" La plupart du temps, les politiques réagissent au détriment de la réflexion, ce qui est amplifié par le caractère immédiat et instantané de l'information. Or, une société ne peut pas être ballottée entre l'émotion du lundi et celle du mercredi. " (Jean-Christophe Lagarde, le 14 août 2016).
La rentrée politique de l'UDI, le parti centriste, a lieu ce samedi 24 septembre 2016 à Issy-les-Moulineaux. C'est l'occasion de reprendre quelques prises de position de son président, Jean-Christophe Lagarde, durant l'été. Après la vision très intégrée de l'Europe, voici quelques autres sujets d'actualité.
La réponse aux attentats terroristes
Dans son intervention à l'Assemblée Nationale du 20 juillet 2016, au cours de la discussion de la prolongation de l'état d'urgence, Jean-Christophe Lagarde a toujours voulu soutenir l'action régalienne de l'État : " Les échecs économiques et sociaux de votre gouvernement sont nombreux, mais il n'est pas nécessaire de nous déchirer lorsque l'essentiel de ce qui fait notre pays, de ce qui fait notre fierté d'être français, est en jeu. En temps de guerre, la France et les Français ont besoin (...) de cohésion nationale afin que nous poursuivions tous le même objectif, même quand débat il y a, même quand celui-ci est nécessaire, notamment lorsque des failles peuvent être révélées et doivent être corrigées. ".
Annonçant que le groupe UDI voterait la prolongation de l'état d'urgence, il a posé une réserve de taille : " La prolongation ad vitam aeternam d'un état d'urgence ne peut pas nous satisfaire. L'état de droit doit combattre le terrorisme et la barbarie. Certes, je comprends que cet acte de prolongation de l'état d'urgence puisse être un symbole à défaut d'être efficace. Et je sais que les symboles sont importants en démocratie. Mais ils restent symboliques. Or nous avons besoin de bien plus pour gagner cette guerre d'un genre nouveau. ".
Il a reproché au Président François Hollande de ne pas dire quelle est la stratégie de la France pour combattre le terrorisme islamiste. Jean-Christophe Lagarde, en revanche, a donné ses réponses aux trois questions qui angoissent les Français. Qui est l'ennemi ? Daech, qui s'est organisé sur les ruines de l'Irak après la guerre voulue par les Américains mais refusée par le Président Jacques Chirac. Pourquoi la France est-elle en guerre contre Daech ? Parce qu'il vaut mieux " les combattre maintenant pour ne pas avoir à le faire plus tard alors qu'ils seraient plus fort " d'autant plus que ces terroristes ont un but de domination du monde. Enfin, la troisième question, pourquoi la France est-elle plus visée que d'autres pays ? Pour Jean-Christophe Lagarde, c'est parce que la France représente tout ce qui insupporte ces fanatiques : " La vision universaliste, laïque et humaniste de la nation française est insupportable parce qu'elle est l'antithèse de leur idéologie nihiliste. ".
Ce sont ces trois réponses que le chef de l'État aurait dû dire clairement aux Français : " C'est à lui, et à lui seul, qu'appartient cette responsabilité. Il est temps qu'il s'en saisisse avant que nos ennemis n'atteignent leurs objectifs en créant chez nous cette guerre civile dont ils rêvent. ".
Il a insisté aussi sur la condition du succès de la lutte contre le terrorisme : " La contrainte que cela nous impose, c'est de ne pas vivre comme si nous étions dans un pays en paix alors que nous disons tous que nous sommes en guerre. Et cela doit être compris par les Français pour pouvoir être supporté. La France mène une guerre. Elle ne peut pas continuer à subir des attaques et à les banaliser (...). Les Français (...) savent qu'il n'y a pas de baguette magique. Notre pays se sent dépassé alors que les Français, j'en suis sûr, sont prêts à se surpasser et capables de le faire pour peu que leurs chefs les y invitent. ".
