Adam interdit s’applique à suivre chaque déplacement, chaque pression de cette main qui guide sa main. Étendue sur le dos, Ève fixe un point immobile et flou. Elle se détache. Lentement, elle s’en va. Seuls ses doigts restent là, ses doigts impérieux qui le maintiennent en équilibre sur l’étroite ligne de crête qu’elle longe désormais sans plus pouvoir se retourner. Il la suit tant bien que mal, il voudrait se détendre, s’installer entre ses jambes, déplier son coude à l’agonie, mais le chemin est si étroit qu’il n’ose pas s’éloigner du point infiniment précieux qu’il effleure du bout des doigts.
Elle a fermé les yeux.
Ses deux mains remontent vers le haut de son ventre, sur sa poitrine qu’elle caresse et le laissent seul sur le terrain mouvant qui ondule sous la pulpe de son index droit. Il essaie de ne pas réfléchir, de ne pas penser, juste se fondre dans le rythme, être souple, fluide, être le vent qui la porte vers l’endroit inconnu où elle se dirige, la bouche ouverte, la gorge inondée par les premières vagues d’une marée qui monte de l’intérieur, s’épaissit, gronde, rauque, feule et d’un seul coup la retourne, la renverse, la tord et la broie.
Il se pose à l’envers au-dessus d’elle, glisse un bras sous sa taille pour maîtriser ce ventre secoué de spasmes qui le soulèvent tout entier. Le temps d’une accalmie, il se redresse pour respirer. C’est alors que la lame d’un long poignard la traverse de part en part. Elle se fige. Tous ses membres se tétanisent, tremblent, vibrent, se tendent à l’extrême bord de la déchirure. Adam inquiet relâche son étreinte, se penche sur elle qui se détend brusquement et lui balance dans la tête un grand coup de genou.