le racisme ordinaire est toujours extra-ordinairement violent. La preuve par @NotSeriousViday

L’histoire à laquelle je vous convie aujourd’hui m’a beaucoup touché. Exposée sous la forme d’un thread (un fil de tweets sur le réseau social susnommé), elle évoque une séquence de racisme ordinaire qui, dans la peau d’un noir, ne l’est et ne le sera toujours pas, n’en déplaise aux bas du front qui tenteront inévitablement de relativiser, si ce n’est de le justifier comme je l’ai hélas cruellement constaté dans les commentaires. C’est toujours tellement extraordinaire, tant on ne s’attend pas à cette violence là, dans notre société dite civilisée, « patrie des droits de l’homme » qui l’est de moins en moins, au vu et au su de tout ce que l’on peut savoir quand on est comme moi blogueur politique et social… J’ai pensé en faire un article sous la forme d’un témoignage écrit, construit, tel qu’on pourrait le lire dans un article de journal. Mais de quel droit moi, blanc, sans la moindre caractéristique personnelle qui pourrait donner lieu à discrimination (si ce n’est mon gauchisme primaire et secondaire;) me substituerai-je à cet homme dont il s’agit ? J’ai donc fait le choix de laisser telle quelle son expression, sous la forme exacte de ses tweets. A dérouler :

Viday ‏@NotSeriousViday 22 sept.

Je suis animateur, j’ai commencé à Évry qui est une ville assez populaire et mixte (pas rare de voir des couples mixtes).
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Viday ‏@NotSeriousViday 22 sept.
En janvier j’ai bougé dans une ville plus « bourgeoise », plus « blancos » comme dirait manu, voisine à celle d’Évry.
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Moins de mixité dans les familles. Moins d’enfants racisés. Je suis même le SEUL animateur ayant des origines africaines dans la ville.
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C’est là que les premières questions gênantes des enfants du style « Est-ce que tu es français ? Je demande car t’es noir… » ont fusé.
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Ou encore « comment ça se fait que tu es noir ? » Ou « je suis pas raciste, t’inquiète ! » Toujours d’enfants…
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C’est pas méchant. Mais comment un CP peut me dire qu’il « n’est pas raciste » ? Moi j’ai entendu ce mot pour la 1ere fois à 11 ans !
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Mais bref, l’année a suivi son cours. Avec des collègues géniaux (bisous Axel) et une ambiance géniale.
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Cependant, j’ai du défendre à un moment un môme qui se faisait harceler car il était « noir diarrhée » (mot utilisé par ses camarades)
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Puis il m’a dit qu’il vivait mal le fait d’être noir que « c’était nul » de l’être. J’ai du discuter longtemps avec pour que ça aille mieux.
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J’étais vacataire à l’époque et je suis passé contractuel au cours des vacances, dans une nouvelle école.
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Beaucoup plus d’enfants, encore moins de mixité. C’est aussi là que les remarques/comportements bien plus blessants apparaissent.
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Des parents qui ne disent pas bonjour, ou qui on a un mal fou à cacher leur surprise en voyant un noir avec leur enfants, je déconne pas.
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Mais ça a la limite… Le pire à ce jour, c’est un enfant qui m’a demandé de ne pas nettoyer sa bille tombée par terre. La raison va vous
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« Non Davy, ne touche pas ma bille tu vas salir… T’as la peau noir »
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Sur le moment mon souffle s’arrête, mais je retrouve vite mes esprits et met l’enfant devant ses paroles. S’il sait ce qu’il vient de faire
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Il me répond qu’il « a fait du racisme ». Il était donc pleinement conscient de ce qu’il disait. C’était même plus de la maladresse…
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Et la je me demande, quelles expériences, qu’est ce que cet enfant peut avoir vu, entendu, ou fait pour qu’il puisse me dire ça ?
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Ne vivant pas trop mal cet épisode et l’ayant, j’ai préféré ne pas en parler à mes collègues. Puis aujourd’hui est arrivé.
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J’en ai parlé plus tôt dans la soirée mais je vais le refaire avec le contexte cette fois.
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On était avec les gosses de maternelles et on avait besoin de les calmer. Ma collègue sort un tam-tam et tente de jouer, sans succès.
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Vu que je joue (un peu), je me propose de le faire. C’est là que mon collègue, passe devant et dit « c’est bon, le negro va le faire ».
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Et la c’est super tendu car les enfants sont là, donc l’explosion de colère n’est pas possible. Je sors un « QUOI ? » aigu.
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Et il me répond, sans manquer d’aplomb. « Bah oui ! » Il ne se rend clairement pas compte de ce qu’il vient de dire.
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Je lui explique sévèrement que c’est la 1ere et dernière fois qu’il dit ce mot en ma présence. Mais il semble surpris, ne comprends pas.
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Et comme le temps presse (les enfants) il faut rapidement passer à autre chose et continuer de s’occuper d’eux.
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Mais voilà, le choc est là. Je me suis fait appeler « negro », à mon boulot. Qui plus est, devant des enfants.
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Je précise une nouvelle fois, le collègue en question est blanc ce qui rend ces mots encore plus violent à entendre.
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Et si jusqu’ici j’arrivais à passer au dessus de tout les désagréments liés à ma couleur de peau à mon taff, là ça me fait réellement chier.
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Et du coup, toutes les remarques, comportements limites que j’ai connu depuis le début reviennent d’un coup dans mon esprit, horrible.
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Demain, je vais évoquer le problème en réunion et je suis même pas sûr que ça passera bien au niveau de mon équipe. J’en suis là.
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Mais quoiqu’il arrive je retiendrais qu’une seule chose. En 2016, je me suis fait traité de « negro » à mon boulot.
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C’est violent, dégoutant, révoltant. Je n’ai probablement jamais été autant en colère de ma vie.
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Et ça me fait forcément me poser énormément de questions. Puis-je rester bosser dans une ville où on peut me dire des choses pareilles ?
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La dessus, j’en saurais un peu plus demain. En attendant le goût amer de cette fin de journée reste.
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Heureusement que vous êtes là (les concernés se reconnaîtront), surtout @KcoQuidam dont les mots de réconfort m’ont vraiment touché.
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Je ne suis pas un Bisounours. Le racisme existe c’est un fait et j’ai appris à l’affronter. Mais là c’est trop fort.
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Je me rends compte aussi que certaines personnes qui se disaient être mes potes me faisaient exactement la même chose, mais c’est du passé.
192 Retweets 111 j’aime Viday ‏@NotSeriousViday 22 sept. Voilà, c’est ici que ce thread se termine. En attendant les résultats de la réunion de demain. Merci à ceux qui y ont portés de l’attention 175 Retweets 271 j’aime Viday ‏@NotSeriousViday 23 sept.
Reprise du thread après la réunion que j’avais demandé à mon référent hier.
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Nos réunions d’après midi durent dix minutes maximum, j’ai eu la parole en dernier car il fallait faire le feedback quotidien du midi
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J’ai eu peut-être 3 minutes pour parler de mon problème d’hier du coup. Mais bonne nouvelle, Le message est passé.
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J’ai expliqué à l’équipe ce qui s’est passé en précisant que ça m’avait extrêmement blessé et que je considère cela comme inacceptable.
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La personne concernée a présenté ses excuses. Même si elle est un peu confus sur mon intransigeance à ce sujet.
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« Ouais mais j’ai des potes noirs et je leur dit negro sans problème… » Je l’ai dit, il s’en rend juste pas compte du poids du mot.
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Le reste de l’équipe a parfaitement compris ma position et m’a assuré qu’il n’y aurait pas de souci à ce niveau là.
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Maintenant, on verra la suite, voir comment les prochains jours vont se dérouler. Le principal c’est que la réunion s’est bien passée.
40 Retweets 84 j’aime Viday ‏@NotSeriousViday Le mot de la fin. Mon collègue s’est une nouvelle fois excusé au début du boulot l’apres-midi. Il s’en veut beaucoup.

