Titre : Supermurgeman, T1 : La loi de la jungle
Scénariste : Mathieu Sapin
Dessinateur : Mathieu Sapin
Parution : Septembre 2004
La parodie est un genre que j’apprécie particulièrement. Lorsqu’un auteur se lâche vraiment, il se fait plaisir et cela se ressent. Autant dire que cette série, subtilement intitulée « Supermurgeman », m’a attiré dès le premier regard. Scénarisée et dessinée par Mathieu Sapin, elle met en scène le héros éponyme qui tire sa force de supermurgebières qui lui permettent de lancer un jet acide sur ses ennemis en vomissant plus que de raison. Honnêtement, si le côté pipi/caca/vomi vous laisse froid, vous pouvez passer votre tour… Cette série est publiée dans l’excellente collection Poisson Pilote, qui a vu sortir les albums de Trondheim, Sfar, Blain et plein d’autres auteurs (très) talentueux.
Supermurgeman vit sur une île tropicale avec sa femme. Il doit gérer les animaux, le village des indigènes dont il est le protecteur et la société Sofroco-Gedec qui cherche à établir le capitalisme dans la jungle. Si cela ne suffisait pas, voilà qu’une fusée en forme de tampon hygiénique s’écrase dans le marais. Le sorcier du village lance alors Supermurgeman à la recherche du survivant qui serait, selon lui, une sorte de messie.
Une histoire à tiroirs.
Supermurgeman porte un masque et un slip léopard. C’est donc une sorte de Tarzan moderne, capable de ranger plein de choses dans son sous-vêtement fétiche. La galerie de personnage est vaste, du sorcier à l’homme-chocolat (une sorte de merde géante, littéralement…) ou du petit Nourredine. Le tout est une critique de la société de consommation essentiellement via la société Sofroco-Gedec. Ceux-ci organisent en effet une émission de télé-réalité sur l’île et veulent avant tout tomber le célèbre justicier.
Derrière cette apparence d’humour bien lourd, le tout est beaucoup plus subtil qu’il n’y paraît. L’histoire est à tiroirs, les liens vagues et les personnages attachants. En effet, Supermurgeman est invincible mais sacrément naïf, pour ne pas dire ingénu. On est presque surpris qu’il parvienne à gagner… Les dialogues sont très réussis et tournent en dérision les codes du genre. Ainsi le sorcier déclare « Les hommes refuseront d’aller plus loin » et ses hommes répondent « Mais si ! On veut ! ». Bien que classique, Mathieu Sapin a su créer son petit microcosme.
En lisant « Supermurgeman », j’ai pensé à plusieurs reprises à « Pascal Brutal » de Riad Sattouf, toutes proportions gardées. Même si c’est très différent, j’ai retrouvé par moment des similitudes, tant dans le dessin que dans la narration. Sachant comme « Pascal Brutal » divise, j’imagine que « Supermurgeman » procède de la même manière sur les lecteurs.
Au niveau du dessin, le trait est simple et expressif. J’ai été immédiatement dans le bain. Les couleurs chatoyantes en aplats sont parfaitement adaptées au trait et à l’univers. Mathieu Sapin densifie beaucoup ses planches avec un quatre bandes systématique. Le grand nombre de cases fait que l’histoire est riche pour un 48 pages.
Mathieu Sapin crée ici un univers parodique des plus sympathiques. Ne mettant de tabou sur rien et laissant libre cours à ses délires les plus débiles, il accouche d’un ouvrage plein d’humour et à la subtilité certes discrètes, mais bien présente. Une belle découverte.