Dans Puccini l'aimait, il s'agit bien de Giacomo Puccini (1858-1924), l'immense compositeur italien, auteur notamment d'opéras célèbres, tels que La bohême, Tosca ou Madame Butterfly. Brigitte Hool a adopté la forme romanesque pour raconter une courte tranche de sa vie, de l'année 1903 à l'année 1909, laquelle a certainement été déterminante pour l'homme comme pour l'artiste, dans la force de l'âge. Et elle s'est intéressée surtout à ses amours d'alors.
Pendant ces années-là, Puccini a en effet aimé plusieurs femmes, qui ont toutes été pour lui sources d'inspiration, et l'une d'entre elles plus particulièrement (dans toutes les acceptions de cet adverbe), Doria Manfredi, une femme de chambre, qui, à la mort de son père, en 1906, à 20 ans, est entrée à son service et à celui de sa maîtresse, Elvira Gemignani, une femme mariée avec laquelle il vit depuis ses 24 ans et qui aime Doria peut-être davantage encore que sa propre fille, Fosca.
Le couple que forment Giacomo et Elvira est singulier: il est infidèle et elle est terriblement jalouse. Elvira a toutefois une grande emprise sur Giacomo, à un point tel qu'à la suite d'un accident de voiture en 1903, qui survient quasiment au même moment que la mort de son mari, Narciso, elle s'occupe de régler, avec son consentement, sa rupture avec sa jeune maîtresse, Cori, à qui il vient juste de promettre de devenir Madame Puccini...
L'amour que porte Giacomo pour Doria est particulier. Et le lecteur s'en rend compte dès le début du livre (qui ne permet pourtant pas d'imaginer quelles seront leurs relations par la suite). Y sont placés deux dialogues entre le maestro et la jeune femme qui sont extraordinaires. Doria, qui parle avec simplicité des chansons de Giacomo, possède des dons divins qui l'émerveillent: elle entend naturellement la musique et, plus haut encore, la source de la musique...
L'histoire de cet amour particulier, entre Doria et Giacomo, ne peut être que tragique, en raison des personnes qui sont en cause et de ce qui les caractérisent: la jalousie féroce d'Elvira, les faiblesses de Giacomo (qui vont peut-être de pair avec sa grande sensibilité) et la grandeur d'âme de Doria, dont le bonheur sera de se taire sur tant d'amour, secret et inavoué, si grand que ces tourments sont doux pour [elle]...
Pour le lecteur qui ne connaît pas le fin mot de cette tragédie domestique, au sens étymologique du terme, ce roman, musical de par la langue et la construction, réserve bien des surprises et comporte bien des ambiguïtés: ainsi quand Giacomo demande à Doria quelle est la réponse et qu'elle lui répond, en rougissant: c'est: "je t'aime", ne peut-il que comprendre la fureur d'Elvira qui surgit de derrière un palmier pour les surprendre...
Les choses sont en fait plus complexes qu'elles n'apparaissent à première lecture, comme souvent dans la vraie vie. Une fois connus tous les tenants et aboutissants de la tragédie, une deuxième permet d'en apprécier la cohérence, la fine psychologie des protagonistes et l'art et la manière avec lesquels Brigitte Hool sait emmener le lecteur dans des chemins de traverse avant de lui dévoiler toute la vérité, par touches successives.
Francis Richard
Puccini l'aimait, Brigitte Hool, 284 pages L'Âge d'Homme