C’est un coup de chapeau hors frontières qui s’adresse ici à un projet d’exception : la collection Berardo à Lisbonne. Le lieu : le Centre culturel de Belém, dans l’ouest de la ville, en bordure du Tage. Cette appellation modeste désigne, en réalité, une architecture hors normes entièrement recouverte de marbre non poli qui, sur ses cent quarante mille mètres carrés, accorde depuis 2006 une partie significative à la collection d’art moderne et contemporain rassemblée au fil des ans par le milliardaire José Berardo dont le parcours ne prédestinait pas nécessairement à cet intérêt pour l’art : » Il quitte l’école à l’âge de treize ans, travaille dans une coopérative vinicole… Suit ses parents en Afrique du Sud… Garçon de ferme puis fermier, horticulteur, producteur de fruits, transporteur, négociant, il se paie une mine d’or abandonnée. » On devine la suite : fortune, commerce du diamant, finances, banques, hôtels, télécommunications, commerce de tabac, nourriture pour animaux, vin et art…
Colecçao Berardo
Un tel cheminement n’explique pas pour autant l’engouement particulier pour l’art contemporain. José Berardo ne prétendant pas être un expert, s’est entouré de conseillers compétents. Il reste que son projet personnel fut de conserver une trace significative des grands courants de l’art du vingtième siècle. Le centre culturel de Belém, à vocations multiples, consacre donc onze mille mètres carrés de ses espaces à la mise en valeur de cette collection privée incomparable.
A Belém, une construction historique recueille tous les suffrages des visiteurs : le Monastère des Hiéronymites, bénéficiant au seizième siècle de l’afflux de richesses à Lisbonne, s’élève comme un joyau architectural érigé à la gloire de la monarchie portugaise. Les touristes de toutes nationalités viennent à Belém pour cette visite mais ne parcourent pas les deux cent mètres supplémentaires pour découvrir le Centre culturel de Belém dont l’imposante silhouette est pourtant visible de tous.
L’ art moderne est certes très présent au travers ses divers courants historiques : Cubisme, Dadaïsme, Constructivisme, De Stijl, Surréalisme etc…. Si la constitution par une initiative privée paraît déjà exemplaire, d’autres collectionneurs privés ailleurs dans le monde ont eux aussi réalisé un tel exploit ( par exemple la collection Thyssen-Bornemisza à Madrid). Ce qui ici singularise la collection Berardo tient aux courants contemporains tous représentés, parmi lesquels l’arte povera, le body art, Supports-Surfaces, l’art conceptuel etc…
Au cœur de la vieille ville de Lisbonne, le Musée d’art moderne et contemporain composé de deux espaces proches dans des immeubles anciens de la ville, a du mal à supporter la comparaison avec cette incroyable présentation du Centre culturel de Belém.
Les salles du musée Berardo, avec leurs surfaces démesurées, autorisent tous les accrochages, toutes les installations sans que les œuvres risquent de souffrir d’une quelconque promiscuité.
Dans ce pays éteint pendant plus de quarante années sous le couvercle de la dictature Salazar, une telle proposition artistique donne un exemple réconfortant d’ouverture, de liberté. Le paysan de Lisbonne, né pendant ces années d’oppression, trouve ici une revanche avec cette lumineuse collection offerte à tous (et gratuitement).
Centro Cultural de Belém
Colecçao Berardo
Praça do Imperio
Belém / Lisbonne
Portugal