Les générations se suivent mais ne se ressemblent pas.
Depuis la mienne, la génération silencieuse née de 1925-1945, se sont succédées celle des baby-boomersde 1945 à 1960, celle de la génération X dite du « baby-bust » de 1961 à 1980 et celle, qui arrive en trompe aujourd’hui et dont tout le monde parle de plus en plus, la génération Y, ou les Millennials (certains disent « Milléniaux » en français) de 1980 à 2000.Pourquoi Y, certains disent que ça vient du mot anglais « Why ? ». C’est la question qu’ils posent et qui marque leur remise en cause systématique des contraintes qu’on veut leur imposer. D’autres y voient le Y sur leur poitrine dessiné par les fils de leurs écouteurs reliés à celui qui rejoint leur baladeur. Millennials, parce qu’il ferme le deuxième millénaire. C’est la génération émergente. Avec 92 millions d’individus aux USA, la génération Yest la plus nombreuse dépassant même celle des baby-boomers qui compta 77 millions d’enfants nés aux lendemains de la 2ième guerre mondiale dans un moment de paix, de prospérité, de plein-emploi et de progrès. Entre les deux, la génération X a connu un faible taux de natalité avec 61 millions d’enfants dans une atmosphère d’augmentation des divorces, de l’arrivée des femmes sur le marché du travail, de la pilule contraceptive, etc…Même si le lien entre appartenance générationnelle et comportements est controversé, le fossé avec les générations précédentes peut s’expliquer par un changement rapide de la société à cause de l’apparition de nouvelles technologies de l’information et de la communication. L’Église, l’armée, même la famille sont moins influentes pour eux que l’internet, la télévision et les réseaux relationnels. Ils n’ont pas connu de menaces d’apocalypse de guerre froide, ni un monde sans le SIDA. Au Canada, la génération Y compte 8,9 millions d’individus dont 700 000 sont sans emplois et 4,5 millions vivent chez leurs parents. Plus de 60% ont un smartphone et écrivent un minimum de 60 textos par jour. Les Y représentent 15% de la population européenne et 40 % de la population active en France (salariés, non-salariés et chômeurs). En Europe de l’est, les Y sont venus en âge ou sont nés après la libération de leur peuple du communisme en 1989. Ils ont appris des notions inconnues de leurs parents, tels le chômage, le consumérisme, la liberté d’expression, la liberté d’entreprendre, l’acceptation des inégalités sociales, la démocratie… et ils ont pu faire la part des choses de chaque système politique, totalitaire ou démocratique. C’est une génération de rebelles qui veulent un bon emploi pour s’épanouir au contact de l’action et travailler en s’amusant. Elle est influencée par la culture du partage et non par la compétition ou l’égoïsme. Elle veut être active sur les nouvelles plateformes sociales. Elle est née alors que l’intérêt général de la population pour l’écologie se manifestait, alors qu’avant, seule une minorité s’en préoccupait. Elle est « la génération performance » dopée au travail, mais aussi « la génération micro-ondes » qui exige tout, tout de suite.Les Y étaient jeunes lors de l’introduction massive de l’information, de la téléphonie mobile, de la photo numérique, du GPS, etc… et ils ont acquis une maitrise intuitive de ces équipements dépassant même celle de leurs parents Le jeu vidéo est pour eux banal alors que la génération X le découvrait. Pour les américains, ce sont les digital natives.Leur identité s’est forgée par les apports culturels autour d’eux. C’est surtout devant la télévision qu’ils ont grandi et elle les a grandement influencés.Bien éduqués, les Y répondent à la pénurie de la main d’œuvre hautement qualifiée. Mais se sachant rares, ils savent ce qu’ils valent et l’exigent. Pour eux, l’autorité n’est pas nécessairement synonyme de compétence et ils ne craignent pas de se comparer car ils peuvent communiquer directement ou avec l’aide des technologies. Ils n’acceptent pas le principe de la priorité de l’ancienneté au travail et veulent plutôt être jugés par leur contribution. Cependant, le travail pour eux n’est pas nécessairement au premier plan. Ils refusent de travailler les week-ends ou les jours de fêtes et veulent du temps pour décompresser afin de protéger leur santé mentale et physique qui est pour eux de première importance. En somme, les Y recherchent une meilleure qualité de vie, conciliant travail, liberté, autonomie et intérêt personnel. Ils pensent à court terme. Ils sont très mobiles. Plus à l’aise avec les technologies et internet, ils ont facilement accès à l’ensemble des outils de création et de communication contrairement aux générations précédentes, ce qui leur permet de diffuser sur-le-champ leurs travaux dès leur production. Mais ce sont surtout des consommateurs des nouvelles technologies plutôt que des créateurs. La génération Y se déplace beaucoup. Elle profite de la baisse des coûts de transport aérien, des autos et du transport en commun. Les études et échanges à l’étranger sont nombreux. Contrairement à la génération précédente, son kilométrage annuel a diminué de 23%. C’est l’avion et le surfe sur internet qui l’intéresse. Ou encore le vélo qu’elle a adopté de plein cœur.Chez les 18 à 31 ans, 23% de jeunes mariés américains vivent dans leur