Greenpeace s’inquiète de la décision de l’Autorité de sûreté nucléaire française (ASN), qui vient d’autoriser le redémarrage du chantier de construction du réacteur nucléaire EPR de Flamanville (Manche). Le 21 mai dernier, suite à la répétition de dysfonctionnements et malfaçons, le « gendarme » du nucléaire avait contraint EDF, le maître d’œuvre du chantier, de stopper les travaux de bétonnage, ce qui avait interrompu le chantier.
« La décision prise aujourd’hui par l’ASN est extrêmement préoccupante, déclare Yannick Rousselet, chargé de la campagne Énergie à Greenpeace France. L’ASN autorise EDF à reprendre les travaux sur des déclarations de bonnes intentions concernant l’amélioration des contrôles, mais rien n’est réglé sur le fond. »
La liste des problèmes qui a décidé l’ASN à stopper le chantier est longue et requiert des remises à niveau et des réparations très importantes. De plus, elle concerne non seulement des malfaçons de « ferraillage », mais aussi la mise en œuvre du béton, des sous-traitants non qualifiés ou encore des défauts de soudure du « liner », la coque métallique destinée à renforcer le réacteur.
« Depuis des semaines, nous posons des questions nombreuses et précises à l’ASN et à EDF, et à ce jour rien n’est encore clarifié, reprend Yannick Rousselet. Par exemple : on sait que du béton a été coulé sans ferraillage. L’ASN a-t-elle ordonné de casser ce béton défectueux pour le remplacer ? Si tel n’est pas le cas, quelle mesure a été prise pour que ce grave défaut soit réparé ? Quelle garantie avons-nous que de tels problèmes ne surviendront plus ? »
De nombreuses autres questions demeurent sans réponse :
- L’atelier de soudure du « liner » a t-il été dûment homologué ?
- Les personnes travaillant sur le chantier sont-elles habilitées à effectuer les tâches qu’elles assurent ?
- Les pièces comportant des soudures non conformes sur le « liner » ont-elles été rebutées ?
- La centrale à béton est-elle capable de fabriquer du béton conforme ?
- Les fissures, qui avaient dans un premier temps été réparées dans des conditions non conformes, ont-elles été finalement rebouchées de manière correcte ?
- Les gâchées (coulées) de béton présentant des défauts de composition (teneur en eau, granulométrie, température) ont-elles été reprises ?
Par ailleurs, lors de la dernière réunion de la Commission locale d’information (Cli) de Flamanville, Greenpeace a proposé la mise en place d’un tableau de bord, permettant un suivi des incidents rencontrés sur le site de l’EPR, partant du principe que les citoyens ont le droit à une information transparente sur les aspects relevant de la sûreté d’une installation nucléaire, et donc de leur propre sécurité. Il est regrettable que le chantier redémarre avant la mise en place de cet outil.
« Greenpeace considère que l’ASN, qui avait fait preuve de sérieux et de courage en contraignant EDF à stopper les travaux de construction de l’EPR, n’aurait jamais dû autoriser un redémarrage dans de telles conditions, conclut Yannick Rousselet. Le lobby industriel et politique du nucléaire aurait-il eu raison de la volonté affichée de transparence et d’indépendance de l’ASN ? Doit-on laisser l’obsession de tenir des coûts et des délais irréalistes l’emporter sur les impératifs de sûreté ? »