Mathématiques germaniques
Qu'il était allemand ! Il n'avait pas qu'un accent allemand lorsqu'il parlait, mal ?, français. Il avait aussi une approche des mathématiques qui me semble allemande. Au lieu de chercher une démonstration élégante et courte, il faisait du très, très, long. Il résolvait les problèmes par des problèmes encore plus "complexes". (Dans certains cas, il pouvait passer à côté d'une solution triviale.) En faisant ainsi, on peut faire fleuve, la moindre de ses œuvres compte des milliers de pages (mais faciles à comprendre ?).
Car pour lui quelque chose est compris quand la démonstration devient triviale, même si c’est au prix de centaines de pages de définitions. En fait l’unique question pourrait être : « Quelle est la bonne définition ? ». Car une fois les choses proprement définies, les propriétés qu’elles ont sont naturelles : la bonne définition d’un vélo doit amener à l’idée qu’il roule !
En fait pour bien répondre à la question précédente, on peut même remonter plus loin, dans le langage, en posant la question : « Quelle est la bonne terminologie ? ». (Article.)Voilà ce qui différencie la Mercedes de la Peugeot : l'une est simple et fiable et bien conçue, mais grosse et coûteuse, l'autre est un acte d'inventivité, d'une fiabilité qui tient au miracle, mais bon marché. C'est aussi le mécanisme de la phrase allemande : elle est longue et il faut attendre jusqu'au bout pour comprendre ce qu'elle signifie, mais elle correspond à une pensée bien construite ?
Il est probablement caractéristique de sa méthode germanique que, pour résoudre les conjectures d'André Weil, il a défini un programme qu'il lui a fallu une décennie pour remplir. (Il est peut-être aussi significatif des limites de la méthode allemande qu'il n'y soit pas totalement parvenu, il a "résolu" le dernière conjecture par d'autres conjectures...)
Structures
Une de ses grandes idées serait la notion de "topos". A l'espace des problèmes correspond un espace infiniment plus vaste et complexe (au point correspond l'ensemble des ensembles - ou quelque chose d'approchant, car un "ensemble" d'ensembles me semble une contradiction), dans lequel tout devient simple.
A.Grothendieck était "platonicien" dit-on dans ces vidéos. Il pensait que ce que nous percevons s'explique par une structure sous-jacente, le monde des "idées" pour Platon. Et qu'il suffit d'ouvrir ses yeux, des yeux d'enfants, pour la voir. Serait-ce cela la définition ultime de "géométrie algébrique" ?
Voilà pourquoi il s'est intéressé à la physique à la fin de sa vie. C'était un écologiste, à l’allemande ?, persuadé que l'humanité allait se détruire. Constatant qu'il n'arrivait à convaincre personne, il s'est dit qu'il devait y avoir une science globale, qui dépasserait la physique et inclurait l'homme, et que ses mots seraient compréhensibles par tous.
(Platonicien, vraiment ? A l'époque, le structuralisme marchait à plein régime. Il se trouve que Claude Lévi-Strauss, pape du sujet, avait mis à contribution le fameux André Weil, dans une tentative d'explication de la structure des relations au sein d'une communauté qu'il étudiait.)
Tout cela a-t-il eu des applications pratiques ? Peut-être. J'ai vu (mais pas regardé) des vidéos qui parlent d'application à la théorie des cordes, et il semblerait que c'ait servi à trouver une preuve du grand théorème de Fermat, si j'en crois wikipedia.