Voilà un livre qui tombe à pic. Alors que s'ouvre bientôt l'exposition Oscar Wilde, l'impertinent absolu au Petit Palais, Pierre Masson et Jean-Pierre Prévost publient André Gide – Oscar Wilde. Deux immoralistes à la Belle Époque (éditions Orizons). Nos amis nous ont parlé depuis plusieurs années de ce livre qu'ils avaient écrit et qui ne trouvait pas d'éditeur. Saluons donc le sens de la publicité d'Orizons !
Il faut dire que devant le côté « fatras » de l'ouvrage, il y avait peut-être de quoi prendre peur. Et un véritable éditeur aurait sans doute mis bon ordre dans cette accumulation d'éléments thématiques, de chapitres disparates, d'illustrations pas toutes utiles ni très bien choisies, le tout en marge du récit principal... (Sans parler de l'affreuse couverture, de la titraille déconcertante ou des numéros de notes décalés...) Les auteurs renoncent heureusement assez tôt à vouloir dresser le portrait de l'époque pour se centrer sur la chronologie, ici capitale.
Les deux derniers tiers, appuyés sur des extraits de la Correspondance de Gide et ses souvenirs ou ceux de ses proches, en se concentrant précisément sur Gide, montrent très bien comment ce dernier va recomposer un Wilde à sa façon, et, ce faisant, intégrer leurs brèves rencontres et la silhouette de Wilde dans différents récits. Ou encore comment ce que les auteurs nomment « l'épisode crucial d'Alger », va être lui aussi réinventé et réinjecté dans l'œuvre.
Il faut donc dépasser le côté un peu raté de la forme, qui risque de faire trébucher le lecteur à tout instant, pour s'attacher au texte et au fond tous deux très intéressants. Le livre permet, par son analyse des prolongements wildiens dans l'œuvre de Gide, de réévaluer les rapports entre les deux écrivains : pour Gide, des rapports jusque là très surévalués sur le plan personnel, et sous-estimés sur le plan littéraire...