LES ENFANTS, POUR QUOI FAIRE ? Robert Benchley (publicati...

Par Quinquin @sionmettaitles1

LES ENFANTS, POUR QUOI FAIRE ? Robert Benchley (publications : 1922 à 1970)

Robert Benchley (1889-1945), journaliste, humoriste et scénariste américain auteur d’un nombre incalculable de chroniques, nouvelles ou autres critiques, se retrouve savamment compilé dans un petit livre à la couverture explicite et sous la houlette des Nouvelles Éditions Wombat. Découvert il y a quelques années déjà avec Psychologie du pingouin, Benchley, farceur devant l’éternel, était ce que l’on pourrait appeler en langage désuet « un sacré loustic ». Roi de l’’humour grinçant à la couronne de travers et prince du rire sans pince, il lègue encore et toujours un brillantissime art de la moquerie, comme une bouffée délirante de sagesse dans un monde de brutes épaisses. Car oui, la question mérite d’être posée : les enfants, pour quoi faire ? Pour celles et ceux qui ne souhaitent pas particulièrement s’encombrer de ces êtres attachants mais ingrats cela vous confortera dans votre choix et vous ressortirez de cette lecture non seulement ravi-e-s mais aussi flanqué-e-s d’un argumentaire de taille. Celles et ceux qui au contraire voient au travers de leur progéniture la huitième merveille du monde, soit vous en rirez, soit – si le second degré n’est pas votre fort – votre beau sourire se fera jaune, très jaune. Quant à celles et ceux qui se grattent le menton, perplexes quant à une éventuelle reproduction, sachez que ce recueil est bien plus réjouissant qu’un livre de Françoise Dolto, bien moins complexe que L’Émile de Rousseau et qu’il saura vous donner les clés d’une éducation solidement ratée (voire inutile) puisque l’auteur ne voit pas « où peut mener toute tentative pour éduquer les enfants, sinon au chaos ». Si la plume de Benchley peut se faire caustique, taquine et espiègle, rassurez-vous, il n’y a chez cet homme nulle vulgarité et encore moins de méchanceté, mais un esprit superbement affuté conjugué à un sens de l’observation aigu qui, à eux deux, magnifient des situations cocasses, embrassent les bons mots et redonnent ses lettres de noblesse à l’Humour (avec un grand « H », s’il vous plaît).

« Si, à l’âge de deux ans, l’enfant n’a pas encore fait mine de parler, que doit-on suspecter ?

Qu’il n’a encore croisé personne qui mériterait qu’on lui parle. »

Robert Benchley, dans cette compilation de chroniques, nous embarque donc au fil de ses réflexions dans des textes tous plus drôles et piquants les uns que les autres. Du voyage en train avec un enfant remuant et lunatique qui vous couvre de honte, à la visite au musée harcelé par des petits avides de connaissances qui ne manquent pas de relever avec mesquinerie vos innombrables lacunes culturelles, en passant par les soucis causés par les camps de vacances, les complots adolescents, les jeux éducatifs débilitants et le genre de chien à offrir à votre bambin (et vice versa), Benchley se lâche, tourne en ridicule les parents (inquiets, collants, dépassés, impuissants), s’horrifie de minots aussi précoces et aventureux qu’insaisissables et vicieux, et égratigne sévèrement la société qui n’a pas vraiment changé sur certains points, contrairement à ce que nous laisse entendre le fameux « c’était mieux avant ». De l’enfant-roi capricieux à l’adolescent indolent et complotiste en passant par le prépubère gigotant et intenable, Benchley livre des récits intemporels, vifs, corrosifs mais aussi empreints de tendresse sur cet être mystérieux que l’on a parfois bien du mal à comprendre. Un livre court, incisif, intelligent qui n’en n’oublie pas de faire honneur à l’intelligence des enfants et à cette bien vilaine habitude qu’ont les adultes de les prendre pour des demeurés…

Un dernier conseil pour la route :

« Comment porter un bébé ?

Quand on le porte normalement, on peut lui dispenser un peu d’exercice avec la méthode suivante : le parent mâle tient le bébé par les deux poignets et le laisse pendre devant lui, en le balançant doucement d’avant en arrière, comme un pendule. Il est alors possible de le jeter très haut en l’air et de le rattraper – ou pas, selon ce qu’aura décidé le Destin. »

Les enfants pour quoi faire ?

Parution : 6 janvier 2011

128 pages

Nouvelles Éditions Wombat

Collection « Les Insensés »

ISBN : 978-2-9191-8601-3

http://www.nouvelles-editions-wombat.fr/livre-I2.html