Avec les taux à des niveaux historiquement bas, il peut être très rentable de renégocier son emprunt immobilier. Voici tout ce qu’il faut savoir avant de se lancer.
Depuis l’été, c’est la grande braderie. Toutes les banques abaissent leurs tarifs pour les crédits immobiliers. Les taux d’emprunt ont atteint de nouveaux plus bas historiques. En août, les acquéreurs obtenaient ainsi en moyenne un taux de 1,57% sur 20 ans, selon l’Observatoire Crédit Logement CSA. C’est deux fois moins qu’en 2013! Résultat, après un début d’année plutôt calme, le marché de la renégociation de crédits est reparti de plus belle. Aussi, 44,4% des nouveaux crédits à l’habitat (en montant) correspondaient en réalité à des renégociations en juillet, contre 28,5% en mars, d’après la Banque de France. Et vous, êtes-vous concerné avec un crédit signé récemment? Quels sont les pièges à éviter? Challenges.fr revient sur toutes les questions qui se posent lorsqu’on renégocie son crédit.
Dans quelles conditions est-ce intéressant pour moi de renégocier ?
Quelques règles de base peuvent vous permettre de déterminer rapidement si vous avez intérêt à vous lancer dans une renégociation. Trois critères sont à prendre en compte: le différentiel de taux, le capital restant dû et la durée de remboursement restante. Généralement, il faut que les taux pratiqués aujourd’hui soient au moins inférieurs d’un point par rapport au taux de votre ancien crédit (par exemple à 1,5% contre 2,5% sur 20 ans). « Mais j’ai déjà vu des dossiers où un écart de 0,45 point suffisait », explique Philippe Taboret, directeur général adjoint de Cafpi. Le montant du capital restant dû doit également être élevé. Vous lancer dans une renégociation pour un crédit de seulement 50.000 euros n’a pas forcément de sens. Enfin, « il faut être le plus souvent dans la première moitié de son crédit pour s’y retrouver », détaille de son côté Maël Bernier, directrice de la communication de Meilleurtaux.com. En effet, c’est au début que l’on paie le plus d’intérêts. Plus le crédit est récent et plus la renégociation est avantageuse pour l’emprunteur. Quoi qu’il en soit, le mieux est de réaliser une simulation chez un ou plusieurs courtiers. L’information est gratuite (les courtiers n’ont pas le droit de vous facturer une simulation de crédit) et vous serez ainsi rapidement fixé. D’ailleurs, certains acheteurs qui avaient bouclé leur acquisition en 2015 ont déjà commencé à renégocier leur prêt.
A quels gains peut-on s’attendre?
Tout va bien évidemment dépendre des critères évoqués ci-dessus. Avec un crédit de 250.000 euros sur 20 ans souscrit au cours des 5 dernières années, vous pouvez vous attendre à plusieurs dizaines de milliers d’euros d’économies sur l’ensemble de la durée du prêt. Là encore, seule une simulation vous donnera une estimation précise des gains potentiels. Le plus simple consiste à comparer votre ancien échéancier avec la nouvelle proposition, sur la même durée de crédit restante. Si vos mensualités sont inférieures, c’est que vous gagnez de l’argent dans l’opération. Autre méthode: tous les échéanciers doivent rappeler le montant global des intérêts qui sont versés pendant la durée restante du prêt. Reste ensuite à connaître le montant des frais.
Quels sont les frais lors d’une renégociation?
La renégociation de son crédit immobilier implique trois niveaux de frais. Il y a tout d’abord les indemnités de remboursement anticipé (IRA). En effet, lorsque vous renégociez votre taux, vous effectuez en réalité un rachat de votre « vieux » crédit à l’aide d’un nouveau prêt. Vous remboursez donc d’un seul coup une partie ou la totalité de votre emprunt. La plupart des contrats prévoient de telles indemnités et la plupart du temps, même lorsque vous avez initialement négocié une exonération d’IRA, celle-ci ne s’applique qu’en cas de revente de l’appartement ou de la maison. Les indemnités de remboursement anticipé n’ont pas le droit de dépasser 6 mois d’intérêt sur le capital restant dû (au taux moyen du prêt) ni de représenter plus de 3% du capital restant dû.
Outre les IRA, vous échapperez rarement à des frais de dossier. Ils peuvent représenter jusqu’à 1% du capital restant dû. Notez d’ailleurs que, contrairement à une idée reçue, en renégociant avec votre banque actuelle, vous n’éviterez pas nécessairement des frais de dossier. Au contraire, ils sont parfois supérieurs à ceux pratiqués par les autres établissements qui souhaitent vous avoir comme clients.
Enfin, il existe également des frais liés à la garantie. Lorsque vous souscrivez à un crédit, la banque vous demande de prendre une caution (comme Crédit Logement) ou une garantie hypothécaire. En cas de rachat de crédit et de changement de banque, vous serez contraint de solder votre ancienne caution (qui est rattachée à une banque en particulier) et d’en prendre une nouvelle. Cela engendre des frais (de quelques centaines d’euros), le plus souvent réintégrés dans le nouveau prêt. Dans le cas d’une garantie hypothécaire, les frais peuvent s’élever jusqu’à 2% du capital restant dû. il est cependant possible de transférer celle-ci entre l’ancien établissement financier et le nouveau pour réduire la facture.
Ainsi globalement, les frais d’un rachat de crédit peuvent aller jusqu’à 6% au maximum du capital restant dû. C’est pourquoi une simulation s’impose afin de savoir si une renégociation est rentable ou non.
A quoi d’autre faut-il faire attention?
