SOMMEIL: Son déficit fortement associé à un risque accru de surpoids et d'obésité! – Jean-Michel Lecerf / Chef du service nutrition de l'Institut Pasteur de Lille

Publié le 11 septembre 2016 par Santelog @santelog

On le pensait, on le croyait mais l’on n’avait pas encore de preuves : la sieste fait du bien ! Mais bien dormir, cela fait-il maigrir ou grossir ? Il ne faut pas toujours se fier au bon sens (ce n’est pas parce que l’on se repose un peu que l’on grossit !) ni aux proverbes :  » qui dort dîne  » ne signifie pas que lorsque l’on dort on peut se passer de manger (autrefois à l’auberge si l’on prenait une chambre il fallait prendre un repas !).

Quel que soit l’âge, un déficit de sommeil est fortement associé à un risque accru de surpoids et d’obésité !

Les études épidémiologiques depuis 15 ans montrent toutes, quel que soit l’âge, qu’un déficit de sommeil est fortement associé à un risque accru de surpoids et d’obésité ! Or le temps de sommeil a été réduit de 1h30 en moyenne depuis 40 ans, particulièrement chez les plus jeunes, les adolescents en particulier. Cela s’est accentué avec le changement d’heure instauré en 1976 qui fait que lorsqu’il est 22h l’été il est 20h au soleil : impossible de se coucher. Et lorsqu’il est 7h du matin, il est 5h au soleil : impossible de se lever.

Mais ce sont surtout les écrans, tablettes et autres portables ainsi que la perte du contrôle parental (télé dans la chambre pour 30% des enfants de 10-12 ans dans le Nord) qui semblent en cause. D’une part entre 20h et 24h (ou plus) ce ne sont pas des poireaux et des carottes que l’on mange pour tenir le coup, d’autre part les études mécanistiques montrent que la dette de sommeil s’accompagne d’une augmentation de la prise alimentaire le lendemain sous l’effet d’une augmentation de la ghréline (hormone orexigène) et d’une diminution de la leptine (hormone satiétogène). De même on observe une réduction de l’activité physique consécutive à ce défaut de sommeil. La compensation hebdomadaire le week-end ne suffit pas à éponger la dette de sommeil.

Il est très encourageant de montrer, au moins sur le court terme, qu’accroître le temps de sommeil réduit la prise alimentaire. Il faut maintenant montrer qu’un effet bénéfique sur le poids surviendra à moyen et long terme. Mais des conseils alimentaires et l’hygiène de vie (activité physique) associés sont indispensables. De ce point de vue, plusieurs études ont montré, au moins chez l’adolescent obèse, que l’exercice physique ne les faisait pas manger plus, mais intervenait comme une régulation de la prise alimentaire.

Cependant, il existe sans doute une grande inégalité entre individus, tant vis-à-vis du sommeil (les vrais petits dormeurs existent mais sont rares) que vis-à-vis du risque de surpoids. Le déficit de sommeil ainsi que des perturbations des rythmes circadiens ont des conséquences métaboliques importantes.

Ils sont sous l’effet de gènes eux-mêmes dépendant de l’alternance veille-sommeil, lumière-obscurité. Les études montrent clairement que les rythmes décalés et/ou le déficit de sommeil favorisent un profil d’insulino-résistance et de diabète de type 2.

A cela s’ajoutent les effets du travail décalé, posté ou de nuit qui, d’une part réduit la thermogénèse post-prandiale, d’autre part fait manger plus ou moins bien… Si l’on se rappelle que 15% des Français travaillent en horaires décalés, on conçoit l’importance de ces rythmes sur la santé métabolique.

Source : La Lettre de la Nutrition- Lettre d’Information des Thermes de Brides-Les-Bains® N°20 – Août 2016

Auteur : Jean-Michel Lecerf / Chef du service nutrition de l’Institut Pasteur de Lille