propre appartement. Ce pourcentage a chuté de 50% depuis 1960. Un nombre grandissant de jeunes choisissent de vivre à la maison avec leurs parents, puisqu’ils jugent que le mariage peut attendre. Les Y veulent aussi être en bonne santé et non seulement « pas malades ». Ils recherchent de la nourriture enrichissante, ne fument pas, ne boivent pas et sont concentrés sur l’entrainement physique. Pour eux, une marque reconnue d’un produit n’est pas suffisante pour confirmer un achat. Pour leurs achats au commerce de détail, 42% des Yachètent en ligne au moins une fois par mois et veulent qu’on leur facilite l’utilisation de leurs appareils mobiles pendant qu’ils sont dans les magasins. Avant d’acheter, ils comparent les prix, en ligne ou sur leur appareil mobile, avec ceux de la concurrence au Canada et dans le monde, lisent les critiques de produits, obtiennent des coupons et des codes promotionnels et concluent l’achat par voie numérique ou au magasin.47% des Y sont confiants de pouvoir vivre une retraite idéale, alors que seulement 1/3 des baby-boomers pensent la même chose. Même si tous les individus de l’Occident de cet âge sont des millenials, leur pays influence leur mode de vie, Ainsi les Y canadiens ont plus de potentiel économique que leur contrepartie américaine. À ce jour, 50% des Y canadiens possèdent une maison et cela à un âge plus jeune que leurs parents. En comparaison à 36% pour les américains. Ces derniers ont des conditions de travail moins bonnes que leurs semblables au Canada, les offres d’emplois sont plus rares et ils ont moins d’accès au crédit. De plus, les jeunes américains ont des dettes étudiantes beaucoup plus importantes que les canadiens.Cette bonne performance des canadiens est due en grande partie aux femmes qui sont mieux éduquées et aux offres d’emplois pour elles qui atteignent des niveaux records au pays. Encore-là, les américaines performent moins bien. La génération Y comme les autres générations est critique de la génération précédente. Ainsi, elle regarde de haut la génération X qu’elle considère comme ayant été une bande de bousilleurs qui bâclaient leur travail, retardaient leurs prises de décision, ne rêvaient que de divertissements, avaient un moment d’attention très court et retardaient leur mariage car ils avaient peur de divorcer.Quant à la génération X qui suivit les baby-boomers, elle jugea ces derniers comme une bande centrée sur elle-même, inconstante et pas pratique. Pour le journaliste Joel Stein du magazine américain Times, « les Y sont trois fois plus touchés que leurs parents par des troubles de personnalité narcissique. Ce sont des obsédés par leur apparence physique et le désir de devenir célèbres. Ils manquent totalement d’ambition dans leur vie professionnelle. C’est pourquoi ils vivent plus nombreux avec leurs parents. Cette génération n’essaie pas de confronter l’establishment comme ses aïeules mais elle vit en dehors, inventant ses propres règles ». Par contre, une étude par Jean Pralong, sur un échantillon français, conclut à « l’absence de différences entre les X et les Y dans le rapport au travail, à l’entreprise et à la carrière ». En fait, « ce ne sont pas les gens nés après 1980 qui sont narcissistes, ce sont les jeunes personnes qui sont narcissistes et qui par la suite s’en sortent au fur et à mesure qu’ils vieillissent ». Mais la France n’est pas l’Amérique. Les changements démographiques générés par chaque génération modifient les priorités des individus et, par conséquent, leur approche à la solution des problèmes. Selon les recherches du Centre pour l’Étude de la citoyenneté démocratique (CECD) du Québec, les succès ou les insuccès d’un parti politique peuvent être liés directement au « remplacement progressif de l’électorat par la nouvelle génération ». Les Y se ressentent des « citoyens du monde » et expriment une pensée politique marquée par ce sentiment. Ils sont à droite du spectre politique. L’étude démontre aussi qu’« ils appuient l’importance de l’éducation et le respect de l’environnement mais accordent moins d’importance à la souveraineté et à la charte des valeurs ». Il me semble fort logique que chaque génération se distingue.« Le parti québécois (PQ) qui avait été porté par les générations des baby-boomers et des X, a vu chuter ses résultats dès que les Y ont eu droit de vote. Alors que ce parti était le 1er choix des baby-boomers, le 2e de la génération X, il est devenu le 3e de la génération Y. » Cela s’explique en partie par le fait que ce parti est plus à gauche que les Y. Rien n’est évidemment tout perdu car un parti politique peut toujours redéfinir son projet politique pour s’adapter aux circonstances changeantes, mais ce peut être difficile si la question est fondamentale. La génération des Y est unique de celles qui l’ont précédée. Elle a grandi lors d’une croissance économique sans précédent et a été éduquée durant le temps où le respect de soi était important et la technologie avancée devint disponible. Même si ces individus n’ont pas tous les mêmes comportements ou attitudes, que ce soit au travail, dans les magasins réels et en ligne ou dans l’isoloir électoral, leur interaction est évidente dans la façon qu’ils échangent et consomment l’information. Claude Dupras