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D'Ecosse, de Cédric Pignat

Publié le 11 septembre 2016 par Francisrichard @francisrichard
D'Ecosse, de Cédric Pignat

Les deux parties du roman de Cédric Pignat sont intitulées: Stevenson & Pigasus et Steinbeck & Tusitala. Ce n'est pas fortuit: John Steinbeck aimait à se comparer à Pigasus, le cochon ailé; Tusitala, conteur d'histoires, est le nom donné à Robert Louis Stevenson par des habitants de Samoa, où il est mort et enterré...

Pour parler D'Ecosse, quoi de plus naturel que de parler de Stevenson, qui est un écrivain écossais, né à Edimbourg, mais pourquoi parler de Steinbeck, qui est un écrivain américain? Parce que Steinbeck a présenté Stevenson au narrateur: dans les rayons anglophones des librairies, on ne trouve pas grand-chose entre Steinbeck et Stevenson ...

De plus Steinbeck citait volontiers Stevenson parmi ses auteurs préférés, en souvenir des lectures que lui faisait sa mère et en hommage à l'oeuvre dont il avait découvert la richesse au fil des années... Aussi Cédric Pignat met-il en épigraphe, à plusieurs reprises, des citations de l'un ou de l'autre.

Le narrateur n'a lu longtemps qu'eux deux, en alternance, comme des oeuvres se faisant écho , oubliant ou n'ayant pas compris que les deux avaient vécu dans la même ville, à quelques années d'intervalle, sans quoi ils n'auraient pas manqué de trinquer, même tristement, à la bonne nouvelle.

Le narrateur s'est rendu en Ecosse sur les traces de Stevenson, y a passé vingt jours, dont trois seulement à Edimbourg: c'était pour écrire un bête article qui devait [le] faire valoir . De retour il lit dans le journal que deux jeunes filles ont été tuées dans le jardin botanique de la capitale écossaise.

Fay et Merrin étaient amies et avaient 15 et 16 ans. Et elles sont mortes, toutes deux, ensemble, le 21 juin 2013, le jour du solstice d'été, le seul jour de l'année où le jardin botanique ferme à vingt-deux heures: L'une s'est vidée de son sang, l'autre a le cou brisé. La première était petite, rousse et menue, la seconde sans charme mais [...] d'une volupté rassurante.

Le narrateur parle de lui à la deuxième personne du singulier. Il faut croire que, comme le dirait Steinbeck, qu'il dit "tu" au lieu de "je" parce qu'il a peur de lui-même... Il faut croire aussi qu'il réserve "je" à Fay, parce qu'il ne voit qu'elle et que les pensées qu'il lui prête sont peut-être les siennes...

Fay écrit. Elle parle de Steinbeck, mais aussi de Stevenson, dont elle résume bien la vie, mais sans trop dire son importance pour l'Ecosse, et la manière dont l'Ecosse se souvient de lui . Ses éléments autobiographiques ne sont pas superflus, mais ne devrait-elle pas se lancer dans l'écriture littéraire ?

Cette question est certainement la question que le narrateur se pose à lui-même et à laquelle il répond en écrivant, porté par un vrai souffle littéraire, ne retournant en Ecosse que pour les livres, emportant ceux de Stevenson, sans les lire, sinon quelques pages. Car, là-bas, ses yeux se sont lassés des lumières et du blanc .

Le narrateur imagine alors les choses, plutôt qu'il n'en rend compte; il s'exprime en employant tour à tour "je", "tu", "il" ou "elle", sur tous les tons, y compris le lyrisme et l'incantation, pour mieux dire sa nostalgie de l'Ecosse et de Fay, en lui prêtant, à elle, une plume bridée, pour montrer qu'elle sait sans cacher qu'elle ignore ...

Francis Richard

D'Ecosse, Cédric Pignat, 352 pages Editions de l'Aire

Livre précédent chez le même éditeur:


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