Partager la publication "[Critique] THE BEATLES : EIGHT DAYS A WEEK – THE TOURING YEARS"
Titre original : The Beatles : Eight Days A Week – The Touring Years
Note:
Origine : Grande-Bretagne/États-Unis
Réalisateur : Ron Howard
Distribution : Paul McCartney, John Lennon, George Harrison, Ringo Starr, Whoopi Goldberg, Elvis Costello, George Martin…
Genre : Rockumentaire
Date de sortie : 15 septembre 2016
Le Pitch :
Eight Days A Week raconte la formidable histoire des Beatles à travers leurs tournées. De leurs premiers shows à la Cavern de Liverpool, leur ville natale, à l’ultime concert sur le toit de leurs bureaux au 3 Savile Row à Londres, en passant par les quartiers chauds de Hambourg et les stades pleins à craquer, ce rockumentaire revient sur un phénomène musical unique, en compagnie de ceux qui l’ont vécu de l’intérieur…
La Critique :
Ce n’est bien sûr pas la première fois que les Beatles font l’objet d’un documentaire. En la matière, The Beatles Anthology fait bien sûr office d’incontournable, pour la simple et bonne raison qu’il couvre l’intégralité de la carrière des Fab Four mais aussi et surtout car il fut piloté par les membres survivants Paul MacCartney, Ringo Starr, George Harrison (alors encore vivant), mais aussi George Martin, le légendaire producteur, pendant les années 90. Un monument d’une richesse incroyable, qui a d’une certaine façon fermé la porte à toute autre tentative. Pourtant, avec son postulat, The Beatles : Eight Days A Week a trouvé la parade et parvient à s’imposer avec une belle évidence, y compris auprès des fans les plus acharnés (qui sont bien sûr nombreux).
Car il ne s’agit pas d’un documentaire classique visant à nous raconter une nouvelle fois l’histoire du groupe originaire de Liverpool. Pas uniquement du moins, et tant pis si l’affiche affirme le contraire. On parle ici des tournées. Des premières et de la dernière, sans oublier de mentionner le fameux concert sur le toit de l’immeuble de Savile Row à Londres qui abritait alors les bureaux d’Apple (la maison de disque pas celle des téléphones).
Ron Howard s’est bien sûr rapproché de Paul McCartney et de Ringo Starr. Il a aussi convié de multiples intervenants. Des célèbres, comme Whoopi Goldberg et Elvis Costello, et des moins connus, sauf bien évidemment des fans des Beatles qui ont déjà tout vu et tout lu. George Harrison et John Lennon prennent aussi la parole grâce à des bouts d’interviews s’insérant à merveille. Le but étant ainsi de nous narrer l’aventure scénique des Quatre Garçons dans le Vent, mais aussi, en filigrane, de saisir l’atmosphère de l’époque. Là est la marque des grands documentaires et même des grands rockumentaires : parvenir à traiter à la fois du sujet premier, ici les Beatles, mais aussi à ne pas négliger la toile de fond, très importante, à plus forte raison quand on parle d’un phénomène tel, qui a fait plusieurs fois le tour du monde pour dispenser la bonne parole du rock and roll.
Si Ron Howard ne s’intéresse pas en premier lieu à la formation du groupe, avec les rencontres successives des musiciens, il n’oublie pas de mentionner ce point au travers de fréquents allers-retours dans le temps. L’écriture du film est en cela très judicieuse tant celui-ci sait s’en tenir à son sujet, mais n’oublie pas non plus de le remettre en perspective, histoire certainement de ne pas s’adresser uniquement aux spécialistes. Les enfances de chacun des membres sont évoquées, mais par contre, on ne parle pas de Pete Best, le prédécesseur de Ringo, ou de Stuart Sutcliffe, qui tint la basse jusqu’en 1961 avant de prendre le large pour se consacrer à la peinture (avant de mourir tragiquement à l’âge de 21 ans). On pourra regretter de telles omissions mais au fond, les intentions du projet sont claires : il est ici question de Paul McCartney, de Ringo Starr, de George Harrison et de John Lennon. Le film commence quand ils sont déjà ensemble et se termine quand ils sont sur le point de se séparer. En fait, il termine sa narration détaillée quand les musiciens ont cessé les tournées et consacre son épilogue à traiter de l’enfilade de chefs-d’œuvre (Magical Mystery Tour, Sgt Pepper, Abbey Road…) que le groupes emballa avant de tirer sa référence.