En dehors des frais et du taux que vous obtenez, la question de l’assurance n’est pas à négliger. « Les taux sur l’assurance emprunteur varient grandement, de 0,10 à 0,40% », rappelle Ulrich Maurel, président d’Immoprêt. C’est souvent là que les établissements financiers font de la marge. Les emprunteurs ont donc souvent tendance à se précipiter sur l’assurance la moins chère. « Toutes les assurances ne se valent pas lorsqu’on rentre dans les détails », prévient Ulrich Maurel. Il faut savoir se poser les bonnes questions en fonction de son profil. Les accidents liés aux sports à risque sont-ils couverts? Ou le mal de dos chronique? Les accidents du travail et lesquels? Par ailleurs, un fonctionnaire, un salarié dans le privé ou quelqu’un en profession libéral n’ont pas toujours les mêmes besoins en matière d’assurance.
Ensuite, « il faut prendre en compte l’évolution de sa situation personnelle depuis l’obtention de votre ancien prêt », analyse Maël Bernier. « Par exemple, dans un couple, si l’un des deux conjoints est au chômage, alors qu’il ne l’était pas au moment de la signature du crédit, la démarche de renégocier est souvent inutile », ajoute-elle. De même, si votre niveau d’endettement a explosé, il est peu probable que vous obteniez des conditions plus favorables.
Dernier élément à prendre en compte: la revente du bien. Si vous projetez de vendre votre appartement ou votre maison dans les 6 mois, le gain sera au final faible pour beaucoup de paperasserie administrative. Car les montants économisés le sont sur l’intégralité de la durée restante du prêt. Or, si vous cédez votre bien au bout de quelques mois, vous n’aurez généré des économies que sur cette période.
Qu’est-ce que le transfert de prêt?
Lors de votre renégociation, pensez à demander la possibilité de transférer le prêt à l’avenir. « Cette option est cruciale », estime Ulrich Maurel. Par défaut, un crédit immobilier est attaché à un logement en particulier. Lorsque vous revendez votre bien pour en acquérir un nouveau, vous devez donc rembourser par anticipation votre crédit et en souscrire un nouveau, ce qui implique des frais coûteux. En outre, les conditions de crédit peuvent se détériorer avec des taux en hausse par rapport à votre ancien prêt. Comme les taux sont à des niveaux planchers aujourd’hui, vous pouvez légitimement anticiper une progression des taux sur le long terme. En incluant le transfert de prêt dans les conditions de votre nouveau crédit, vous aurez alors la possibilité de vendre et d’acheter un appartement à l’avenir, tout en gardant le même emprunt avec les mêmes conditions. De quoi faire de substantielles économies, tout en s’assurant de bénéficier d’un taux bas sur le long terme.
Peut-on ne renégocier que son assurance emprunteur?
Oui, c’est tout à fait possible. C’est également très pratique puisque cela ne vous oblige pas à changer de banque pour votre compte courant, l’assurance emprunteur et le crédit immobilier étant dissociés depuis la loi Lagarde de 2010. La loi consommation, dite loi Hamon et entrée en vigueur en juillet 2014, vous autorise d’ailleurs à changer d’assurance emprunteur à tout moment, sans frais ni pénalités, durant une période d’un an à compter de la signature du contrat d’assurance, du moment que les garanties proposées par la concurrence sont équivalentes. Au-delà, vous avez également le droit de changer d’assurance emprunteur chaque année, à la date anniversaire de votre contrat. La loi Châtel entrée en vigueur en 2008 impose aux banques de prévenir leurs clients par écrit au minimum un mois avant la date limite de résiliation de leur assurance emprunteur (avant sa tacite reconduction).
Quel choix faire entre durée et mensualité?
Lorsque vous renégociez votre prêt avec des conditions plus avantageuses, deux solutions s’offrent à vous. Vous pouvez soit décider de réduire la durée de votre crédit, soit opter pour une baisse des mensualités. Une diminution des mensualités vous permet de souffler côté budget, tout en faisant généralement des économies sur l’ensemble du crédit.
« Le rachat de crédit peut pourtant rapporter encore plus si on choisit de baisser la durée plutôt que la mensualité. C’est mécanique, en jouant sur la durée, on profite de taux plus faibles et d’intérêts réduits », explique ainsi Cécile Roquelaure, directrice communication et études d’Empruntis, dans un récent communiqué. Le gain supplémentaire de la baisse de durée peut-être de 30% par rapport à une baisse de mensualité, selon les données du courtier*. La moitié des particuliers qui renégocient leur emprunt via Empruntis préfèrent néanmoins baisser leur mensualité afin de se donner un peu d’air.
Peut-on en profiter pour financer des travaux?
En dehors de la baisse des mensualités et du raccourcissement de la durée du crédit, il existe une troisième possibilité lorsque vous renégociez votre prêt. « Parfois, il est possible de profiter de l’argent économisé avec un taux plus bas pour financer des travaux », indique Philippe Taboret. Le mécanisme est le suivant. Vous conservez la même durée de crédit et le plus souvent la même mensualité pour votre crédit. Mais dans le même temps, vous souscrivez un autre prêt pour les travaux qui est inclus dans le nouveau « package », sans que cela ne vous coûte plus d’argent globalement qu’avant la renégociation. Cela vous donne ainsi de quoi lever quelques milliers d’euros pour refaire votre cuisine ou votre salle de bain sans avancer d’argent.
*Simulation Empruntis hors assurance au taux d’emprunt initial de 2,65% sur 20 ans avec une mensualité de 1074 € hors assurance et rachat sur 18 ans au taux moyen de 1,55%, sur 16 ans au taux moyen de 1,45%. Le gain est net de frais d’IRA et de garantie