Le Maroc a réglé le problème de l'analphabétisme des masses populaires en réduisant les partis politiques à de petites figurines plus ou moins expressives.
Les 36 partis ont, chacun, un petit symbole qui lui sert d'étendard qu'il demande à ses partisans ou à ses sympathisants de suivre l plus souvent sans trop expliquer les raisons de cette adhésion!
L'ensemble de ces figurines semble participer à un décor qui meuble le Maroc l'espace des quinze jours que dure la campagne électorale.
Beaucoup de ces figurines sont des animaux ! Pourquoi? Peut-être que les inventeurs de ces "logos" ont-ils voulu s'inspirer de "Kalila wa Dimna" ou bien des Fables de La Fontaine! Ou que tout simplement, pour eux, les marocain(e)s saisiront mieux le sens des divers messages politiques si ils sont ainsi présentés.
Ces personnages animaliers sont divers et variés : LA COLOMBE LE DAUPHIN, LE LION, LE CHEVAL, L'ABEILLE, LE DROMADAIRE, LA GAZELLE ! Mais à part la douce et blanche colombe, les autres animaux semblent bien ternes et leur discrétion est presque pathétique.
Même le lion, qui est quand l'emblème de ce pays, ou le cheval, qui représente une belle part de notre culture et de notre civilisation, n'interviennent ! Je ne parle pas du dauphin ! Combien de marocains, même ceux vivant sur les cotes, ont déjà vu en vrai un dauphin! Le dromadaire, la gazelle et l'abeille - créatures familières à nos yeux - n'ont dans ce décor ni place ni rôle, juste quelques passages furtifs!
En ce qui concerne les accessoires, rien n'a été oublié :
LA LAMPE, objet essentiel sensé nous éclairer et nous guider dans la recherche du droit chemin! Mais marche-t-elle, cette lampe? C'est une vieille lampe à pétrole, dont la lueur vacillante n'éclaire pas beaucoup et elle risque de s'éteindre au moindre coup de vent! Elle risque - et cela est plus dangereux - de provoquer un incendie si elle est est renversée par mégarde ou par un vicieux coup de pied!
LA BALANCE, très utile pour peser et pour comparer mais à condition qu'elle soit bien réglée, qu'elle ne soit pas trafiquée, que les plateaux soient bien équilibrés, que les poids soient vérifiés et garantis, que le fléau soit sensible à la moindre charge! Cela demande beaucoup d'exigences !
Pour je ne sais quelle raison, on ajouté à ces accessoires LE LIVRE et LA LETTRE : peut-être est-ce juste pour faire intellectuel ou bien pour faire oublier que beaucoup de nos compatriotes ne savent ni lire ni écrire ! Ou bien, ce message est-il adressé uniquement à une certaine frange de notre société, ces bobos, prétendument intellectuels, nourris au lait de Tel Quel et au sein de LeJounal-Hebdo.
On a aussi ajouté des tas d'objets hétéroclites comme LA MAISON, LA CLÉ, LE RÉVEIL-MATIN, LA THÉIÈRE, LA PORTE, LA BOUGIE! On a même fait appel aux moyens de transport comm LA VOITURE, LE CAR et même L'AVION.
Je ne sais si c'est par souci d'écologie ou parce que on s'est rappelé que le Maroc a été et demeure un pays agricole.
LA ROSE, L'EPI, LE PALMIER, LA POMME, et LE RAMEAU D'OLIVIER se sont plantés dans le décor sans que l'on sache exactement à quoi ils correspondaient. Il faudrait juste signaler que la rose marocaine soit la sœur jumelle de la rose française : en effet, elles sont aussi flétries l'une que l'autre.
Ce coté écologique est accentué par la présence du CROISSANT DE LUNE et du SOLEIL STYLISE.
Pour rester dans la tradition nationale, on a également installé dans le décor LE KHONJAR, LE VOILIER, LA KHMISSA, LA FIBULE en y ajoutant LA MAIN et L'ŒIL, supposés l'un et l'autre repousser les mauvais esprits négatifs.
On peut se demander l'utilité de faire appel à la fois à un ÉLÉPHANT et à une ABEILLE et à un COQ! Et surtout pourquoi choisir un PARAPLUIE ou un ROBINET.
Dernier accessoire posé dans ce fatras, une MAIN faisant le signe "j'aime" tellement utilisé dans les réseaux sociaux.
Mais au milieu de ce décor hétéroclite qui relève plus de l'inventaire de Prévert, trône une énorme machine, pas très belle à regarder, mais qui dégage une impression de puissance difficilement contrôlable : LE TRACTEUR !
Pourquoi ce tracteur? Qui le pilote? Que tire-t-il? On n'en trop rien ! Il est là au milieu de la scène, lançant parfois son moteur à fond, en faisant un boucan de tous les diables, mais la plupart du temps, laissant le ronronner pour le faire repartir au quart de tour et tout renverser sur son passage! Il rappelle étrangement l'énigmatique et inquiétant camion du film "DUEL" de Steven Spielberg. Prêt à tout renverser sur son passage, pour peu qu'il se mette en mouvement.
Dans quelques jours donc, tout ce beau monde ce mettra en branle officiellement, car officieusement les personnages sot déjà sur scène, les répétitions sont déjà finies, les rôles distribués, les répliques apprises par cœur.
Il ne reste plus que les trois coups pour que le spectacle commence et la pièce se rejoue, avec cette fois quelques nouveaux acteurs que l'on reconnaîtra de loin grâce leur djellaba immaculée, à leur barbe fournie, leur front marqué du sceau d'une profonde piété. Mais avec ces nouveaux venus, le spectacle risque de ne pas être du tout amusant.