« Tendu vers » ou détendu ? avec Gilles Farcet

Publié le 26 septembre 2016 par Eric Acouphene

L’un des fondements essentiels d’une hygiène intérieure repose sur un simple exercice consistant à détendre ce qui est inutilement tendu. Inutilement tendus, nous le sommes, en effet, et beaucoup plus que nous n’en avons couramment conscience. Je ne parle même pas du « stress » courant et de toutes les tensions physiques et psychiques auxquelles nous nous trouvons couramment soumis mais d’une tension d’autant plus insidieuse qu’elle nous parait normale, si bien que nous ne la remarquons pas où à peine. Un peu d’observation de nous même dans le courant d’une journée ordinaire va nous faire sauter aux yeux cette évidence : je suis « tendu vers », constamment tendu vers …. Vers quoi au juste ?

Vers tout à l’heure, vers le moment suivant, vers la fin de l’action en cours, même anodine. Quelques exemples ? Je fais la queue à la caisse d’un magasin où je viens de faire mes courses. Il me suffit de regarder honnêtement ma posture intérieure pour constater que je suis bel et bien « tendu vers » : tendu vers le moment où, enfin, ce sera mon tour, où je pourrai régler mes courses et passer à la suite de ma journée. Je ne me tiens pas là détendu, ouvert, disponible, je ne profite pas de ce moment où je n’ai rien de particulier à faire pour respirer, me mettre dans mon axe, regarder autour de moi … Je suis intérieurement comme arquebouté vers tout à l’heure, comme si mon être intérieur était pour ainsi dire en avant, décalé par rapport à l’instant.

En fait, je considère automatiquement qu’il m’est impossible d’être simplement en paix ici et maintenant. Quand je serai à la caisse, quand ce sera mon tour, quand j’aurai réglé mes courses, alors … Je pourrai être en paix, enfin ! Sauf qu’alors je serai de nouveau tendu vers … Ma destination, la suite de ma journée, etc …

Autre exemple quotidien : j’attends le métro, le train, le bus , que le feu piéton passe au vert … Là encore, je suis tendu vers. Plutôt que de profiter de ce moment d’ "entre deux" pour me détendre, goûter l’instant, m’ouvrir , regarder autour de moi, je piaffe « en attendant » le moment où, enfin, le métro arrivera, ou enfin je monterai dans le bus, où enfin je traverserai …

La paix et la détente sont toujours pour tout à l’heure, plus tard, dans un instant, telles une carotte reculant sans cesse devant la gueule de l’âne.
Ces petits exemples peuvent paraître anodins. De fait, ils le sont … Et pourtant, quelle dépense d’énergie inutile, quelle mobilisation en pure perte , quel dommage de ne pas s’accorder tout au long de la journée des moments pour simplement respirer, vivre l’instant, s’ouvrir à la vie , revenir à soi -même …
Une journée ordinaire, y compris celle où nous sommes convaincus d’être très occupés est parsemée de ces moments « inutiles », « moments perdus » où , en vérité je n’ai rien d’autre à faire et ne peux rien faire d’autre qu’être là où je suis : moments d’attente, de déplacement d’un point à un autre …

Le simple exercice consistant à prendre appui sur ces moments pour expirer, détendre, se mettre pour ainsi dire à la verticale de soi même , ce simple exercice peut considérablement modifier le climat de nos journées. Pourquoi ne pas le tenter ?


Gilles Farcet