Tout au long du XIXème siècle, la signification du motif s’édulcore, sans s’oublier totalement.
Le petit chéri
Charles Chaplin, 1891, Collection privée
C’est ainsis que Chaplin, grand recycleur des sujets XVIIIème, peint dans le style de Mercier ce tableau d’une jeune fille candide, dont le chat se réduit à un triangle biffé de fentes closes.
Elle
Gustave Adolf Mossa, 1905, Musée Chéret, Nice
Cette divinité androcide porte inscrite sur son auréole sa devise impérieuse :
« Hoc volo sic jubeo – sit pro ratione voluntas »« « Je le veux, je l’ordonne – que ma volonté tienne lieu de raison ». Juvénal, Satires, VI, 223.
A son collier sont attachés les trois moyens de suicide de ses victimes : revolver, poignard et poison.
Juchée sur un coussin de cadavres, appuyée sur ses pattes avant, elle a la posture et la cruauté du minet qu’elle magnifie.
Chez le photographe
Carte postale de Maurice Millière, 1904
La paysanne profite du marché pour se faire tirer une photographie. Un canard sort le cou du panier , une oie orne le manche du parapluie : cette femme aime les oiseaux (voir L’oiseau licencieux)
Le jeu de mot raffiné qui est le ressort de la composition a été très exploité à l’époque (voir la page qu’un collectionneur lui a consacrée : http://jean-paul.rochoir.pagesperso-orange.fr/minette.htm)
L’artillerie
Carte postale de Cheri Herouard, 1914-18
La Grande Guerre va voir refleurir le thème de la jeune fille au chat, dans des iconographies improbables.
Ici, la maîtresse délaissée tire au canon un bouchon dans la gueule du pauvre Minet : figuration originale de la chasteté obligée.
Minet s’ennuie
Carte postale, 1914-18
Cette carte postale renouvelle, dans un registre plus gourmand et moins littéraire qu’au XVIIIème siècle, le thème de la mélancolie de l’esseulée. Le décor rococo revendique d’ailleurs une filiation bon chic avec l’époque des gravures libertines. Et la longue lampe mise sous housse par l’abat-jour fournit un symbole modernisé de l’objet qui manque ici.
Mi-aou
Carte postale, 1914-18
Les matous de Montmartre, s’appelant de part et d’autre de la lune, ont quitté leur statut de symbole exclusivement féminin pour illustrer l’appel mutuel des sens, entre l’arrière et le front : miaou épistolaire dans un sens, permissionnaire dans l’autre. Du coup la dame et le monsieur prennent des poses félines : l’une s’étire sur son fauteuil, l’autre s’effile la moustache.
A noter le décor rococo identique : les deux cartes faisaient partie de la même série.
La petite marraine du Poilu
Carte postale, 1914-18
La sagesse de l’illustration fait contraste avec la crudité de l’explication liminaire. La question de la fourrure est désormais abordée sans détours.
Le langage des chats
Carte postale, 1914-18
Tel l’aiguille d’un baromètre, l’index du soldat hésite entre « Actif » et « Fougueux », dans cette météorologie féline.
Les chats aiment les saucisses
Carte postale, date inconnue
Autre carte postale à prétention encyclopédique : à noter la taille croissante en fonction de l’âge.
Après le départ du train des maris
Illustration de Cheri Herouard pour La Vue Parisienne, 1923
Les Années Folles libèrent les femmes, qui entraînent désormais Minet dans leur autonomie endiablée.
Le lait de Minet
Anticipation
Victor Gabriel Gilbert, fin XIXème, Collection privée
Ici, ce n’est pas la symbolique sexuelle, mais leur intérêt commun pour le lait, qui unit le félin et la femme dans une double anticipation :
- le chat voudrait bien en avoir, mais le bol n’est visiblement pas pour lui ;
- la servante voudrait bien en avoir, mais pour l’instant elle est contrainte de nourrir l’enfant d’une autre.
Le poêle
Xavier Mauzan, carte postale, vers 1925
Cette carte renoue avec la tradition allusive du XVIIIème siècle. Le poêle rassemble toujours nos deux amateurs de chaleur : la jeune fille retroussant sa robe et son chat. Une descente de lit en léopard réunit les différents félins.
Contrairement à ce qu’il semble, le chat blanc ne s’intéresse pas à cet alter-ego symbolique que la maîtresse lui montre, mais à un autre alter-ego : le pot à lait mis à chauffer sur la plaque.
Car par une ironie discrète, le pot arrondi avec son anse épouse la forme du chat assis sur sa queue. Et le poêle emmanché d’un tuyau en hors champ figure, dans le dos de la jeune fille, des satisfactions à venir.
Dans cette fable du Poêle et du Pot à Lait, les objets prennent la forme du désir de chacun.
Danseuse se reposant
Degas, 1879-1880, Collection privée
En attendant que son café ou que son thé chauffe, la danseuse lit le journal.
A l’issue de notre parcours, cet innocent pastel prend une tonalité inattendue. La sensation d’incongruité ne réside pas, comme on le croit au premier abord, dans le prosaïsme de l’attitude, au sein d’un monde sensé être féérique et gracieux (voir Femme de plume en tutu).
Mais dans le contraste voulu entre cette féminité de gaze et de papier, et la masculinité métallique de ce poêle priapique, avec son tuyau à hauteur de sexe, métaphore, comme on voudra, d’érection ou de pénétration.
Petit chat de compagnie et petit rat de l’opéra jouent semblablement avec le feu,
et se chauffent les poils près du brasier prêt à les dévorer.
Le réchaud
Pinup de Fritz Willis
Dans la même thématique, cette pinup qui attend que sa collation soit chaude – cernée par les deux symboles du bec de la théière et de la cheminée de la lampe – est manifestement devenue chatte, à en croire les bords fourrés de sa nuisette.
Le chaton
Pinup de Fritz Willis, octobre 1962
Souvent chez Fritz Willis la pinup miniaturise, voire ridiculise, une effigie du mâle dominant : en l’occurrence le chaton minuscule réduit aux lapements.
La métaphore féline fonctionne ici à contre-sexe : seul le bol de lait extériorise les appas de la donatrice.
La tournée du Chat Noir
Poster de Alma Canchola
Cette intéressante reprise du matou célèbre de Steinlen destitue définitivement les vieilles métaphores galantes : la femme assume sa totale félinité, la boisson chaude n’est plus un excitant, « Pauvre minet » est devenu « Heureux Felix », comblé de toutes les caresses : sans plus de mystères que sa queue en point d’interrogation.