S’il y a une chose que la plupart des gens normaux (i.e. hétérosexuels) ont du mal à assimiler, c’est bien le rituel du coming-out, rituel que l’on peut aisément traduire par la sortie du placard d’un(e) pédégouine. Cette épreuve peut paraitre étrange pour le quidam lambda, tout simplement parce qu’une personne hétérosexuelle n’a pas à annoncer ses préférences sexuelles, préférences considérées par la société comme normales, naturelles, non déviantes et saines (le côté obscur n’étant formé que par des satanistes sodomites partouzeurs). J’ai mis beaucoup de temps à franchir le pas, comptant principalement sur la lucidité et la lassitude de mes proches. J’étais ainsi persuadé qu’un jour ou l’autre, mon environnement se rendrait compte que j’avais un tropisme pour les garçons et m’éviterait d’avoir à annoncer mon homosexualité et à crier à la terre entière que j’aimais la bite. Mon malheur n’en à jamais été un car j’ai immédiatement trouvé chaussure à mon pied et sans véritablement chercher. Snooze et moi-même avons commencé à être les meilleurs amis du monde et nous nous sommes naturellement rapprochés. Nous nous sommes ainsi cachés pendant presque sept longues années, au nez et à la barbe de nos amis qui ne se doutaient pas une seconde que nous étions plus proches qu’il n’y semblait. Nous vivions alors une belle histoire et ne la partagions avec personne.
Rester dans le placard nous a curieusement permis de nous construire. Nous avons petit à petit appris à mieux nous connaitre, à anticiper nos envies respectives, anticiper nos humeurs et nos caractères et à nous respecter, sans qu’un tiers puisse porter le moindre jugement sur la façon dont nous gérions notre vie. Nous étions alors étudiants dans la même faculté, un peu insouciants, et passions la plupart de notre temps libre au sein de notre bande d’amis. Nous nous aimions tous très fort et cette amitié était souvent fusionnelle. Cependant, plus le temps passait, plus il nous était difficile d’annoncer notre union. Nous étions biens comme cela et nous ne souhaitions pas que les choses bougent. Nous avions surtout peur que les autres pensent que nous nous étions moqués d’eux pendant des années. Snooze a commencé le premier à afficher petit à petit ses préférences sexuelles sans pour autant annoncer qu’il sortait avec moi. J’ai ensuite souhaité annoncer mon homosexualité et surtout le nom de mon chéri à l’un des membres de notre bande. Faisant partie de la secte des passe-partouts, il ne se doutait pas une seule seconde que j’étais pédé et encore moins que je sortais avec Snooze. Si Eric fut surpris, voir choqué, il ne déborda pas d’enthousiasme. L’expérience n’ayant pas été concluante, j’ai retardé de deux ans le grand saut.
Snooze souhaitait alors vivre normalement en s’affichant avec moi. Il supportait de plus en plus mal d’avoir à se cacher pour m’embrasser, me prendre la main ou tout simplement me faire un petit câlin. Notre union est vite devenue un poids et vivre caché ne lui convenait plus. Il m’a alors lancé un ultimatum (tadaaah) et j’ai annoncé en moins de deux heures à ma famille (réduite) et à l’ensemble de mes amis que j’étais en couple avec lui. Si l’accueil des amis fut chaleureux, il n’en fut pas de même avec ma mère qui refusa d’accueillir mon cher et tendre chez elle pendant de nombreuses années. Si Snooze était devenu persona non grata, je portais également une lourde responsabilité, celle de ne jamais lui offrir la chance d’être grand-mère. Elle souffrait de la situation et me le faisait amèrement payer, en refusant de mettre les pieds chez moi ou en me lançant pic sur pic pendant les fêtes familiales de fin d’année. Ma mère s’est curieusement adoucie avec le temps. Elle a tout d’abord accepté Snooze, pas comme amant, mais juste comme meilleur ami. Elle a ensuite compris qu’il partageait ma vie et que rien n’y changerait. Elle nous a enfin encouragés à acheter un appartement et à nous pacser l’année dernière. Côté paternel, je n’ai rien eu à faire. Mon père à débarqué un soir à la maison pensant m’y trouver. Je ne lui donnais plus de nouvelles depuis sept ans et il souhaitait reprendre contact avec moi. Je n’étais pas présent mais Snooze l’a accueilli et surtout indiqué les raisons pour lesquelles je ne souhaitais plus le voir. Il lui a accessoirement confirmé que nous vivions ensemble et que notre sexualité était dense et épanouie. Je n’ai curieusement plus aucune nouvelle depuis cette rencontre. Easy.
Internet peut également être un précieux allié. Le meilleur moyen est d’y ouvrir un blog et d’y publier des billets un peu plus personnels, de sélectionner et de raconter des parties de sa vie sans trop se dévoiler, et d’y glisser des mots clés tout en étant persuadé qu’un jour ou l’autre, des proches non initiés tomberont sur le site. C’est ce qui s’est naturellement passé avec François, avec qui j’ai partagé de fabuleux moments pendant mon doctorat. Internet m’a également permis de retrouver une autre amie perdue de vue. Je me suis pris une claque en pleine figure lorsqu’elle m’a annoncé que sa fille, responsable de mon surnom de merde, allait passer le bac cette année. Nathalie m’a envoyé l’adresse de son blog en m’indiquant qu’il ne contenait rien de croustillant. Je lui ai renvoyé l’adresse du mien en lui indiquant qu’elle allait peut-être être surprise. Ce ne fut pas le cas et elle m’a juste envoyé le message suivant :
« Bah, heureuse la vieille copine que tu sois en couple et heureux comme ça. Fille ou garçon, tu sais, on s’en fout ! »
Rien à rajouter.
En me penchant sur le passé, je me rends maintenant compte que le coming-out n’a rien d’obligatoire, l’essentiel étant bien entendu d’être le plus heureux du monde. Ma situation personnelle me convient parfaitement et j’ai eu la chance d’être bien entouré. Mes amis et ma famille connaissent le nom de la personne qui partage ma vie et l’acceptent pleinement. Certains autres amis proches ne souhaitent pas informer les membres de leurs familles. C’est un choix que je respecte car l’épreuve est difficile et rien ne garanti l’acceptation de la situation par ses parents ou par ses frères ou sœurs. Rien ne serait alors plus insupportable que de subir deux types de pression. Celle d’une société qui pousse naturellement à s’unir avec une personne du sexe opposé et qui dégouline de clichés ridicules à l’encontre de l’homosexualité, mais aussi celle d’une communauté homosexuelle, pas forcement plus tolérante, qui ne comprend pas toujours qu’une personne ne souhaite pas sortir du placard, qu’elles qu’en soient les raisons, bonnes ou mauvaises.
Dans tous les cas, ce n’est pas toujours facile d’être pédé. Dois je vraiment continuer et aborder le sujet d’une République archaïque à deux vitesses qui méprise et humilie une partie non négligeable de ses citoyens ?