Alain Juppé face au terrorisme djihadiste

Publié le 13 septembre 2016 par Sylvainrakotoarison

" Il ne faut plus nier la réalité qui s'impose : nous sommes confrontés à une menace lourde et continue. Celle-ci se caractérise par sa gravité au vu des méthodes de l'ennemi, par son caractère massif puisqu'elle peut toucher tout le monde et en tout point de notre territoire, et par son caractère durable compte tenu de la démultiplication des auteurs potentiels (réseaux djihadistes, personnes radicalisées et parfois isolées, personnes de retour des zones de combat, etc.). " (Alain Juppé, le 30 juillet 2016).

C'est ce mardi 13 septembre 2016 à Strasbourg que le candidat à la primaire LR Alain Juppé prononce un discours très attendu sur l'identité. Le concepteur de "l'identité heureuse" a été souvent attaqué sur cette expression. C'est l'occasion ici de revenir sur les propositions d'Alain Juppé sur la lutte contre le terrorisme, qu'il a faites le 30 juillet 2016, peu après les attentats de Nice et de Saint-Étienne-du-Rouvray.
Alain Juppé jouit d'une autorité personnelle indiscutable, au grand contraire du Président sortant François Hollande. C'était d'ailleurs, pour lui, plus un défaut qu'une qualité lorsqu'il était à Matignon puisqu'on lui reprochait d'être "droit dans ses bottes" (selon sa propre expression). Depuis une vingtaine d'années, et les habitants de Bordeaux peuvent probablement l'admettre, il est beaucoup plus ouvert et depuis une ou deux années, il fait même partie des rares présidentiables populaires. Il se positionne d'ailleurs dans une stratégie de rassemblement très consensuelle tandis que la plupart des candidats de tout bord sont tentés par l'accentuation des clivages.
À 71 ans, il n'a plus à démontrer sa détermination à aller jusqu'au bout de sa démarche présidentielle. L'issue de la primaire LR est incertaine, car la combativité de Nicolas Sarkozy est redoutable et le besoin de renouvellement qu'incarne Bruno Le Maire est de plus en plus pressant. Mais il rassure. Alain Juppé rassure sur son sens de l'État, son esprit de responsabilité, ses compétences en matières non seulement économiques, mais aussi diplomatiques. Enfin, sur sa loyauté, tant vis-à-vis de Jacques Chirac que de Nicolas Sarkozy lui-même lorsqu'il était son ministre.

Quand Alain Juppé explique que " la France a plus que jamais besoin d'un État fort qui mobilise tous les moyens nécessaires, qu'ils soient juridiques, financiers ou opérationnels ", il est crédible. Pas François Hollande.
Face à des candidats très légers politiquement, très légers institutionnellement, on sent bien qu'Alain Juppé rétablirait une partie de l'autorité de l'État tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. Il marche sur des œufs. Il sait très bien que de bons sondages ne signifient pas une bonne élection. Les précédents sont trop nombreux pour vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Il sait aussi que des électeurs de gauche lui font maintenant confiance (qui l'eût cru ?) mais ne voteraient pas forcément pour lui au moment crucial. Mais il reste encore le favori à une époque (huit mois avant l'élection) où le favori de 2012 était déjà définitivement éliminé.
Dans son document qui date du 30 juillet 2016, il a présenté des propositions réparties sur six axes. Certaines ont été émises dès janvier 2016 et parmi celles-ci, certaines ont été adoptées par le gouvernement entre-temps.
1. Renforcer le renseignement
En particulier, Alain Juppé insiste sur la nécessité d'impliquer la gendarmerie nationale car elle est très présente sur tout le territoire. De plus, il voudrait ressusciter les anciens renseignements généraux qui étaient les seuls capables de détecter les "signaux faibles" de la radicalisation. Il propose aussi de mettre dans la "boucle" les renseignements pénitentiaires et de créer une agence européenne de coordination du renseignement pour rassembler les efforts des différents États européens.
2. Optimiser les moyens de sécurisation
Il veut renforcer le dispositif législatif pour empêcher les individus signalés comme très dangereux de passer à l'acte. Il veut aussi utiliser les réservistes (ce qu'a demandé François Hollande également) pour compléter les forces de sécurité en trop faible nombre.
3. Réprimer les auteurs d'infractions terroristes
Pour éviter la contamination djihadiste dans les prisons, Alain Juppé propose la création d'une police pénitentiaire et l'isolement des détenus radicalisés, ainsi que la construction de 10 000 places de prison supplémentaires sur les cinq prochaines années.
4. Prévenir la radicalisation
Il propose d'expulser les imams salafistes, de fermer les mosquées qui se sont radicalisées, de punir les internautes consultants régulièrement des sites djihadistes, de faire interdire ces sites, et de faire de la propagande gouvernementale sur les valeurs de la République, en particulier sur la laïcité.

