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Beacons : quel avenir après les pilotes ?

Publié le 12 septembre 2016 par Pnordey @latelier

En 2013, les beacons devaient révolutionner les points de vente en créant enfin un lien fort entre digital et brick & mortar. 3 ans plus tard, ces petites balises de géolocalisation cherchent encore leur marché.

Si, cette année encore, le digital sera à l'honneur cette semaine lors du salon Equipmag, le salon français dédié à l'équipement des points de vente, le Beacon sera plutôt discret cette année. Technologie présentée par Apple lors de sa conférence développeur en 2013, le iBeacon a soulevé un fort intérêt dans le secteur de la distribution. La promesse de cette petite balise Bluetooth communicante était alors de réconcilier enfin le monde du digital avec celui du brick and mortar, les boutiques physiques.

Le polonais Estimote s'est vite imposé comme le leader de ce marché du "nearable" comme il l'a lui-même baptisé. Les ventes de ces petits boitiers de géolocalisation se sont envolées et de multiples enseignes de la distribution ont commencé à tester les beacons afin d'élaborer des scénarios destinés à engager la conversation avec le client dans le point de vente. Cette géolocalisation indoor permet d'une part d'attirer les passants à l'intérieur de la boutique, distribuer des coupons électroniques au niveau du rayon ou même du présentoir et même mettre en place un paiement à distance à la sortie de la boutique.

Apple a mis un coup de projecteur la technologie du beacon

Suite au lancement de l'iBeacon par Apple, les enseignes de mode Macy's, American Eagle ont été parmi les premières à déployer des dizaines de beacons dans leurs rayons. Toutes les grandes enseignes américaines telles que Best Buy, Walgreen's, Target, Neiman Marcus leur ont alors emboité le pas, Marriott testant les beacons dans ses hôtels, en couplage avec son application de fidélisation. Le succès de la technologie semblait alors tout tracé et de nombreuses études allaient alors dans ce sens. En 2014, ABI Research annonçait 60 millions de balises déployées dans les 5 ans et les enquêtes montraient alors des consommateurs prêts à partager leur localisation en échange d'un service, des utilisateurs de smartphone qui, pour 67% d'entres-eux, lisaient leurs alertes sur smartphone. En 2015, Gartner classait même iBeacons et balises Bluetooth au sommet de son "hype cycle", estimant que la technologie serait adoptée dans un délai de 2 à 5 ans.

Beacons : quel avenir après les pilotes ?
ShopKick de Macy's : jugé trop intrusif, le premier scénario imaginé pour le beacon, c'est à dire pousser des messages d'accueil et des promotions à l'arrivée d'un visiteur dans un point de vente n'a pas séduit les consommateurs.

Depuis, l'enthousiasme des distributeurs s'est émoussé et ces mécanismes de push de messages simplistes n'ont séduit personne. Les premiers déploiements ont montré que les beacons étaient peu ou pas utilisés et beaucoup de projets pilotes n'ont pas été suivis des grands déploiements attendus. "Il y a un an, les distributeurs français se sont enflammés pour la technologie du Beacon mais aujourd'hui leur utilisation s'est déplacée vers d'autres secteurs." reconnait Arnaud Decherf, fondateur de "The-Beacons", un constructeur de beacons à Paris. "Les utilisateurs n'ont pas suivi car les agences ont vu le beacons comme un moyen de pousser de la publicité sur les smartphones des clients. Cette publicité poussé sur le smartphone est très intrusive et pousse les utilisateurs à désactiver les notifications." Pousser un message de bienvenue sur un smartphone à l'entrée d'un point de vente est aujourd'hui jugé comme une nuisance et les marketeurs vont devoir faire preuve d'imagination et de bon sens pour créer des dispositifs plus pertinents. "Les dispositifs n'apportaient pas de réelle plus value pour les utilisateurs" ajoute Arnaud Decherf. "Il est nécessaire de vraiment se creuser la tête afin d'offrir un réel service à l'utilisateur. Le beacon permet de valider un ticket dans un bus sans avoir à sortir la carte de son sac."

Le beacon doit passer l'écueil du manque d'audience

En France, les enseignes sont restées plutôt discrètes sur leurs déploiements de beacons. Peu de projets pilotes ont été suivis de déploiement à grande échelle, devant le peu de succès remporté par ces initiatives auprès des consommateurs français. Pour Yann Casanova, fondateur de l'application de fidélisation Fidall, le succès de tels dispositifs marketing repose sur 3 piliers. "Il faut réunir le trio gagnant du réseau de balises, de la plateforme technique, mais aussi de l'audience. Toutes les enseignes ont aujourd'hui une application mobile, mais combien de leurs clients l'ont installée et s'en servent véritablement ? C'est pour moi le véritable frein pour de nombreux retailers."

Pour coupler son application mobile de dématérialisation des cartes de fidélité avec des beacons, Fidall a noué un partenariat avec la startup Take & Buy. Ce dernier met à sa disposition un réseau de 15 000 beacons installés partout en France, notamment dans les Maisons de la presse, les stades, les principaux centres commerciaux. "Aujourd'hui ce sont beaucoup plus les marques et les industriels qui s'intéressent aux beacons que les retailers eux-mêmes. Les deux dernières opérations beacons que nous ayons menées concernaient Havaianas pour les popups store que la marque a mis en place dans les grands centres commerciaux français. Un beacon a été installé dans ces stands et à chaque fois qu'un visiteur passait à proximité, il recevait un message les invitant à se rendre dans le stand pour gagner une paire de tongs s'ils prenaient en photo leurs pieds avec les tongs. Autre opération récemment menée, pour la marque d'insecticides Raid qui voulait toucher les gens à proximité des Carrefour."

