La regrettée présidente des Amis de l’Huma, Edmonde Charles-Roux, avait ainsi formulé le dilemme: «Comment laisser vivre et s’exprimer au-delà de septembre cette “trace” de la Fête, cette “trace” si précieuse et si fragile?» Son successeur, Ernest Pignon-Ernest, confessait le week-end dernier: «La Fête est un concentré vivant de ce que l’humanité ne devrait jamais cesser d’être toute l’année, mélange d’idéal et d’idées, d’audaces et d’engagements, de maturité et de jeunesse, de fidélités et d’inventions…» Qui dit mieux? Souvenirs. Comme les lecteurs du journal de Jaurès, le Peuple de la Fête n’est pas monolithique. Rendez-vous compte. À quoi assistons-nous exactement quand le philosophe Régis Debray dialogue longuement, très longuement, avec le syndicaliste Philippe Martinez? À une ré-historisation de la pensée commune, ni plus ni moins! Comme pour conjurer cette négligence de notre temps – incarnée par les médias dominants et ceux qui en font commerce – envers le peuple et une certaine indifférence pour l’histoire en cours. C’est ça, la Fête. Un mélange de clairvoyance et de combats, de partage et d’inventions, sachant qu’il n’y a pas de devoir mais que des désirs, pour éviter d’avoir à se dire que l’on peut tout changer du jour au lendemain, ou pire, croire que l’on ne peut rien changer demain, après-demain. La Fête, c’est toujours un surgissement singulier, propulsé dans toutes ses libertés, ses aspérités, ses altérités. Nous autres, les mécontemporains ataviques, nous savons ce qu’il en coûte de ne jamais renoncer, surtout aux heures de grandes crises idéologiques. La science nous a appris que la vie dans l’univers connu, qui s’étend constamment, est une telle exception que nous devrions passer notre temps à la chérir, à la protéger, à la bonifier par ce nous collectif rare. Si la vie est l’exception dans l’univers, l’esprit est l’exception dans toutes les formes de vie. Au lieu de mettre toute notre énergie qui nous a été donné à détruire ces esprits de l’exception, à sonner le glas de cette beauté-là, cultivons-les, chérissons-les, vénérons-les. Comme nous chérissons l’odeur et le goût des plus beaux souvenirs. [BLOC-NOTES publié dans l’Humanité du 16 septembre 2016.]
Exception(s): une certaine idée d'être ensemble
Publié le 15 septembre 2016 par Jean-Emmanuel DucoinLa regrettée présidente des Amis de l’Huma, Edmonde Charles-Roux, avait ainsi formulé le dilemme: «Comment laisser vivre et s’exprimer au-delà de septembre cette “trace” de la Fête, cette “trace” si précieuse et si fragile?» Son successeur, Ernest Pignon-Ernest, confessait le week-end dernier: «La Fête est un concentré vivant de ce que l’humanité ne devrait jamais cesser d’être toute l’année, mélange d’idéal et d’idées, d’audaces et d’engagements, de maturité et de jeunesse, de fidélités et d’inventions…» Qui dit mieux? Souvenirs. Comme les lecteurs du journal de Jaurès, le Peuple de la Fête n’est pas monolithique. Rendez-vous compte. À quoi assistons-nous exactement quand le philosophe Régis Debray dialogue longuement, très longuement, avec le syndicaliste Philippe Martinez? À une ré-historisation de la pensée commune, ni plus ni moins! Comme pour conjurer cette négligence de notre temps – incarnée par les médias dominants et ceux qui en font commerce – envers le peuple et une certaine indifférence pour l’histoire en cours. C’est ça, la Fête. Un mélange de clairvoyance et de combats, de partage et d’inventions, sachant qu’il n’y a pas de devoir mais que des désirs, pour éviter d’avoir à se dire que l’on peut tout changer du jour au lendemain, ou pire, croire que l’on ne peut rien changer demain, après-demain. La Fête, c’est toujours un surgissement singulier, propulsé dans toutes ses libertés, ses aspérités, ses altérités. Nous autres, les mécontemporains ataviques, nous savons ce qu’il en coûte de ne jamais renoncer, surtout aux heures de grandes crises idéologiques. La science nous a appris que la vie dans l’univers connu, qui s’étend constamment, est une telle exception que nous devrions passer notre temps à la chérir, à la protéger, à la bonifier par ce nous collectif rare. Si la vie est l’exception dans l’univers, l’esprit est l’exception dans toutes les formes de vie. Au lieu de mettre toute notre énergie qui nous a été donné à détruire ces esprits de l’exception, à sonner le glas de cette beauté-là, cultivons-les, chérissons-les, vénérons-les. Comme nous chérissons l’odeur et le goût des plus beaux souvenirs. [BLOC-NOTES publié dans l’Humanité du 16 septembre 2016.]