- 10 SEPT. 2016
- PAR ALAIN COULOMBEL
- BLOG : LE BLOG DE ALAIN COULOMBEL
©afp.com/Sebastien Bozon
L’annonce par la direction d’Alstom de la fermeture de son site de Belfort est, sur la forme comme sur le fond, une caricature et une illustration parfaite du fonctionnement et du cynisme qui caractérisent, de nos jours, le capitalisme « financiaro-industriel ». Un constat inquiétantSur la forme d’abord. Alors que chacun a en tête le conflit de ce printemps sur la loi travail et les arguments du gouvernement sur la démocratie sociale et la nécessité de faire de chaque entreprise le lieu privilégié de la négociation, voilà qu’un groupe, dont l’agence des participations de l’Etat détient 20% des droits de vote, annonce brutalement et sans négociation préalable avec les salariés et leurs représentants syndicaux, la fermeture de son site de Belfort. Soit 400 salariés, sur les 500 que compte l’usine historique d’Alstom, qui devront partir à Reichshoffen (Bas-Rhin) ou sur d’autres sites…On ne dira jamais assez que cette violence sociale qui s’exerce sur les salariés, quels que soient les secteurs d’activité, engendre une colère diffuse, l’indifférence ou le repli dont se nourrissent tous les fascismes. Sur le fond ensuite. A l’heure où la France s’est engagée à réduire ses émissions de GES, via le développement de la mobilité durable, comment admettre qu’une entreprise dont les activités principales sont tournées vers la construction de TGV, de locomotives de fret, de métros et de tramways, une entreprise qui se vantait encore, en mai dernier, par la voix de son PDG de nouvelles commandes et « de très bonnes performances opérationnelles », ce groupe puisse aujourd’hui abandonner un site dédié à la production des motrices de TGV ? Inique, incompréhensible, incohérent ? Ou simple expression de la logique prédatrice et mortifère du capitalisme contemporain ?Sur la parole politique enfin. «L’Etat sera au côté d’Alstom Transport […], nous serons présents au conseil d’administration et nous saurons peser» assurait Emmanuel Macron lors de sa visite, il y a un peu plus d’un an sur le site de Belfort. Foutaise ! Ni le volontarisme « franchouillard » de Montebourg, ni le CICE, ni la société libérée de Macron, n’auront empêché les restructurations brutales ou les plans sociaux d’Arcelor Mittal, Sanofi, SFR, Philipps, Servier, Transgène…Après tant de promesses non tenues, comment s’étonner de la « démonétisation » de la parole politique ? Ecologiser l’économie et favoriser l’émergence d’une société post-croissanceQue faire alors face à une situation de plus en plus dégradée ? Les écologistes ont des réponses qui touchent à la définition d’ une autre politique industrielle et d’un autre modèle de développement. Modèle qui ne se résume pas au patriotisme économique ou au sempiternel mantra des libéraux comme des socio libéraux sur le cout du travail, les 35 heures ou les contraintes administratives et juridiques à lever. Chacun connait les faiblesses de notre tissu industriel : la stagnation des nos dépenses de RD, un dispositif d’incitation à la recherche (le CIR) qui profite essentiellement aux grandes entreprises, une spécialisation industrielle qui ne répond plus aux enjeux de la concurrence internationale, une montée en gamme insuffisante et un tissu d’ETI trop faible…Nous savons ce qu’il faut faire : investir dans les filières d’avenir (énergies renouvelables, bâtiments performants, recyclage, chimie verte…), relocaliser, développer une fiscalité plus juste entre les grandes entreprises et les PME, décarboner la production, soutenir l’innovation sociale et organisationnelle, favoriser les low tech, accompagner la transition écologique de l’économie. Mais tout cela ne peut réussir que si les salariés retrouvent des marges de manoeuvre dans les entreprises, tant au niveau de l’organisation du travail qu’au niveau de la définition des choix stratégiques. La faiblesse du dialogue social n’est plus à démontrer dans notre pays et ce n’est pas la loi faussement intitulée « loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels », adoptée cet été à l’arraché, qui modifiera la situation, bien au contraire, tant le rapport de force dans les entreprises est peu favorable aux revendications des salariés. De nouveaux droits sociaux sont à créer, de nouveaux espaces de liberté dans et hors des entreprises : revenu de base, extension des sphères de la gratuité, droit à l’auto-alimentation et à des communautés locales résilientes…seuls susceptibles d’engager nos sociétés vers un monde post-carbone. Au regard de l’accélération de la dégradation de nos conditions de vie, il y a urgence.