réalisé par Danièle Thompson
avec Guillaume Canet, Guillaume Gallienne, Alice Pol, Déborah François, Sabine Azéma, Gérard Meylan, Laurent Stocker, Isabelle Candelier, Freya Mavor...
Biopic français. 1h54. 2016.sortie française : 21 septembre 2016
Ils s'aimaient comme on aime à treize ans : révoltes, curiosité, espoirs, doutes, filles, rêves de gloires, ils partageaient tout. Paul est riche. Emile est pauvre. Ils quittent Aix, " montent " à Paris, pénètrent dans l'intimité de ceux de Montmartre et des Batignolles. Tous hantent les mêmes lieux, dorment avec les mêmes femmes, crachent sur les bourgeois qui le leur rendent bien, se baignent nus, crèvent de faim puis mangent trop, boivent de l'absinthe, dessinent le jour des modèles qu'ils caressent la nuit, font trente heures de train pour un coucher de soleil... Aujourd'hui Paul est peintre. Emile est écrivain. La gloire est passée sans regarder Paul. Emile lui a tout : la renommée, l'argent une femme parfaite que Paul a aimé avant lui. Ils se jugent, s'admirent, s'affrontent. Ils se perdent, se retrouvent, comme un couple qui n'arrive pas à cesser de s'aimer.
Quand on vient d'un endroit, on s'intéresse forcément un petit peu aux artistes " locaux ". Cézanne et Zola font partie des figures à connaître lorsqu'on vient d'Aix-en-Provence, en l'occurrence ma ville (même si je ne le crie pas sur tous les toits, ce n'est plus un scoop pour ceux qui suivent mon blog). Cette information peut avoir son importance : sans ça, je ne serais pas allée voir ce film, surtout au cinéma. Ces personnalités ont toujours suscité mon intérêt (sans prétendre avoir lu tout Zola ou avoir inspecté tous les tableaux de Cézanne), en revanche, de ce que j'ai vu, je trouve généralement le travail de Danièle Thompson assez médiocre. Je ne suis pas non plus très fan de Guillaume Canet et j'ai beau aimé Guillaume Gallienne, la bande-annonce ne m'avait pas rassurée sur sa présence dans ce projet. Hélas, j'avais bien senti la chose : Cézanne et moi est une déception. On tombe vraiment dans tout ce que je n'aime pas dans les biopics : faire du Paris-Match. On essaie vaguement de faire des parallèles entre les deux amis : l'un a du succès, l'autre non; l'un a une relation stable avec une femme, l'autre couche avec beaucoup de femmes; l'un est calme, l'autre colérique... Ca peut durer des heures. Et ce n'est pas très intéressant. Ces personnalités, pourtant intéressantes, sont limitées à des disputes et vaguement à des histoires de cul. On entend aussi un petit peu des discours sur l'art (je ne sais pas s'ils reprennent des paroles que Cézanne ou Zola auraient prononcées mais j'ai trouvé que ça sonnait faux) mais c'est à peu près tout. La dispute entre Cézanne et Zola a surtout éclatée à partir de la publication de L'Oeuvre (Cézanne s'est senti visé alors que Zola certainement aussi de lui-même). Sans être méchante, c'est pas ce que Zola a écrit de mieux. Se concentrer tout ce temps sur ce bouquin qui aboutit à une histoire très anecdotique entre les deux artistes, quelle perte de temps ! J'avoue ne pas avoir compris l'intérêt même de ce film. Je ne vois pas où ça veut en venir. Le but était de faire quoi avec cette sorte de biopic deux en un ?
