Aveugle comme
l’oisillon à peine éclos
tout tendre
et hardi comme l’inconscience
l’amour m’a fait connaître la douleur
semblable au sel, je n’en connaissais pas le prix.
Le jour s’est assombri
une angoisse enragée a fouetté
ses chevaux gris
sur ses genoux désertés le poème a découpé des ailes
et commis de tristes rimes.
Et l’arc-en-ciel d’été s’abreuve
aux eaux troubles
comme aujourd’hui ma paix boit à mes veines.
Pardonne-moi,
joie,
si j’ai blasphémé de toi
avant même d’avoir appris à aimer.
*
A Boy Paints a Rainbow
Blind, too,
like a fledgling,
and tender
and unconsciously brazen,
love offered me pain;
like salt, I didn’t know its worth.
And the day grew dark
and a mad anguish whipped on
the day’s gray horses.
The poem folded its wings in an empty lap
and with a sad rhyme sinned.
Yet from murky waters
the summer rainbow drinks
just as my repose from my veins today.
Forgive me,
joy,
if I blasphemed you
before I learned to love.
***
Milan Rúfus (Bratislava, Slovaquie 1928-2009) – L’inquiétude du coeur – Traduit du slovaque par Arlette Cornevin – Translated from the Slovak by Ewald Osers, Viera and James Sutherland-Smith