En Pologne, le gouvernement réactionnaire, soutenu par l’Église, veut entériner une proposition de loi visant l’interdiction quasi totale de l’avortement, même en cas de viol...
Pour ceux qui doutent que les droits essentiels ne soient jamais gravés dans le marbre ad vitam aeternam, fussent-ils arrachés par les plus nobles conquêtes collectives, l’exemple polonais, un parmi tant d’autres, devrait les refroidir, sinon les réveiller. La Pologne est membre de l’Union européenne. Pourtant, la machine libéralo-catholique-patriarcale qui s’abat sur ce pays atteint désormais la dignité des femmes dans leur engagement même pour le droit à l’avortement. Singulière ironie de l’histoire. Nous avons tous en mémoire le souvenir d’une mère, d’une grand-mère nous racontant qu’avant la loi Veil beaucoup de Françaises s’absentaient pour pratiquer une IVG en… Pologne. En 2016, ce sont les Polonaises qui traversent les frontières, du moins celles qui le peuvent, les autres ayant recours à la clandestinité : entre 100.000 et 150.000 par an. Pour l’instant, la loi polonaise reste l’une des plus strictes en Europe et n’autorise l’IVG que dans les cas extrêmes, danger pour la vie de la mère, pathologie irréversible du fœtus ou grossesse résultant d’un viol ou d’un inceste. Seulement voilà, le gouvernement réactionnaire, soutenu par l’Église, veut entériner une proposition de loi visant l’interdiction quasi totale de l’IVG, même en cas de viol...
Face à cette tentative d’imposer le modèle ultra-conservateur de la famille comme pilier culturel et identitaire, renvoyant les femmes à la préhistoire de leur émancipation, un mouvement citoyen a pris de l’ampleur et de nombreuses manifestations, hier encore, ont embrasé les plus grandes villes polonaises. Rappelons au passage la responsabilité de l’Union européenne. Contrairement à la peine de mort, elle ne s’est jamais déclarée compétente pour légiférer et/ou imposer le droit à l’IVG universel. Seul le Parlement de Strasbourg recommande aux États membres de «légaliser l’avortement». Les Polonaises ont-elles déjà perdu la bataille? Souvenons-nous de l’Espagne. Le gouvernement conservateur avait prévu de supprimer le droit à l’avortement, avant de renoncer face à la vague de protestations. Pour conquérir des droits, il faut se battre sans relâche. Pour les préserver aussi.
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 26 septembre 2016.]