Ok, on nous montre une histoire d'amitié avec ses hauts et des bas, entre gloire, échecs et femmes. Mais après ? Danièle Thompson ne tire finalement rien de son histoire. Elle se contente de raconter quelque chose platement qu'on connait déjà. C'est dommage de ne pas avoir su creuser davantage. De plus, en sortant de ce film, qu'on connaisse déjà ou non Zola et Cézanne, on n'a pas envie de s'intéresser davantage à eux. Il faut dire que les interprétations n'aident pas non plus (même si les acteurs ne sont certainement pas aidés par le scénario assez plat). Guillaume Canet n'était à mon avis pas le meilleur choix pour incarner Emile Zola. Je veux bien qu'il incarne un personnage pudique et réservé. Mais là, l'acteur est ici trop lisse pour convaincre. Pour ne rien arranger, quand il joue l'écrivain vieux, il tente d'avoir une voix graaaaveeee avec des sileeeeences (tu ne sais pas d'où ça sort mais bon) que je ne saurais vous imiter par écrit (même si là je m'éclate à le refaire toute seule quitte à me bousiller la voix). Et mon dieu, mais on lui a fait quoi à son nez ? Et ce ventre super mal fait ? Ses lunettes ? Pas trop crédible tout ça. Ces gros plans sur ça m'ont perturbée ! En ce qui concerne Guillaume Gallienne, je suis un peu plus partagée. Je trouve ce gars talentueux et il y a des fois dans le film où cette trace de talent ressort. Ca rassure. Mais il faut savoir être honnête : ce talent en question n'apparaît pas tout le long du film. Loin de là. Déjà son accent du sud, très bof (en cabotinant). Mais pire : un coup, il a l'accent du sud, mais la scène suivante, on a l'impression de revoir la mère qu'il interprétait dans Les garçons et Guillaume, à table ! Du coup, ça donne un ensemble encore moins cohérent que ça ne l'est déjà. Alice Pol, que j'aime bien d'habitude, n'a rien à faire là. On a toujours l'impression qu'elle s'est trompée d'époque, son interprétation est anachronique. Quant à Déborah François, qui est pourtant une actrice douée, elle joue pas trop mal (par rapport au reste) mais on m'a tout de même laissée indifférente (mais son rôle ne l'aide pas à livrer une meilleure interprétation). Il n'y a pas que les interprétations qui coincent et déçoivent.
La structure du film est en elle-même incompréhensible, un moyen pour détourner l'attention " nooon mais mon film n'est pas classique, nananère ". Je vous fais un p'tit résumé : Cézanne et moi démarre grosso modo durant la dispute (donc les personnages ont déjà un certain âge - sans être non plus des vieux croûtons), puis on les voit enfants (oooh c'est beau l'amitié, on rigole en penchant sa tête en arrière et en ouvrant grand la bouche comme un imbécile), on les revoit durant la dispute, hop un flashback lorsqu'ils sont des jeunes adultes (oooh c'est beau l'amitié, on rigole en penchant sa tête en arrière et en ouvrant grand la bouche comme un imbécile - BIS) ... Bref, vous avez compris le truc. MAIS (parce qu'il y a encore un " mais " dans ce bordel), sans aucune raison, il y a un moment où il n'y a plus de flashback ! On a envie de dire à cette chère Danièle Thompson : soit tu fais ton film entièrement en flashback soit tu fais un film linéaire ! Le cul entre deux chaises, c'est LA pire des idées ! Et encore si elle savait faire des films en flashback ! On a l'impression de passer du coq à l'âne ! Cela dit, dans cette marée de remarques négatives, j'ai tout de même quelques points positifs à défendre. Tout d'abord, étonnamment, je ne me suis pas ennuyée (malgré ses deux bonnes heures). Le film se laisse suivre. Certes, comme un film projeté durant les cours de français (oui, vous savez, ces films ultra classiques et littéraires en question pas toujours passionnants) mais je m'attendais à m'endormir. Ca n'a pas été le cas. Je dois aussi reconnaître un certain sens esthétique (de beaux décors - certains étant naturels -, de beaux costumes, des plats soignés et bien cadrés, une jolie photographie etc...), qui rattrape un ensemble assez plat notamment côté mise en scène. J'ai aimé ce côté solaire, qui rappelle forcément la Provence, mais sans que ça devienne non plus jaune criard comme le t-shirt de Brice de Nice. Même si ça n'excuse pas tout, ça sauve tout de même ce film vraiment faiblard. Sans ces quelques trucs qui ont l'air sur le papier des détails, le film passe de médiocre à juste mauvais et évite un zéro pointé de ma part.