"Le cabaret était la plus grande institution du Burundi.L'agora du peuple. La radio du trottoir. Le pouls de la nation. Chaque quartier, chaque rue possédait ces petites cabanes sans lumières, où, à la faveur de l'obscurité, on venait prendre une bière chaude, installé inconfortablement sur un casier ou un tabouret, à quelques centimètres du sol. Le cabaret offrait aux buveurs le luxe d'être là sans être reconnus, de participer aux conversations, ou pas, sans être repérés. Dans ce petit pays où tout le monde se connaissait, seul le cabaret permettait de libérer sa parole, d'être en accord avec soi. On y avait la même liberté que dans un isoloir. Et pour un peuple qui n'avait jamais voté, donner sa voix avait son importance. Que l'on soit grand bwana ou simple boy, au cabaret, les coeurs, les têtes, les ventres et les sexes s'exprimaient sans hiérarchie."
Petit pays, Gaël Faye, roman, Ed. Grasset, août 2016, 220 pp