Les parlementaires mettent en doutent la raison même pour laquelle la France et le Royaume-Uni sont intervenus : le possible massacre de Benghazi, ville côtière qui est, en mars 2011, aux mains des rebelles qui disputent le pouvoir au colonel Kadhafi.
Alors que la communauté internationale imagine déjà le bain de sang que vont y perpétrer les forces du dictateur, Paris et Londres décident d'intervenir par voie aérienne, avec l'aval de l'ONU. Mais pour les auteurs du rapport, l'histoire même de Kadhafi aurait pu pousser les dirigeants franco-britanniques à réfléchir autrement. " Plusieurs exemples dans le passé auraient pu indiquer la manière dont Kadhafi allait se comporter. (...) En 1980, Kadhafi a passé six mois à pacifier les rapports entre les tribus de la Cyrénaïque. Il y a fort à parier que sa réponse au soulèvement de Benghazi, aurait été très prudente... La peur d'un massacre de civils a été largement exagérée " note le rapport.
Plus troublant encore, le rapport retranscrit une conversation avec un membre des services secrets américains, expliquant avoir discuté avec l'un de ses homologues français à propos de l'engagement français en Libye. La France n'est pas intervenue pour sauver Benghazi, mais pour cinq autres raisons, bien différentes :
- S'emparer d'une partie de la production libyenne de pétrole
- Augmenter l'influence française en Afrique du Nord
- Améliorer la popularité de Nicolas Sarkozy en France
- Replacer l'armée française au centre de l'échiquier stratégique mondial
- Répliquer à la volonté de Kadhafi de remplacer la France comme puissance dominante en Afrique francophone
Cinq ans plus tard, note le rapport, la Libye est au bord du gouffre. Reprenant un rapport d'Human Rights Watch, les parlementaires notent que plus de deux millions de personnes nécessitent une aide humanitaire, que 400.000 Libyens ont été déplacés de force, et que les forces militaires en présence continuent de se livrer à de multiples exactions contre les populations civiles et combattantes.
Cinq ans après, on découvre en fait ce que l’on pressentait initialement. S’il n’y avait eu pas de pétrole en Libye, jamais l’Occident ne serait intervenu. Le véritable but de cette guerre était avant tout, comme en Irak, de conserver le contrôle du pétrole, à la fois source de profits énormes et instrument de chantage pour contrôler toutes les économies. Les USA en particulier n’utilisent pas eux-mêmes tout le pétrole du Moyen-Orient, mais veulent néanmoins garder le contrôle de l’or noir dans le monde entier.
Si la droite autour de Nicolas Sarkozy a fait bloc et voté pour une telle intervention, la gauche et notamment la gauche européenne lui a apporté également son soutien. Ainsi, non seulement le parti socialiste européen (PSE) a voté au parlement européen en faveur d’une telle résolution de l’ONU mais également Jean-Luc Mélenchon et Marie-Christine Vergiat, membres du Front de Gauche !
L’argument massue « Kadhafi bombarde les civils » avait pourtant été démenti par des sources occidentales et des sources de l’opposition libyenne. Mais répété des centaines de fois, il a fini par s’imposer dans l’opinion.
Il n’est pas inutile de rappeler que chaque grande guerre a toujours été précédée d’un grand mensonge pour faire basculer l’opinion. Quand les USA ont attaqué le Vietnam, ils ont prétendu que celui-ci avait attaqué deux navires US. Faux, ont-ils reconnu plusieurs années plus tard. Quand ils ont attaqué l’Irak, ils ont invoqué la présence d’Al-Qaida et les armes de destruction massive. Faux également. Quand ils ont bombardé la Yougoslavie, ils ont parlé d’un génocide. Toujours faux. Quand ils ont envahi l’Afghanistan, ce fut en prétendant qu’il était responsable des attentats du 11 septembre. Faux encore et encore...
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