5. Organiser l'islam
Alain Juppé, comme beaucoup d'autres responsables politiques, se trouve dans le dilemme entre la laïcité (indépendance du politique et du religieux) et la tentation d'organiser et de structurer une religion (ici, l'islam de France). Ainsi, il suggère un accord entre la République et les représentants du culte musulman pour créer un islam de France, qui déterminerait les règles sur la formation des imams, la transparence du financement des mosquées, et l'emploi du français comme langue de prêche.
6. Renforcer la coopération européenne
La principale mesure qu'Alain Juppé expose est remise en cause par le Brexit dans la mesure où le Royaume-Uni était avec la France l'un des poids lourds militaires de l'Europe : " Amener les autres pays européens, et particulièrement ceux disposant des capacités militaires les plus développées, à contribuer plus aux interventions extérieures et à l'assistance aux pays tiers auxquels nous sommes alliés dans la lutte contre le djihadisme. ".
Le point crucial
Comme on peut le comprendre, la plupart des mesures (pas toutes) sont de bon sens, mais doivent être appliquées de manière crédible et efficace, ce qui n'est pas toujours le cas avec le gouvernement actuel.
La proposition la plus contestable et pourtant la plus nécessaire est l'organisation du culte musulman. Nicolas Sarkozy l'avait initiée lorsqu'il était Ministre de l'Intérieur. François Hollande, aujourd'hui, essaie de faire renaître la Fondation des œuvres de l'islam de France créée le 31 mai 2005 par Dominique de Villepin, mais son efficacité ne passerait pas forcément en attribuant en fin août 2016 sa présidence à Jean-Pierre Chevènement, homme politique très respectable à l'autorité reconnue, mais peut-être un peu trop âgé (77 ans) pour une fonction qui nécessiterait dynamisme et énergie.
Le problème, c'est que l'islam, au contraire de l'Église catholique, est décentralisé et sans hiérarchie. Donc, vouloir hiérarchiser l'islam pourrait être un objectif qui serait très peu réaliste dans le contexte actuel.

Pendant deux mois et demi, les huit candidats à la primaire LR (si leur candidature est bien validée d'ici le 21 septembre 2016) vont multiplier leurs propositions, et celles concernant la lutte contre le terrorisme sont sans doute très attendues par les électeurs, mais devraient faire l'objet d'un consensus national et pas de combinaisons politiciennes comme l'avait tenté (sans succès) François Hollande juste après les attentats de Paris du 13 novembre 2015.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (13 septembre 2016)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Alain Juppé et le terrorisme.
L'envie d'Alain Juppé.
Le projet d'Alain Juppé.
Alain Juppé, la solution pour 2017 ?
En débat avec François Hollande.
Au Sénat ?
Virginie Calmels.
Nicolas Sarkozy.
François Fillon.
Bruno Le Maire.
Jean-François Copé.
Jacques Chirac.
Dominique de Villepin.
Gérard Larcher.

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