Même idée développée le 14 août 2016 dans une interview à "Atlantico" : " On ne peut pas gagner une guerre quand la population n'est pas mobilisée, ce que permettrait cette garde nationale en vue de la sécurisation du territoire et de la population, et surtout, quand celle-ci n'est même pas consciente de cet état de guerre dans lequel nous nous trouvons actuellement. On a voulu faire croire qu'après un attentat (...), les choses allaient revenir à la normale ; or, ce n'est pas le cas : la guerre que nous devons livrer sera longue, et personne, gouvernement et opposition, ne doit avoir peur de dire qu'il y aura d'autres attentats que nous ne parviendrons pas à éviter. La faculté de résilience que nous devons développer dans l'esprit des Français réside en cela. Dans la mesure où Daech ne peut pas nous envahir militairement, ni nous soumettre, son objectif est de provoquer une guerre civile en France. ".
Voulant éviter toute récupération, Jean-Christophe Lagarde a mis en garde ses collègues : " Je ne suis pas sûr que ce contexte [d'attentats] bénéficie à qui que ce soit. Il y a davantage d'intelligence dans l'esprit des Français que ses "élites" politiques ne le croient (...). Je pense que les Français ont reçu avec méfiance les déclarations d'autosatisfaction du gouvernement et un certain nombre de critiques incongrues formulées par l'opposition. ".
Profiter des attentats pour remettre les frontières ?
De même, les fausses solutions proposées sont légions : " Le rétablissement des frontières n'aurait pas permis l'évitement des derniers attentats. Je tiens à rappeler que la France a connu des attentats en 1982, 1986 et 1995 à l'époque où les frontières étaient en place. À cela s'ajoute le fait que les terroristes d'alors venaient de l'étranger. Ils ont quand même traversé des frontières. Aujourd'hui, on nous dit que le problème va être résolu grâce à la remise en place des douaniers aux frontières françaises alors que les auteurs des derniers attentats ont grandi et vivaient en France. De qui se moque-t-on ? ".
La réponse au contraire serait dans une intégration européenne plus affirmée de la coopération policière et judiciaire : " Pour être efficace contre le terrorisme et le grand banditisme, nous avons besoin d'une police fédérale et d'un parquet fédéral, ce qu'on n'ose pas dire aux Français. Aux États-Unis, quand vous passez d'un État à l'autre, le FBI continue à vous poursuivre, alors que lorsque vous passez de la France à la Belgique, on peut ne pas savoir que vous êtes recherché dans l'État voisin, comme cela a été le cas de Salah Abdesslam. ".
Nos vrais problèmes ne sont pas européens mais franco-français...
La perspective de l'élection présidentielle de 2017 avec la même configuration qu'en 2012 a de quoi déprimer le président de l'UDI : " Le système économique, politique et social de la France est périmé. Il a été créé pour un pays qui n'existe plus : une France repliée sur elle-même, faisant peu d'échanges avec l'extérieur, où l'État était le principal détenteur du capital de grandes industries, le principal investisseur, etc. ".
Il s'en est pris aux discours populistes et europhobes de Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon : " Ce qui ne va pas en France n'a rien à voir avec l'Europe. Prenons l'exemple de l'emploi : cela n'a aucun rapport. On le voit bien puisque la plupart des autres États européens sont parvenus à recréer des emplois contrairement à la France. De même pour le logement ou l'Éducation nationale qui sont des problèmes franco-français. Il faut répondre à cette question : comment se fait-il que nos voisins, qui ont le même cadre européen et qui évoluent comme nous dans un monde globalisé, y arrivent alors que nous n'y arrivons pas ? ".
Et il s'en est pris aussi à ceux qui cherchent à courent derrière les idées du Front national : " Ceux qui voudront imiter le FN en seront pour leurs frais parce que ce parti n'apporte pas de solutions. (...) Les Français ont besoin de solutions et ce n'est pas en imitant l'absence de solutions du FN qu'on peut y parvenir. ".
