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Parking

Publié le 19 juin 2008 par Omelette Seizeoeufs

Alors, comme ça, je suis en voyage. L'année dernière j'avais donné pour titre "Omelette en vadrouille", c'est fois c'est carrément "Omelette en cavale". Enfin, toutes proportions gardées, bien sûr.

L'autre jour, donc, je me retrouve dans une ville de taille moyenne où, à peu près tous les ans, je laisse ma voiture dans un petit parking dans la gare. Le grand jeu, c'est qu'avant d'arriver à la gare, il est impossible de savoir s'il y aura de la place. Si c'est complet, c'est à peu près tout le voyage qui est foutu en l'air. Du coup, je me laisse un peu de marge, quand je peux.

Cette fois, j'arrive à la gare bien à l'avance. La guichettière, à qui je veux acheter mes quinze jours de place, m'indique que ce service n'est plus géré par la SNCF, et qu'il faut que j'aille voir au bureau du parking. Impossible de savoir si l'air un peu agacé de la guichettière est la conséquence de cette privatisation mal acceptée, ou si c'est juste qu'elle n'en peut plus d'expliquer la même chose à des ignorants, un peu incrédules, de mon espèce. Toujours est-il que je fonce vers ce "bureau" que je finis par trouver. Sur la porte, "EFFIA". Sur la porte qui est fermée à clé... Je me crois en plein scénario catastrophe, j'envisage déjà toutes les annulations en chaîne auxquelles je vais devoir procéder.

Je retourne à la gare pour chercher du secours, mais pour la SNCF, le parking n'existe plus du tout. Ils ne peuvent rien faire pour moi, sauf me renvoyer devant la même porte fermée à clé, devant le même bureau vide.

Par bonheur, il y a un numéro national sur la porte et je réussis à joindre une centrale quelque part, une dame qui, elle, réussit à joindre le responsable, un grand blond sympathique, qui est dans un autre coin de la gare et qui arrive assez rapidement. Pour vous rassurer, cher lecteur, j'ai eu mon train, j'ai pu stationner ma pauvre bagnole, tout est rentré dans l'ordre. Le responsable - responsable de mon niveau de stress, déjà - explique que la SNCF ne voulais plus s'embarrasser avec les parkings, que leur boulot était de "mettre des gens dans les trains", pas de s'occuper des parkings.

Le prix du stationnement a néanmoins doublé, ce qui ne m'a pas gêné sur le coup, mais qui me fera réfléchir la prochaine fois : on s'approche du point où d'autres solutions seront plus rentables pour moi, le taxi par exemple. Je réfléchis donc.

Une fois installé dans mon TGV, je réfléchis encore : qui est donc cet EFFIA ? Dans d'autres gares je commence à voir la même enseigne un peu partout, sur des fauteuils roulants, sur des blazers bordeaux de gens très occupés... Qui a décidé d'accorder cette concession à une entreprise privée ? C'est visiblement une décision nationale : EFFIA est partout. Et quel sera le gain ?

De mon microscopique point de vue, il n'y aura pas la prochaine fois que des désavantages : je vais pouvoir téléphoner à l'avance pour réserver ma place. C'est bien. Mais la place va coûter deux fois plus cher. Est-ce là l'efficacité recherchée ? Désormais, EFFIA sera obligé de maintenir mon gaillard dans son bureau, payé à plein temps pour s'occuper d'une grosse douzaine de places de parking (Ou a-t-il d'autres responsabilités mystérieuses ? je l'ignore.)

En termes matériels, dans la perspective de cette petite gare de province (je ne parle pas de l'ensemble du pays, évidemment), le nouveau système est beaucoup moins efficace. Il faut désormais un bureau, un bonhomme, voire plus car les heures de présence dépassent les 35 ou même les 39 autorisées. Jusque là, le personnel de la gare suffisait pour gérer leur carnet que les guichettiers passaient entre eux. Le parking était aussi disponible que la gare, vivait au même rythme. Surtout, l'ensemble du personnel, ou presque, aurait été capable de m'aider dans mon désarroi. Et qu'est-ce qui va arriver quand EFFIA, racheté par je-ne-sais-qui, ou sous la pression de mauvais résultats trimestriels, décidera qu'ils ne peuvent plus se permettre cette lubie qui consiste à payer un type (ou deux) pour gérer seize places de parking, et qu'il faut retirer leurs billes des trous perdus à flux insuffisants. Car les flux de voyageurs dans mon cas risquent de se tarir, en effet, au vu de l'augmentation des tarifs. Il ne me semble pas déraisonnable d'imaginer qu'un jour, sous l'effet de cette douce privatisation, il n'y aura plus de parking du tout.

Je ne suis pas encore revenu chercher ma voiture, si j'ai le temps j'essayerai de poser la question : en avaient-ils vraiment marre de s'occuper du parking? Ou est-ce seulement au niveau national?

Cette petite fable (qui finit bien, pour l'instant) me fait penser à ce que j'essayais de dire dans mes gauchitudes. La décision de confier les parkings de la SCNF, et sans doute bien d'autres services encore, était visiblement nationale. Imaginons qu'il y ait un gain financier pour la SNCF, un gain en efficacité, ou que, en tout cas, la Société a réussi un joli coup, un bon marché avec EFFIA. Mais pour ma petite gare, ce n'est pas si évident, et on peut même imaginer que pour elle c'est une mauvaise affaire qui va conduire à la perte franche de ce petit parking et de ses petites recettes, et de ce service pour les voyageurs. Quel système aurait permis soit de maintenir l'ancien système qui s'appuyait sur les ressources humaines de la gare, soit de trouver une solution locale, où l'intérêt économique du nouveau gérant serait de maintenir le parking.

La morale de cette fable n'est sans doute pas encore vraiment écrite. Je me demande où est la véritable efficacité, et si elle est systématiquement du côté de l'entreprise privée. Enfin, je me demande surtout comment faire pour que l'on cesse d'avoir cette habitude de pensée, ce réflexe, qui consiste à supposer toujours que l'entreprise privée va apporter plus à un moindre coût.


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