Avec son histoire centrée sur le phénomène live que furent les Beatles, Eight Days A Week entend aussi capturer l’essence de la Beatlemania. Il profite du recul pour remettre en perspective un succès qui, encore aujourd’hui, peut-être même plus que jamais vu les bouleversements que l’industrie musicale a encaissé, impressionne de par ses dimensions ahurissantes. Ron Howard a réussi à monter un film très immersif. Il nous prend par la main et nous fait pénétrer les coulisses de ce groupe fascinant, et nous emmène aux États-Unis, en Australie, au Japon et bien sûr en Angleterre, pour au final à la fois replacer les Beatles dans leur époque, mais aussi souligner de la plus belle et vibrante des façons le rôle que McCartney, Lennon, Harrison et Starr ont joué. Il nous parle d’un temps où la musique pouvait vraiment changer le monde. Notamment quand il est question de ces concerts dans les états du sud aux États-Unis, où les musiciens insistèrent et eurent gain de cause, pour ne pas appliquer une quelconque forme de ségrégation vis à vis du public.
Souvent perçus comme des gamins insouciants, les Beatles sont ici dépeints avec justesse car toutes leurs facettes sont clairement exposées. Oui ils étaient turbulents et frivoles, mais ils savaient aussi s’intéresser aux problèmes de leur époque et s’investir, comme on a d’ailleurs pu le voir pour chacun d’eux, quand leurs routes se sont séparées. Déjà dans les années 60, les Beatles ne sont pas comme les autres. Ils sont concernés et généreux. Ils fédèrent et échappent aux clichés.
Autre point crucial : la qualité du son et des images. Eight Days A Week traduit un exceptionnel travail. Le montage est pertinent et parfaitement rythmé, tandis que des scènes rares, nous apparaissent avec une clarté étonnante. Même chose au niveau du son, bien que les remasters nous ont depuis longtemps à écouter les Beatles en haute définition. Tout ici est conçu pour rendre hommage au génie de ces précurseurs.
Et puis il y a cette émotion. Au-delà d’un simple compte-rendu, bien au-delà, Ron Howard a fait de ce qui aurait pu être un simple documentaire un véritable objet de cinéma. Sans souligner inutilement les faits, il sait par contre s’y prendre pour permettre à l’émotion de nous toucher en plein cœur. La relation entre les quatre garçons de Liverpool est en cela particulièrement bien retranscrite, avec une mention spéciale pour ce passage où le film parvient à nous tirer les larmes en évoquant l’incroyable complicité créative qui unissait Paul McCartney et John Lennon ou encore cette scène qui voit Whoopi Goldberg parler de sa passion pour les Beatles. Des moments comme ceux-là, Eight Days A Week en regorge et à chaque instant, la chair de poule n’est jamais bien loin, pendant que les chansons, immortelles, sonnent, de concert avec les images, avec leur puissance originelle. Peu importe que vous ayez écouté en boucle tous les albums car Ron Howard arrive à nous les faire redécouvrir. Il ne s’écarte pas de son sujet principal (les tournées), justifie ses choix, ses priorités, et sait en cela se montrer parfaitement pertinent vis à vis de son cahier des charges.
En Bref…
Incontournable, The Beatles : Eight Days A Week – The Touring Years est aussi passionnant que vibrant. Les fans n’apprendront pas grand chose de nouveau, mais ce documentaire sait saisir l’essence d’un groupe alors en pleine conquête d’un monde qu’il aura su marquer de son empreinte indélébile. Il offre un nouvel angle de vue et parvient à dépasser le simple stade du film de fan pour ramener les Beatles à une dimension plus intime, décuplant au passage la force de leurs créations. Alors oui, on peut décemment parler d’extraordinaire tour de force.
@ Gilles Rolland