Emmanuel Macron, centro-compatible
Beaucoup de leaders centristes, dont Jean-Christophe Lagarde, Laurent Hénart, Jean Arthuis et Jean-Marie Bockel, ainsi qu'un ancien ministre UMP, Renaud Dutreil, voient des convergences politiques avec l'ancien Ministre de l'Économie Emmanuel Macron. Critiqué dans cette position par Hervé Morin, Jean-Christophe Lagarde a rappelé que le 18 mars 2016, son rival normand était à l'époque sur la même ligne : " Au soir du premier tour de la présidentielle, celui qui sera face à Marine Le Pen, ce qui est la probabilité la plus forte, aura la responsabilité historique de faire émerger cette force politique centrale regroupant tous les "modernes" dans un même parti politique, afin de mener les réformes indispensables à la modernisation du pays. Ce rassemblement, qui irait de Valls à Sarkozy ou de Macron à Juppé, rassemble en fait près de 60% des Français. C'est d'ailleurs le rêve originel des centristes ! L'émergence du FN permet paradoxalement cette recomposition politique que n'ont pas su faire François Mitterrand en 1988, ni Jacques Chirac en 2002, ni Nicolas Sarkozy en 2007. " ("Le Monde").
Sur Europe 1 le 3 septembre 2016, Jean-Christophe Lagarde a expliqué : " Et du jour où [Emmanuel Macron] tire les conclusions de son désaccord avec le Président de la République, tous ces gens-là se mettent à lui vomir dessus, à expliquer qu'il est pis-que-pendre. (...) Nous sommes le centre droit, nous pouvons nous parler. Comment peut-on appeler, comme François Bayrou, comme Hervé Morin et quelques autres, à la recomposition de la vie politique française, et quand quelqu'un marque sa rupture avec François Hollande, après son échec économique et social, dire : "vous, on ne veut pas vous parler" ? Cette vision de la vie politique où des gens qui peuvent avoir des idées communes auraient l'interdiction de se parler, je la refuse. Nous refusons cette façon de faire, de façon très collective. Que marginalement cela en froisse un ou deux, cela n'a pas grande importance. ".
Adapter la France à la situation réelle
Pour Jean-Christophe Lagarde, le problème n'est pas européen mais français : " Je veux rappeler que nous sommes le seul pays qui est en panne alors que toute l'Europe a redémarré. Si nous voulons transformer la France et la préparer au monde d'aujourd'hui, on a besoin d'une majorité politique large, et sans doute aussi d'un changement d'acteurs. (...) Tout le monde est obsédé par le fait de savoir qui sera le prochain Président de la République. Je suis obsédé par une chose : (...) comment gouverner la France ? (...) Nous avons besoin d'un projet parce que le modèle économique et social français est périmé. Il ne correspond plus au monde d'aujourd'hui. Ce ne sont pas les objectifs de mérite républicain et de cohésion sociale qui sont périmés, ce sont les moyens d'y parvenir qui ne fonctionnent plus. ".
Ces déclarations d'avant précampagne illustrent assez étonnamment qu'il pourrait y avoir une véritable convergence de vues entre l'UDI et Emmanuel Macron : l'un pourrait apporter la structure, les élus, l'implantation qui font défaut à l'autre, et l'autre... le candidat connu et reconnu qui manque tant à la confédération centriste.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (24 septembre 2016)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
L'été 2016 de Jean-Christophe Lagarde.
Emmanuel Macron.
Le discours sur l'état de l'Union de Jean-Claude Juncker du 14 septembre 2016.
L'Europe, c'est la paix.
Patriotisme.
Intervention de Bruno Le Maire sur le Brexit le 28 juin 2016.
Le Brexit en débat chez les députés français.
Verbatim intégral du débat parlementaire sur le Brexit (le 28 juin 2016).
Tribune de Jean-Christophe Lagarde (24 juin 2016).
L'Europe n'est pas un marché.
Nouveaux leaders.
Remaniement ministériel du 29 juin 2011.
Peuple et populismes.
Le Brexit.
Jean-Claude Juncker, premier Président de la Commission Européenne issu des urnes.
La France des Bisounours à l'assaut de l'Europe.
L'Europe, c'est la paix.
Le Traité de Maastricht.
Le Traité constitutionnel européen (TCE).
Le Traité de Lisbonne et la démocratie.
Le référendum alsacien.
Nuit Debout.
Démocratie participative.
Vote électronique.
Monde multipolaire.
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20160922-jean-christophe-lagarde.html
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/l-ete-de-jean-christophe-lagarde-184897
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2016/09/26/34354955.html