À l'échelle des institutions financières, le système britannique de compensation interbancaire (RTGS – Real-Time Gross Settlement), bâti en 1996, n'est pas si vieux. Pourtant, la Banque d'Angleterre lance une consultation [PDF] en vue de son remplacement à l'horizon 2020, afin de garantir qu'il restera pertinent dans le monde « digital ».
À lui seul, l'argumentaire développé pour justifier le renouvellement du RTGS est une source d'inspiration pour n'importe quelle banque (centrale ou non) confrontée au dilemme de la modernisation de ses infrastructures. Naturellement, dans le cas spécifique d'un système qui prend en charge 500 milliards de livres sterling par jour et qui est considéré (avec une certaine raison) comme critique pour la stabilité financière d'un pays, les enjeux sont particulièrement apparents et immédiats.
Ainsi, et la réflexion résonnera dans bien d'autres organisations, la Banque d'Angleterre se déclare totalement confiante sur la capacité du RTGS à remplir son rôle, voire à évoluer (marginalement), si son environnement restait stable. Malheureusement, elle est, en même temps, parfaitement consciente que les profondes transformations en cours, et, surtout, à venir, remettront en cause cette dernière hypothèse et que, dans ces conditions, il est préférable d'envisager une remise à plat complète.
Plus précisément, les dangers que souligne la banque centrale dans son appel à commentaires sont – au-delà de son éventuelle impossibilité générique de répondre aux attentes futures des utilisateurs de la compensation – le frein à l'innovation que constituerait un statu quo et la probabilité que les acteurs mal servis par l'offre existante se tournent vers des alternatives externes – par exemple à base de crypto-devises privées (bitcoin ou autre) – susceptibles de renverser les équilibres nationaux.
Les axes de progrès identifiés permettent de préciser les principales préoccupations de la Banque d'Angleterre. La faculté de supporter avec plus de flexibilité les changements de politique monétaire et réglementaire ne surprendront pas. La résilience et la résistance accrue aux cybermenaces est également logique, dans le contexte présent de croissance exponentielle des incidents et de leurs impacts. L'ouverture à des acteurs non bancaires, tels que les prestataires de paiement, est déjà moins attendue.
Bien entendu, le fonctionnement étendu 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 (contre 6:00 à 18:00 les jours ouvrés, actuellement) semble impératif en regard des exigences d'interopérabilité avec les autres marchés (internationaux, notamment) et des systèmes de paiement complémentaires qui, s'ils ne sont pas eux même disponibles en permanence aujourd'hui, le deviendront au fur et à mesure de leurs rénovations.
Enfin, la dernière orientation retenue est un besoin de préparation à l'intégration avec de nouvelles technologies – telles que les « livres de comptes distribués » (autrement dit les « blockchains ») – quand celles-ci seront parvenues à maturité. Concrètement elle envisage, par exemple, de mettre ses réserves au service d'une garantie de devises virtuelles. En parallèle, la Banque indique d'ailleurs aussi étudier, dans un autre cadre, les opportunités d'utilisation du concept pour l'implémentation du remplaçant du RTGS.
En synthèse, la démarche de la Banque d'Angleterre est un modèle d'innovation. Prenant conscience de son incapacité à appréhender les besoins de demain avec ses solutions existantes, elle se lance dans un vaste projet de refonte, dans lequel elle prend soin d'intégrer les exigences connues (sécurité et résilience, agilité réglementaire…), l'émergence d'une nouvelle catégorie de « clientèle » et une grande tendance, perçue comme incertaine mais potentiellement disruptrice (donc incontournable). Et le tout est intégré dans un embryon d'approche ouverte, via une consultation publique…