. Mais comprenez qu’à la fin de lecture de cet ouvrage, je recommande la lecture de ce livre car au final, on se pose beaucoup de questions. Disons-le, même la préface et la postface sont sensibles. Il semble assez incompréhensible qu’un artiste panafricain comme Franklin Boukaka ait été exécuté de la sorte. Son aura d’artiste n’aura pas suffi à le protéger.
Mais permettez-moi de partager encore une réflexion. Je peux me tromper, mais est-ce qu’un artiste comme Sony Labou Tansi aurait eu la liberté d’écrire avec la protection dont il a semblé profiter dans le Congo marxiste quand on connait l’opiniâtreté de ses prises de position ? L'assassinat de Boukaka n'a-t-il pas protégé d'autres artistes de la violence politique de cet époque? L’aura de l’artiste n’aura pas suffi. Et je regrette que cette dimension ne transparaisse que dans la seule nouvelle d’Amzat Boukari. Un dernier point. De manière assez étonnante, le livre se termine par le récit témoignage du poète congolais Aset Malanda. S'il constitue un des textes les mieux écrits de cet ouvrage, sa volonté de ramener le discours de celui qui voyait un pont enjambant le Congo (fleuve) au particularisme ethnique kongo en rassérénant Kongo à la place de Congo, est une vraie question. Boukaka est panafricain. Il chante tant Mehdi Ben Barka, Ahmed Ben Bela, que Patrice Lumumba ou Simon Kibangou. L'ambiguïté de ce dernier texte est donc malheureuse mais, je pense, qu'elle mérite d’être creusée au sortir d’un tel projet. Le panafricain ne nie pas l’entité tribal, ethnique, régional, national, il pense juste plus large. Ne réduisons pas la portée de son discours. Franklin l'insoumisEditions la Doxa, première parution en 2015, projet initié par Marien F. Ngombé