Quelque chose de sublime s'est produit
J'ai recueilli un chat sauvage
Difficile à apprivoiser, à mettre en cage
Je l'ai logé, nourri, soigner
Sans toucher à sa liberté
À son goût prononcé pour l'indépendance
Je ne l'ai pas dressé, ni cherché à le redresser
Ni domestiqué, ni contraint et forcé
À s'appliquer, à se compliquer la vie ou à s'impliquer dans mon circuit.
J'ai préféré m'impliquer dans le sien
Celui de l'instinct... celui de l'instant
Je l'aimais... il ne me détestait pas
Nous avions je crois, le même tempérament
Du mécontentement et très peu de ronronnement
Et peut-être aussi une certaine légèreté
C'est la lourdeur que nous avions du mal à supporter
Ni commandement, ni obéissance
Sous l'empire des sens et des sensations
Par-delà le songe et le mensonge des sentiments
Je l'ai appelé : Sango
Et avec lui, je n'ai jamais utilisé d'autre mot
Il quittait la maison aux aurores
Et il revenait au crépuscule
Pour miauler, manger et dormir
Je ne sais pas lequel de nous deux avait l'œil sur l'autre,
Lequel avait le plus besoin de l'autre
Son réflexe ou ma réflexion ?
Mais notre animalité nous dispensait de ce genre de futilité...
J'oubliais... Sango n'a jamais supporté
La maison, les murs, les cloisons
Je l'ai toujours servi dehors
Dedans il se serait donné la mort
C'est ce détail qui va nous faire du tort...
Une nuit... ou peut-être un jour maudit
Débarqua un autre chat, un chat noir
Plus coriace et plus vorace que Sango.
Avec ma manie des mots, je l'ai appelé Congo !
Il avait quelque chose d'indomptable cet escroc
Il avalait à lui seul toutes les croquettes
Et excellait dans ce genre de racket
Un chat voyou, fait pour troubler la fête
Et même lorsque je fais deux parts, il accapare les deux
Congo a fini par affamer Sango
Qui était beaucoup moins costaud, plus raffiné et moins belliqueux
C'est toujours l'intrus qui a le dernier mot
Sango a maigri, un peu trop maigri
Perdait sa verve et son énergie
Il ne revenait plus qu'une nuit sur deux
C'est Congo qui désormais occupait les lieux
Même parmi les chats, il y a Un dominant et un dominé
De l'étrange et de l'étranger
Pour résoudre cette détestable inéquation
Et cesser de me morfondre avec le fruit de mon adoption
J'ai décidé d'éloigner Congo
De le chasser de ce qui me paraissait ressembler à un paradis
Je lui ai fait faire une petit tour en voiture et lâché à 100 bornes de la maison
Dans une résidence suffisamment riche pour l'accueillir
Et nous ne l'avons plus jamais revu !
Sango a repris ses habitudes et sa solitude
Retrouvé sa faim manifeste et sa joie dissimulée.
Mais moi... ça m'a terriblement marqué, Je l'ai terriblement regretté...
J'en ai souffert et j'en souffre encore... d'être et d'avoir été propriétaire si austère au propre et au figuré...
J'aurais mieux fait de trouver les moyens pour les faire coexister, cohabiter, partager... au lieu de les départager cruellement...
Sango n'a rien de plus ni de mieux que Congo
Si ce n'est que l'un fut là avant l'autre... concours de circonstances... qui en dit long sur le hasard des naissances
À chaque fois que je vois Sango, je pleure Congo...
Peut-être parce que je ne fus pas assez forte pour aimer la force, ni assez fine pour concilier deux félins, deux orphelins...
Moralité : Nous entendons tous la porte du paradis.
Les plus vaniteux comme les plus valeureux...
Sauf que les plus vaniteux l'entendent lorsqu'elle se referme
et les plus valeureux lorsqu'elle s'ouvre...