Comment ne pas être surpris lorsqu'on entend Dany Laferrière, un académicien (de l'académie française, précisons-le) dire qu'il trouvait la littérature française trop littéraire et cherchait à s'échapper (vers la littérature américaine, ndlr). ' Je voulais être un écrivain comme Miller, Bukowsky, ... et m'échapper de la littérature française que j'aimais mais que je trouvais trop littéraire... pour essayer de retrouver la spontanéité et l'immédiateté d'un Hemingway, d'un Bukowsky... '
J'ai été surpris par ce propos venant d'un académicien parce que je me suis retrouvé dans ses phrases. J'ai toujours pensé la même chose, mais de ma pensée sur la littérature française, le monde s'en fout. Et je me cache derrière cet homme, écrivain reconnu par ses pairs, et dont toute maison d'édition accepterait volontiers aujourd'hui de publier les œuvres; je me cache derrière cet homme, dis-je, pour partager cette Réflexion sur la littérature française.
Je me pose la question de savoir si Dany Laferrière aurait-il pu avoir cette place qu'il a aujourd'hui en France dans le milieu littéraire, s'il avait commencé sa carrière d'écrivain dans l'hexagone? Ou plutôt s'il n'avait pas eu du succès au Québec avant d'être connu en France, aurait-il reçu le même accueil chez les éditeurs et les critiques littéraires de l'hexagone? On lit sur le site de l'académie française ce qui suit :
" Paraît, en 1985, le roman Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer, qui explose dans le ciel littéraire du Québec. À la suite du succès éclatant de ce premier roman, la nouvelle télévision "Quatre Saisons" l'embauche en 1986 pour présenter la météo. Le Québec reçoit le choc d'un Noir annonçant la neige et les angoissantes blancheurs de février, tout cela avec légèreté et humour. Un nouveau personnage est né dans le paysage télévisuel.... Printemps 1999, le Québec est le pays à l'honneur au Salon du livre de Paris. Invités de l'émission Bouillon de culture, de Bernard Pivot, avec Robert Lalonde et Gaétan Soucy, les trois écrivains québécois se distinguent ce soir-là. Dany Laferrière va jusqu'à souhaiter que l'on puisse remettre un jour le prix Nobel au Québec pour l'originalité de sa littérature. "
Ce premier roman, , qui, si on en juge selon les propos de l'auteur lui-même (qui cherchait à s'échapper de la littérature française, trop littéraire) ne correspondrait pas aux styles de romans qu'aiment publier les éditeurs français, aurait-il pu être publié par un grand éditeur comme Grasset qui vient de le rééditer avec d'autres premiers textes de l'auteur et académicien ? J'en doute fort. Le lecteur fera lui-même sa propre opinion. Et cette question m'amène à penser que son cas rejoint celui d'Ahmadou Kourouma, chantre de la littérature africaine francophone, qui n'aurait pas non plus connu de succès en France sans avoir d'abord été distingué au Québec avec son premier roman Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer (titre intéressant) Les Soleils des indépendances, qui a été refusé par plusieurs éditeurs français, à cause de son style et son écriture qui ne correspondaient pas aux codes de la littérature française. Mais après avoir obtenu au Québec le Prix de la revue Études françaises, et publié par les Presses de l'université de Montréal, ce même roman plusieurs fois refusé par les éditeurs français, a finalement été édité par les éditions du Seuil.
Alors, à tous ceux qui écrivent et qui ont vu leur œuvre rejetée à cause de son originalité et son style pas très littéraire, vous pouvez toujours garder espoir, parce que Dany Laferrière et Ahmadou Kourouma sont aujourd'hui salués comme de grands auteurs. L'un est devenu académicien et l'autre, illustre écrivain, plusieurs fois récompensé par de prestigieux prix littéraires, dont on fait référence dans la littérature francophone.
Du courage donc.