Disséquons maintenant l’objet de nos fantasmes. Nous retrouvons sur « Jesus Alone » le côté expérimental influencé par Warren Ellis (ex-Dirty Three, je dis ex parce que les derniers albums datent respectivement de 2005 et 2012), de plus en plus présent et de plus en plus inquiétant avec ses ongles et ses cheveux longs, ses amulettes et son regard pénétrant, un morceau presque symbolique de la tragédie qui a touché Nick Cave cet été 2015.
« Rings of Saturn », presque mécanique, sonne presque plus léger. Bon, OK, les choeurs masculins font penser aux hurlements d’un chien errant, ce qui gâche un peu le spoken word de Nick Cave. Un slam seedien pas forcément inoubliable.
Par contre avec « Girl in Amber », on revient au coeur du problème : « some go and some stay behind »… Une mélodie et des paroles hypnotiques, qui tournent, comme il est dit : « the song the song it spins since 1994 ». De la douceur, et une voix à la limite de la brisure pour notre crooner des cimetières.
« Magneto » retombe dans les travers ellisien avec des bruitages incongrus qui, passée la surprise première, apportent un côté angoissant, presque claustrophobique aux mélodies. « Anthrocene », tout en retenue avec ces percussions sur le départ mais qui jamais, jamais ne décollent, et ces paroles qui elles aussi tournent en rond. Nick Cave le disait dans la préquelle de l’album, ce fameux One More Time With Feelings ; il a désormais perdu le goût de la narration – de là à dire qu’il n’a plus rien à dire, on en est loin. Le lyrisme est toujours présent. L’amour aussi. Mais plus amer que jamais.
« I Need You » le prouve d’ailleurs, qui chanté par un autre (M.Pokora par exemple), passerait pour une bluette naïve. Ritournelle simpliste avec ce synthé bon marché, paroles un brin désuette, et pourtant ça marche ! Avec un Nick Cave qui semble ne pas reprendre sa respiration, et toujours, toujours ce côté hypnotique. « Distant Sky », son clip hallucinant (sera-t-il un jour visible de ceux qui n’ont pas vu le long métrage sus-cité ?) et son accompagnement féminin et ce côté ascension vers des cieux plus cléments ; avant de clore sur un « Skeleton Tree » qui rejoint dans sa structure « I Need You ».
Bref, un tout petit album (moins de quarante minutes !), mais condensé d’émotion, sans doute plus que le pourtant acclamé Push the Sky Away que pour ma part j’ai eu du mal à adopter. On reste dans un contexte très minimaliste, à croire presque que le groupe est devenu duo, tant le reste du groupe (Martyn Casey, Thomas Wydler, Jim Sclavunos) paraissent discrets.
Si je devais rapprocher cet album, je le rapprocherai de l’Imprudence d’Alain Bashung.