Beacons : quel avenir après les pilotes ?

Une campagne exploitant les beacons des centres commerciaux menée par Fidall pour le compte de la marque Havaiana afin de drainer de l'audience dans ses popups stores.

Crée voici un an et demi, Take & Buy a pour objectif de fournir aux annonceurs un réseau de beacons stratégiquement positionnés dans les centres-villes, les centres commerciaux, stades et autres. Unacast a eu cette idée de réseau de beacons et de plate-forme mutualisée au même moment aux Etats-Unis. Ce dernier gère aujourd'hui un parc de 2 millions de beacons.  "La problématique de la distribution, c'est la taille de l'audience qu'une enseigne seule peut potentiellement toucher avec son application mobile" explique Patrick Chatanay, PDG d'Ezeeworld. "Pendant l'année et demi qui vient de s'écouler, nous avons déployés 15 000 beacons avec pour objectif d'atteindre 20 000 dans les prochains mois, et en parallèle, la tâche qui a été beaucoup plus complexe techniquement, commercialement et d'un point de vue marketing pour nous a été de placer notre SDK dans un très grand nombre d'applications. Aujourd'hui à peu près toutes les applications Shoppers comme Fidall, MobileTag, Plyce, les applications plus ciblées sur le jeunes comme S-Money ou Izly pour les étudiants, etc. Nous avons 20 millions de porteurs actuellement et nous devrions être à 25/26 millions courant septembre grâce aux nouveaux accords de partenariats signés."

Quel avenir pour le Beacon ?

Pour l'heure, les fabricants de beacons explorent de nouveaux marchés pour leurs devices. Gimbal est notamment présent dans plusieurs stades aux Etats-Unis mais aussi sur des événements tels que le festival Lions Cannes. Considéré comme le leader du marché, Estimote fait évoluer son beacon et cherche à sortir du marché purement "retail" pour le pousser sur le marché des objets connectés. Son boitier dispose désormais d'un port d'entrée/sortie GPIO sur lequel les markers et les fabricants d'électroménager et équipements de la maison vont venir connecter leurs produits. Ainsi, le beacon va assurer le rôle de modem Bluetooth pour envoyer des données de fonctionnement au smartphone de l'utilisateur et celui-ci pourra piloter à distance son grille pain ou son lave linge.

Beacons : quel avenir après les pilotes ?
Il existe encore un grand nombre de constructeurs de beacon. Leurs produits ont des capacités assez différentes en termes de durée de vie, de portée et de technologie réseaux Bluetooth Low Energy, Wifi.

Face à cette approche étonnante, Ezeeworld préfère axer ses développements vers le CRM. Le français qui fournit ses beacons à Take&Buy a produit plus de 20 000 beacons à ce jour. Ses beacons installés dans les points de vente Leclerc, les bureaux de poste ou encore intégrés aux dispositifs de communication Coca-Cola. "Nous travaillions sur les technologies BlueTooth bien avant la sortie d'iBeacon par Apple en 2013 et nous avons pu observer le cycle d'adoption du beacon" souligne Patrick Chatanay. "Le Beacon a été perçu dans un premier temps comme un simple outil de push. Ce fut le premier cas d'usage et c'est une approche qui peut être jugée comme intrusive voire abusive par les utilisateurs. Aujourd'hui, m'a conviction, c'est que le push ne représentera que 20 à 30% des usages du beacon. L'usage n°1 portera sur la donnée collectée, la "data" qui va permettre d'analyser finalement le parcours client ce que le Wifi ne permet pas." Ezeeworld a décliné ses beacons avec des versions hybrides BlueTooth / Wifi, à allongé la porte de ses beacon de 60 m à 450 m, travaille notamment pour intégrer les réseaux Iot Sigfox et Lora, mais pour Patrick Chatanay, la vraie différence se fera au niveau de la data : "L'objet beacon lui-même va s'améliorer, va être miniaturisé, moins cher, mais sa vraie valeur, c'est l'intelligence que l'on place derrière. Nous avons une approche très CRM du sujet car on considère que la valeur qu'une enseigne peut tirer d'une flotte de beacons, c'est la donnée. C'est la capacité à analyser le signal qui lui donne tout son sens."

L'étude Ovum "The Future of E-commerce: The Road to 2026" donne raison à Patrick Chatanay. Les analystes soulignent que le parcours client du futur ressemblera à un "pretzel", avec de multiples allers-retours entre les technologies à la disposition du client. SmartTV, équipements de la maison connectés, wearables et beacons, non seulement les enseignes vont devoir intégrer tous ces médias dans leurs dispositifs numériques mais elles vont surtout devoir assurer une fluidité totale entre ces multiples points de contact. Cette intégration va permettre aux enseignes d'imaginer des scénarios plus subtils que simplement pousser une promotion sur le smartphone du client lorsqu'il franchit le seuil d'une boutique. Les analyse évoque notamment le scénario du client resté devant un article pendant plusieurs minutes sans l'acheter et à qui on pourra envoyer quelques informations complémentaire sur le produit par la suite. Les analystes voient dans le beacon un outil pour permettre un commerce hyperlocal où le ciblage combine données de profil client et géolocalisation fine, ce que ne permet pas le Wifi. Certains imaginent non plus interagir avec le client, mais envoyer une notification aux vendeurs lorsqu'un client reconnu par le système entre dans la boutique. Avec son profil CRM complet affiché sur une tablette, le vendeur sera bien armé pour accueillir son client.


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