Woody Allen fait partie de mon existence depuis mes jeunes années, depuis ses premiers films en fait, que je découvrais avec délectation à la télé dans les années 70, Prends l'oseille et tire-toi, Woody et les robots, Love and Death, Bananas... sans oublier son incarnation de Jimmy Bond dans Casino Royale.
Puis Woody a développé un cinéma plus ambitieux, plus profond, plus touchant, avec un humour mariant le chaud et le froid, l'analytique et l'émotionnel - ce fut le temps des Annie Hall, Manhattan, Comédie érotique d'une nuit d'été, et le merveilleux Broadway Danny Rose... Etc.etc. Depuis lors, comme tant de cinéphiles de par le monde, j'attends notre Woody annuel, qui nous arrive presque de façon routinière. Il tourne vite, le bonhomme, et son processus créatif est réglé comme un métronome. Du coup, il arrive qu'il sorte un nouveau titre alors que je n'ai même pas encore vu le précédent ! Dans ce flux filmique étourdissant et constant, on n'est pas forcé de crier à chaque fois au génie,Woody nous livre des oeuvres parfois jubilatoires, parfois un peu plus convenues, mais qui toujours sont comme la lettre de quelqu'un que l'on connaît et apprécie.
Ainsi, dans la filmographie des ces dix dernières années du maître, j'ai beaucoup aimé 'Blue Jasmine", "Irrational man" et "Magic in the moonlight", "Dark and tall stranger" "Whatever works" - alors que "Match Point" et "Midnight in Paris" m'ont plutôt laissé de marbre.
Je pense que nous sommes très nombreux à aimer l'univers et la sensibilité de Woody Allen, mais nous pouvons certainement discuter - et ne pas nous mettre d'accord- sur lesquels de ses films sont bons ou moins bons... La façon dont on ressentira chacune de ses réalisations dépendra, non seulement de la qualité intrinsèque de l'oeuvre, mais aussi de notre propre état d'esprit.
J'ai donc dû être dans une humeur très réceptive avant-hier soir, car j'ai beaucoup aimé "Café Society", la plus récente livraison du maître. C'est une oeuvre touchante, douce-amère, fluide, bien jouée et hyper-élégante sur le plan formel. J'ai beaucoup aimé les acteurs Jesse Eisenberg (qui campe une sorte de Woody Allen rajeuni, en moins cabot), Kristen Stewart (magnifique!), Blake Lively, Steve Carell... Le tout est formidablement bien écrit et mis en scène, avec un sens inouï du rythme et de l'ellipse. Plutôt que de faire dans le tonitruant, Woody suggère les choses (et les êtres ) avec élégance et sophistication, les peines de coeurs, les espoirs et les déceptions, les coeurs qui battent plus fort, les yeux qui ne demandent qu'à aimer... Oh il y a bien quelques figures secondaires croquées de façon absolument hilarante et satirique, mais notre attention n'est jamais déviée des personnages principaux et de leurs émotions dissimulées derrière un tissu de facteurs sociaux et moraux. A la fin, ne subsiste que le fil de la vie et le regret de l'occasion manquée... Comme d'habitude chez Woody Allen, la concision est de mise : l'histoire nous est contée en 1h30, une voix off à la fois lucide et attendrie relate et commente différents moments décisifs, et nous voyons petit à petit les enjeux dramatiques se dissiper comme la brume du matin. C'est inexorable, c'est triste, mais bon sang que ces quelques instants rêvés ensemble étaient magiques !!!