Une comédie de Daniel ColasMise en scène par Daniel ColasDécor de Jean HaasCostumes de Jean-Daniel VuillermozLumières de Kevin DaufresneMusique de Sylvain Meyniac
Avec Béatrice Agenin (Louise de Savoie, la Louve), Gaël Giraudeau (François 1er), Coralie Audret (la Reine Marie), Maud Baecker (le Reine Claude), Yvan Garouel (le conseiller), Adrien Melin (Suffolk), Patrick Raynal (Louis XII)
L’histoire : En 1515, comment les folies amoureuses de François 1er ont failli lui coûter le trône de France, et ce malgré la féroce vigilance de la Louve, sa mère.Une comédie malicieuse et bouillonnante où s’entremêlent les chausse-trappes des allées du pouvoir et les intérêts personnels.
Mon avis : 1515… Voici bien une date que tous les écoliers français retiennent à vie. Il suffit de la citer et tout le monde de s’écrier : « Marignan » ! Or, avant de devenir célèbre suite à cette victoire en terre italienne, au tout début de cette fameuse année, environ neuf mois avant la bataille, François n’était pas encore affublé du quantième Premier car il n’était pas du tout assuré de devenir Roi de France. C’est de ce moment crucial que parle cette pièce de Daniel Colas…
Disons-le tout net : quand l’Histoire est traitée sous cet angle, avec le parti pris de nous instruire tout en nous distrayant, c’est un réel plaisir. Apprendre en s’amusant, il n’y a rien de plus efficace. Or donc nous sommes à la fin de l’an de grâce 1514 lorsque six personnages fort importants vont vivre des événements qui vont bouleverser, à divers titres, leur destin.
Il y a le Roi en place, Louis XII, 52 ans. Il est malade et usé. Pourtant, en octobre 1514, il va convoler pour la troisième fois avec un tendron terriblement aguichant qu’il va fiévreusement tenter d’engrosser afin d’offrir in extremis un héritier mâle à sa couronne de France. Il ne tiendra pas trois mois à ce régime et sa chandelle, brûlée par les deux bouts, s’éteint le 1er janvier 1515.Celle qui va attiser ses derniers feux et tenter de ranimer sa flamme est la très séduisante Marie d’Angleterre, sœur du roi Henri VIII. Mariage de raison bien sûr, qui va faire perdre à Louis XII la sienne, de raison. Avec elle, l’alcôve ne tue pas lentement…Il y a Louise de Savoie, surnommée « la Louve ». Bien que François, son fils adoré, soit assez loin dans l’ordre de succession, il est un outsider sérieux au cas où le Louis XII n’aurait pas réussi à concevoir ce fameux garçon. Pour elle, c’était pratiquement acquis jusqu’à ce que l’irrésistible Marie ne vienne ensorceler le souverain actuel. Comme la libido de ce dernier est soudain réactivée, on comprend que la Louve se fasse un peu de mouron. Si la nouvelle reine devient grosse, c’en est fini de ses rêves monarchiques.Il y a son le rejeton, le louveteau François. Lui, il est plus attiré par les lits des gourgandines que par le trône. Il a 20 ans, c’est une force de la nature. Pourtant, c’est aussi un jeune marié. Il vient d’épouser la fille aînée de Louis XII, la Reine Claude, qu’il prend vraiment pour une prune, en la trompant à tire-larigot. Comble du comble, ne voilà-t-il pas qu’il s’amourache de l’appétissante Marie !Et puis, il y a le duc de Suffolk. Marie l’a apporté d’Angleterre dans ses bagages. Au contraire de Louis XII, c’est un jeune homme vigoureux. Un amant idéal, quoi. En bon Anglais qui se respecte, peu lui chaut de commettre un crime de « baise-majesté ». Il se pense intouchable jusqu’au moment où la Louve va lui planter ses canines dans le bas de ses chausses.Enfin, il y a un septième personnage, le conseiller Grignoux. Outre le fait qu’il soit affublé d’un terrible bégaiement, il est fou amoureux de la Louvise de Savoie. Le sachant, elle s’en amuse et en abuse. Elle fait de lui son homme à tout faire, son espion, son souffre-douleur. Mais c’est grâce à son dévouement sans faille qu’elle va pouvoir récupérer des informations qui vont s’avérer déterminantes…
Formidablement documentée – tout ce qui s’y passe est authentique – on se régale à suivre cette lutte pour le Pouvoir. Une situation somme tout intemporelle. Ici, le dénouement tient à un fil, ou plutôt à un fils. Les uns espèrent en avoir un, les autres prient pour que cela n’arrive pas. Surtout la Louve.La distribution est parfaite. Chacun tient son rôle avec une justesse remarquable. Bien sûr, on est fasciné par la composition de Béatrice Agenin (j’ai failli la prénommer « prédatrice » !). Madrée, intrigante, manipulatrice, forte en gueule (elle n’a pas peur d’user d’un langage plutôt fleuri), elle est prête à tout pour que son coureur de fils coiffe la couronne… Et, si j’ai ressenti aussi un faible pour le jeu tout en finesse de Coralie Audret, on ne peut dissocier dans les louanges les cinq autres comédiens. Ils sont vraiment impeccables. Cette distribution est tout simplement royale.
Sur le plan des éloges, il faut également citer la mise en scène. Volontairement dépouillée, elle m’a fait parfois penser à certains tableaux des « Rois maudits », série télé du début des années 70. L’éclairage y est également primordial. Et j’ai particulièrement apprécié les musiques de Sylvain Meyniac. Elles sont somptueuses. Quant aux dialogues, ils sont d’une modernité totale. Ils servent superbement des joutes verbales à deux, à trois, qui sont autant de duels redoutables. C’est du haut niveau.Pour conclure, je ne peux m’empêcher une boutade que j’espère de bon aloi. Avec ce septuor de comédiens, je ne résiste pas à l’envie d’apposer un sous-titre cette excellente pièce : « Sept sur sceptre »…
Gilbert « Critikator » Jouin