nuits aussi belles par Patrick Modiano

Par Obadia

« Je n’ai jamais connu de nuits aussi belles, aussi limpides en ce temps-là. Les lumières des villas du bord du lac avaient un scintillement qui éblouissait des yeux et dans lequel je discernais quelque chose de musical, un solo de saxophone ou de trompette. Je percevais aussi, très léger, immatériel, le bruissement des platanes de l’avenue. J’attendais le dernier funiculaire, assis sur le banc de fer du chalet. La salle n’était éclairée que par une veilleuse et je me laisse glisser, avec un sentiment de totale confiance, dans cette pénombre violacée. Que pouvais-je craindre ? Le bruit des guerres, le fracas du monde pour parvenir jusqu’à cette oasis de vacances devraient traverser un mur d’ouate. Et qui aurait l’idée de venir me chercher parmi les estivants distingués?»

Patrick Modiano « Villa triste », Gallimard ed, Coll Blanche, 1975, p.19-20.