Comme mon ami blogueur Bembelly en aurait lui aussi beaucoup à dire, sur le sujet, lui dont je sais qu’il en a tant souffert…Il se trouve que Cécile Duflot, que l’on ne présentera plus, a remarqué ce thread et s’en est elle aussi émue :

C’est très gentil de votre part d’avoir donné davantage de visibilité à ce témoignage qui pose de nombreuses questions, pas seulement celle du racisme mais aussi celle des rapports humains authentiques, de leur transparence et de leurs motivations, tout comme de celle, essentielle à mon sens, de l’éducation. Notre époque dans laquelle semble triompher un crétinisme sans foi ni loi, avec son corollaire obligé de la dérision et de la raillerie de tout, l’absence de valeurs communes, n’y est pas pour rien… Mais, Non, Madame Duflot. Je ne saurais être étranger à ce dont il s’agit. Voyant et lisant cela, je souffre. Dans mes tripes. Dans ma chair. Dans mon âme. Selon un processus personnel que le plus compétent des psychanalystes ne saurait expliciter, je me suis toujours senti, depuis tout petit, potentiellement victime de tous les racismes et de toutes les discriminations. Et pas seulement à cause de mes grandes oreilles, de mon long nez, de ma sensibilité exacerbée ou de mes parents pauvres qui pourraient justifier ce sentiment de « prolophobie », de racisme social, dont je suis ravi de savoir qu’il est à présent condamnable. Mais je suis aussi noir, parfois arabe, de temps en temps asiatique, tellement indien, à moins que ce ne soit hindou… ;) je suis également terriblement femme, significativement homosexuel(le) et pourquoi pas transexuel. Et ce que je vois poindre de plus en plus ouvertement dans notre pays, cette parole raciste et sexiste, homo et transphobe si terriblement banalisée, malgré toutes les campagnes de sensibilisation qui n’arrivent pas à l’éradiquer, m’insupporte au plus haut point. Des témoignages comme celui de Viday s’accumulent chaque jour qui passe, et la masse des victimes ne semble pas s’éteindre. La semaine dernière encore, dans l’association dans laquelle je milite bénévolement, une jeune femme nous faisait part de tout son désarroi, son impuissance et sa blessure d’avoir subi une scène d’une violence inouïe dans laquelle elle avait été insultée de « sale bougnoule » pour avoir juste repoussé une demande d’argent ou de cigarette… Mais comment s’en étonner sans hypocrisie quand tant de responsables politiques, de personnalités médiatiques, d’émissions idiotes et de discussions médiocres en attisent les braises, à l’instar des Zemmour, Finkelkraut, Le Pen, et autres réactionnaires et fascistes patentés ? Il est temps que la peur change de camp, en effet. Le problème en est que les auteurs de discriminations ne se sont jamais sentis aussi enclins à ce sentiment de toute puissance et d’impunité. La faute à qui ? Suivez mon regard… Vous en aurez des images tous les jours, au gré de chacun des articles déposés ici comme les cailloux blancs du petit Poucet que je suis toujours resté. Que la force soit avec vous. Avec un supplément d’âme, aussi.

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