Michel Sapin, le ministre des Finances, vient d'annoncer une nouvelle baisse de l'impôt sur le revenu en faveur des classes moyennes, à hauteur de 1 milliard d'euros. Il ne s'agit pas du premier geste du gouvernement pour alléger la fiscalité des particuliers. Déjà, en 2014, lors de son arrivée à Matignon, Manuel Valls avait engagé une baisse fiscale en annonçant la suppression de la première tranche de l'impôt sur le revenu.
Le " ras-le-bol fiscal ", marqueur du quinquennat
Cette première initiative n'était pas parvenue à juguler le sentiment de " ras-le-bol fiscal " - expression utilisée personnellement par le ministre de l'Economie de l'époque, Pierre Moscovici - qui était né au cours de l'été 2013, soit un an après l'élection de François Hollande. Ce " ras-le-bol " est resté prégnant de longs mois, suite à un empilement de mesures défavorables, pesant sur le montant des impôts des ménages (entre autres, la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, la hausse de la TVA prévue dans le pacte de compétitivité, la suppression de la " demi-part veuve ", la réforme du quotient familial...).
Les enquêtes de l' Eurobaromètre, qui mesurent tous les 6 mois les principales préoccupations personnelles des Français, montrent combien la question fiscale est devenue importante pour les ménages très rapidement après l'arrivée de la gauche au pouvoir, suite à des augmentations conséquentes de l'imposition. Cette hausse de la fiscalité s'inscrivait dans un contexte où les inquiétudes majeures concernant sa situation personnelle ou celle de son foyer étaient largement centrées sur des questions de pouvoir d'achat, ce qui augurait de la mauvaise réception de mesures alourdissant les impôts, d'autant plus, dès le départ, le sens de la politique économique mise en œuvre par le gouvernement n'a pas été compris et/ou accepté (pouvant même être perçu comme une trahison des engagements du candidat François Hollande durant la campagne, à l'exemple de la politique de baisse de l'impôt des entreprise pour améliorer la compétitivité) :
Les inquiétudes concernant la fiscalité ne sont plus aussi élevées aujourd'hui, mais elles restent importantes, plus qu'elles ne l'étaient avant l'élection de François Hollande. Depuis un peu plus d'un an, suite aux attentats terroristes et à l'augmentation du nombre d'émigrés arrivant en Europe, les préoccupations relatives à ces deux sujets, ainsi qu'à la délinquance augmentent. Elles restent cependant nettement moins citées que les inquiétudes d'ordre financier, toujours prégnantes pour les ménages.
Néanmoins, quand on demande aux personnes interrogées de désigner les principaux problèmes auxquels doit faire face la France (et non plus leur propre foyer comme dans la question analysée plus haut), les réponses ne sont plus du tout les mêmes : les Français désignent alors comme principal problème le chômage (52% de citations) - et ce, sans discontinuer depuis déjà de nombreuses années. Le terrorisme est deuxième (30%), devant l'immigration (14%), l'inflation et le coût de la vie n'étant que quatrième (12%). Et les impôts sont peu cités (6%), deux fois aujourd'hui que lors du pic du " ras-le-bol fiscal " . Mais même lors de celui-ci, la pression fiscale restait, aux yeux des Français, un problème nettement moins important que le chômage (13% de citations pour la fiscalité quand le chômage atteignait 59%).
Un ressenti de hausse de la fiscalité qu'il sera difficile de contrecarrer
Aujourd'hui, les deux tiers des Français ( 64%) estiment que leurs impôts ont augmenté durant le quinquennat de François Hollande, 37% jugeant même que leur contribution fiscale a " beaucoup augmenté " depuis 2012. Si la hausse est davantage ressentie par les catégories socioprofessionnelles supérieures (75% des cadres et professions intellectuelles supérieures considèrent que leurs impôts ont augmenté dont 45% " beaucoup augmenté "), elle est également largement perçue par les professions intermédiaires (65% dont 40% " beaucoup "), les retraités (69% dont 40% " beaucoup "), mais aussi, dans des proportions importantes par les ouvriers (59% dont 37% " beaucoup ") et les employés (59% dont 33% " beaucoup ").
Le gouvernement se confronte donc à une tâche difficile lorsqu'il souhaite venir à bout de l'idée, toujours largement ancrée dans les esprits, qu'il a lourdement augmenté les impôts depuis 2012. La mission est d'autant plus ardue qu'en matière de fiscalité, de multiples facteurs peuvent venir contrecarrer les efforts que pourrait faire le gouvernement : le champ variable de ce que recouvre ce terme pour les individus (quels impôts paient-ils effectivement et lesquels sont pris en compte par les individus dans leur estimation, seulement les impôts directs ou indirects ?) ; les possibles effets de balancier, une baisse fiscale pouvant être compensée par un autre changement dans le mode de calcul de l'impôt ou la hausse d'un autre impôt (et notamment des impôts locaux dont le montant n'est pas décidé par le gouvernement) ; ou tout simplement la trajectoire ascendante des revenus (l'augmentation des impôts provient-elle vraiment d'une augmentation du taux d'imposition ou est-elle également la résultante d'une hausse du revenus du ménage ?).
Un autre piège est que le gouvernement, en affirmant aujourd'hui vouloir offrir une baisse d'impôts aux classes moyennes, risque de faire des déçus tant la définition de " classe moyenne " est englobante. Les deux tiers des Français estiment appartenir aux classes moyennes, bien plus que le ciblage de la mesure prévue par le gouvernement (5 millions de ménages). Sans compter évidemment le décalage temporel entre l'annonce de cette baisse et le moment où les contribuables pourront la constater effectivement.