Dès le premier contact avec la startup, la relation prend une orientation inédite. En effet, la souscription d'une assurance – pour l'instant disponible uniquement pour les locataires et propriétaires d'appartements à New York – se déroule entièrement en ligne ou dans l'application mobile dédiée, à travers un dialogue avec Maya, une assistante virtuelle intelligente. Au cours d'un entretien en langage naturel, celle-ci va concocter une police optimisée en fonction des besoins de chacun de ses interlocuteurs.
S'il accepte les conditions (avantageuses) qui lui sont offertes, le nouveau client n'aura plus qu'à régler sa prime, en quelques secondes, via un module de paiement intégré. Et une fois cette étape finalisée, la couverture entre instantanément en vigueur ! Plus impressionnant, Lemonade propose de s'occuper de la résiliation d'un contrat antérieur : il suffit pour cela de fournir les coordonnées de la compagnie et les références de la police, puis de transmettre une signature (dans l'application), et le tour est joué.
Le traitement des sinistres se veut aussi simple, un humain prenant alors la place de Maya (apparemment). Là encore, une conversation va permettre d'établir les circonstances de l'incident, estimer les dommages à indemniser, et aboutir au règlement, immédiat. À ce stade, toutefois, la jeune pousse demande à l'assuré de signer (sur son téléphone) un engagement de sincérité et d'enregistrer une vidéo pour relater les faits. Selon toute vraisemblance, ces éléments contribuent à la lutte contre la fraude, placée au cœur de l'approche et pilotée par les sciences comportementales.
L'expérience utilisateur de Lemonade est révolutionnaire, il ne s'agit pourtant que d'une petite partie de ses qualités, puisque la startup s'attaque également aux fondamentaux économiques de l'assurance. Ainsi, considérant que le fonctionnement normal des compagnies – dont les marges sont inversement proportionnelles aux indemnisations accordées – induit automatiquement un conflit d'intérêt, elle adopte un modèle de rémunération fixe, établi à 20% des primes versées par les clients.
Le reste des montants perçus est réparti, en toute transparence, entre une réassurance (souscrite auprès d'établissements de renom, dont la Lloyds), pour environ 20%, les frais « administratifs » (taxes et autres frais), à hauteur de 40%, et le fonds communautaire destiné à couvrir les indemnisations, pour les 40% restants. Si ce dernier n'est pas entièrement utilisé au cours d'une année, le reliquat sera versé à des associations caritatives sélectionnées par l'assuré lors de la signature de son contrat.
Il s'agit d'ailleurs là du seul aspect « P2P » (ou presque) de la solution : les clients sont rassemblés (virtuellement) dans des groupes souhaitant contribuer aux mêmes causes, à l'occasion de cette « restitution ». Moins explicite dans ce registre, mais notable malgré tout, le principe opérationnel de Lemonade repose sur l'idée que l'argent des assurés (après déduction de tous les frais, dont la rémunération de l'entreprise) leur appartient (collectivement) et ne devient jamais la propriété de l'assureur.
L'engagement de la startup est suffisamment sérieux pour qu'elle soit enregistrée comme entreprise d'utilité publique (au sens américain, avec un statut de « public benefit corporation »). Elle combine de la sorte toutes les qualités de l'InsurTech : transparence totale, expérience client idéale, technologie mise au service de l'efficacité… et renversement des modèles économiques traditionnels. Si elle réussit, les acteurs historiques auront bien du mal à résister à une telle transformation de leur métier !