13 septembre 2016 / Barnabé Binctin (Reporterre)
Depuis 50 ans, jamais la période juillet-août n’a été aussi sèche dans le sud-ouest de la France. S’il est difficile d’attribuer ce phénomène au seul réchauffement climatique, il risque de devenir la norme les années à venir. Rendant très problématique la gestion des ressources hydriques.Une terre qui se craquelle, aride et ridée : depuis des semaines maintenant, le sud-ouest de la France connaît un grave épisode de sécheresse. « Depuis début juillet, il n’y a plus d’herbe et les arbres crèvent », note Michèle Roux, agricultrice en polyculture-élevage au sud de Bergerac. À l’heure des vendanges, elle, qui cultive notamment 15 ha de vigne, s’inquiète pour la récolte :« Sans eau, le raison mûrit mal. »Élevage, céréales, oléoprotéagineux : toutes les branches de l’agriculture sont touchées par le phénomène et plongent un peu plus le secteur dans la crise. Il faut dire que l’on frise cette annéedes records dont le relevé de cumul des pluies depuis le 1er juillet donne une idée : à Limoges, il est tombé 26,4 mm d’eau, soit 84 % de déficit. C’est à peine mieux à Bordeaux, où les 24,2 mm indiquent un déficit de 82 %, tandis qu’un peu plus au sud, à Dax, on compte 32,8 mm pour un déficit de 79 %, selon des chiffres révélés par Météo France. « Jamais la période juillet-août n’a été aussi sèche que cette année dans le Limousin, le Poitou-Charentes et l’Aquitaine depuis plus de 50 ans », résume Mireille Alleno, chargée du suivi climatique du sud-ouest de la France à Météo France.Selon la carte ci-dessous, la zone des territoires touchés de manière la plus aiguë par cette sécheresse adopte en effet les contours de cette nouvelle région administrative Aquitaine-Limousin-Poitou-Charente. « La première région agricole d’Europe », rappelle Nicolas Thierry, vice-président EELV au conseil régional en charge de l’environnement et de la biodiversité.
« Il faut arrêter l’esbroufe politique »
Ce rapport de 2013 annonçait des épisodes de sécheresse plus fréquents. Si celui en cours ne saurait être directement associé au réchauffement climatique, il en préfigure les conséquences à moyen-terme. « C’est un sujet éminemment politique, il faut faire comprendre que 2016 n’est pas une exception : au contraire, ce sera bientôt la norme », poursuit Nicolas Thierry. S’il dit ne pas avoir de « baguette magique », il appelle à une grande concertation régionale d’ici à la fin de l’année pour bâtir une nouvelle politique de l’eau.Car, au cœur des enjeux se situent les ressources hydriques, directement menacées par cette augmentation de la température. « À l’horizon 2050, même si les incertitudes demeurent importantes pour les précipitations, l’élévation de la température entraînera une augmentation forte de l’évapotranspiration. Les débits naturels d’étiage seront en moyenne réduits de moitié pour le bassin de la Garonne, territoire par ailleurs à la fois très agricole et très attractif d’un point de vue démographique », écrivait ainsi l’agence de l’eau Adour-Garonne dans une étude prospective de 2014.Dans un tel contexte, les conflits d’usage risquent d’être exacerbés : « 70 % de notre irrigation est destinée au maïs, dont seulement 25 % de la production est utilisée localement, alors même que nous importons par ailleurs du soja… Cela n’a plus aucun sens », souligne Nicolas Thierry. Dit autrement, cela donne : « Il faut arrêter l’esbroufe politique : on fait la COP21 mais on continue derrière de promouvoir l’agriculture intensive », fait remarquer Michèle Roux. Cette année, elle avait anticipé et fait des stocks de fourrage pour son bétail. « Avant, peut-être, de planter des palmiers. »Vous avez aimé cet article ? Soutenez Reporterre.
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Source : Barnabé Binctin pour ReporterrePhoto : © Sylvain Giguet/Terrahttps://reporterre.net/Le-sud-ouest-de-la-France-eprouve-une-secheresse-jamais-vue-depuis-cinquante