Il était une fois, dans un paisible royaume, une jolie princesse qui s’apprêtait à se marier. Sauf qu’en fait non : alors que ses servantes la préparent pour le bal, elle intercepte un espion du royaume voisin, signe que leur tyran prépare quelque chose. Plus le temps pour la danse et le décorum ! La princesse Misty part vers le royaume de Grimoire l’épée à la main, bien décidée à ne pas attendre que sa contrée natale soit envahie. Mais il faudra peut-être plus que ça pour renverser le souverain de Grimoire…
Avec Another Castle, le scénariste Andrew Wheeler et l’artiste Paulina Ganucheau nous proposent un conte de fées qui tord le cou aux règles du genre. On y retrouve les enjeux habituels de ce type de récit, mais avec un twist : le prince Peter a l’air très gentil mais un peu incapable aussi, et c’est la princesse qui prend les choses en main.
Paradoxalement, ce n’est pas l’aspect le plus intéressant de l’histoire. D’une part, le premier chapitre insiste un peu lourdement pour nous montrer à quel point Misty est trop une meuf badass, bien loin des clichés de la demoiselle en détresse. D’autre part, c’est loin d’être la première série à donner le rôle principal à la princesse : la série animée japonaise Utena le faisait déjà avec brio il y a 20 ans par exemple. Là où les deux tirent leur épingle du jeu par contre, c’est lorsqu’elles explorent les motivations de leurs personnages et révèlent la complexité des problèmes qu’ils cherchent à résoudre.
Dans Utena, l’héroïne se rendait compte vers la fin de l’histoire qu’elle avait pris le rôle du prince et été sauver Anthy… mais sans jamais lui demander ce qu’elle désirait. Voulait-elle être sauvée ? Si oui de quelle façon ? Utena réalisait que, si ses intentions étaient très bonnes, elle était peut-être davantage motivée par l’affirmation de sa propre noblesse d’âme que par le réel bien-être d’Anthy.
Another Castle propose une réflexion similaire en faisant réaliser à Misty que « sauver le royaume » a quelque chose d’abstrait. OK, elle veut terrasser leur maléfique souverain, et ensuite quel est son plan ? Un royaume est un peuple, et l’héroïne ne peut pas arriver et décider de ce qui est le mieux pour eux sans leur demander leur avis. Ce serait en parfaite contradiction avec ses propres revendications, puisqu’elle affirme haut et fort qu’elle ne veut pas qu’on décide à sa place de qui elle doit épouser, de comment elle doit se comporter.
Les autres personnages ne sont cependant pas en reste, car leurs aventures les amènent à se remettre eux aussi en question. Le prince Peter n’est par exemple pas très malin, pas du tout fait pour le combat et surtout le seul à ne pas s’en rendre compte. Dans une histoire moins inspirée, on en serait peut-être resté là. Mais ici, Peter est lui aussi amené à faire la part des choses entre ce qu’on attend de lui et ce qu’il veut réellement. Et sans doute à réaliser qu’il a d’autres qualités qu’il pourrait mettre en avant…
Another Castle fait partie des histoires sur lesquelles on aurait aimé tomber quand était petit·e : une aventure haute en couleurs comme dans les récits classiques, mais sans hétéronormisme, avec davantage de diversité et des personnages fouillés qui parlent avec les autres, au lieu de considérer les choses ou les gens comme acquis. On est tout à fait dans la mouvance d’œuvres comme Steven Universe, qui ne se contentent pas de renverser les clichés mais explorent aussi de façon simple à comprendre des thèmes complexes.